Avec son logiciel, Avrio Medtech en passe de révolutionner la chirurgie de l’épilepsie ?
Santé. Soutenue par Toulouse Tech Transfer, la start-up créée en 2023 a développé un outil de diagnostic à base d’IA capable d’analyser rapidement les données des électroencéphalogrammes intracrâniens des patients épileptiques pharmaco-résistants et d’identifier dans le cerveau la zone responsable des crises. Elle est actuellement impliquée dans l’analyse de données provenant de 220 patients.

Santé Public France estime que près de 700 000 personnes souffrent d’épilepsie en France, faisant de cette affection non transmissible chronique du cerveau la troisième maladie neurologique la plus répandue après la migraine et la démence. À l’échelle mondiale, les dernières études avancent le nombre de 50 millions.
Pourtant, malgré son caractère handicapant dans les cas les plus sévères et son coût évalué à 0,2 % du PIB en Europe, de nombreuses zones d’ombre accompagnent toujours le diagnostic et le traitement de cette pathologie. D’autant plus chez les patients dits pharmaco-résistants, autrement dit tous ceux dont les crises persistent malgré la prise de médicaments. Pour ces derniers, l’intervention chirurgicale, qui consiste à retirer la zone de cerveau malade, est souvent l’ultime option.
Gain de temps, de précision et d’efficacité
Pour cela, les chirurgiens doivent au préalable localiser avec précision le foyer épileptogène, la zone non fonctionnelle du cerveau qui occasionne les crises et les convulsions. Les patients sont alors amenés à être hospitalisés plusieurs jours pour subir une batterie de tests : télémétrie, IRM cérébrale, électroencéphalogramme (EEG) de surface… Dans certains cas, l’implantation d’électrodes est même nécessaire. Ce n’est qu’à la suite de ce bilan, et l’intégration de tous les résultats, qu’une opération chirurgicale peut être pratiquée.
Problème, encore aujourd’hui, ce monitoring EEG intracrânien génère des quantités colossales de données que les médecins doivent analyser à la main. Un processus complexe et fastidieux qui prend plusieurs semaines. Mais la donne pourrait bientôt changer grâce au travail mené par les équipes toulousaines d’Avrio Medtech. Fondée en 2023, cette spin-off du CNRS valorise 10 ans de recherche académique en collaboration avec le Centre de recherche cerveau et cognition (CerCo) Toulouse et l’École nationale de l’aviation civile (Enac).
« Baptisé Halyzia, notre logiciel basé sur l’IA est capable de visualiser, d’identifier et d’analyser plus rapidement les signaux faibles qui sont caractéristiques de cette zone épileptogène, et ce en dehors des périodes de crises. Une avancée majeure puisqu’actuellement, les professionnels de santé doivent attendre qu’un patient face une crise pour regarder ce qui se passe et essayer de comprendre son origine », explique sa PDG Karine Seymour, qui a co-fondé l’entreprise avec Emmanuel Barbeau, responsable clinique et directeur de recherche au CNRS au CerCo et Christophe Hurter, responsable de la gestion et de l’analyse des données et chercheur à l’Enac.
Vers une commercialisation des premières licences

Outre sécuriser les chirurgiens dans l’identification de la zone à opérer, la technologie d’Avrio Medtech pourrait aussi être utilisée pour mesurer l’efficacité des traitements médicamenteux administrés aux patients. En quête du marquage CE, sésame obligatoire pour lancer la commercialisation de son logiciel en Europe, l’entreprise est actuellement impliquée dans un essai clinique qui inclut l’analyse de données de quelque 220 patients atteints d’épilepsie suivis dans cinq centres hospitaliers universitaires (CHU).
« Les données collectées sont envoyées au CerCo, où elles sont analysées à l’aide de notre logiciel. C’est une étape cruciale pour valider son efficacité dans un contexte clinique et ainsi démontrer son utilité dans l’identification des zones épileptogènes », insiste Karine Seymour dont l’un des objectifs en 2025 est « d’avoir un produit qui soit adopté par la communauté médicale, même si le marquage CE n’est pas encore obtenu. Et cela implique de valider un premier modèle économique et de commencer à vendre des licences ».
Une levée de fonds d’1 M€ fin 2025 ?
Hébergée par Aniti, le cluster IA de Toulouse installé au sein du bâtiment B612 à Montaudran, la medtech toulousaine a bénéficié pour son développement du soutien de la Région Occitanie qui a financé un programme de prématuration et de celui toujours actif de Toulouse Tech Transfer.
La société d’accélération du transfert de technologies (SATT) « nous a aidé sur la protection de la propriété intellectuelle et pour la valorisation de notre technologie. Elle a également financé un programme de maturation qui a permis l’embauche de deux personnes pendant 18 mois », détaille Karine Seymour qui a investi personnellement plus de 80 000 € dans cette nouvelle aventure entrepreneuriale, la troisième pour elle (voir encadré).
Entre les apports propres, les prêts réalisés auprès de la Caisse d’Épargne et du Crédit Coopératif, les subventions… l’entreprise a sécurisé environ 700 000 € depuis sa création en 2023 grâce à divers financements, dont deux prêts d’honneur de Créalia pour un montant total de 100 000 € ou encore une bourse French Tech Émergence de Bpifrance de 90 000 €. Elle est aussi lauréate de la 43e édition du concours régional Les Inn’Ovations dans la catégorie « prix produits ou services du futur ».
Enfin, outre une levée de fonds d’1 M€ prévue fin 2025 ou début 2026, Avrio Medtech va déposer un dossier de candidature pour participer au concours d’innovation i-Lab, opéré par Bpifrance dans le cadre du plan France 2030. « Au-delà d’un soutien financier conséquent, être lauréat de ce concours pourrait nous permettre de gagner en visibilité, ce qui faciliterait notre développement et notre intégration sur le marché », conclut Karine Seymour qui a reçu le prix Women Tech EU qui récompense les femmes cheffes d’entreprise à la tête de sociétés deeptech. Une fierté pour la Toulousaine qui a fait de l’entrepreneuriat au féminin un des ses combats.