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Luxe : avec son projet Niugreen, le tarnais BRC veut séduire l’industrie de la parfumerie

Industrie. Sous la pression la loi AGEC, l’industrie cosmétique cherche des solutions de réemploi pour ses flacons de parfum. La réponse pourrait bien venir du Tarn où une PME a développé un procédé de lavage bien plus écologique que leur recyclage. Une expérimentation va débuter qui doit permettre de valider le procédé.

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Basée à Soual dans le Tarn, BRC est spécialisée dans le façonnage de produits cosmétiques, de détergents et de compléments alimentaires. (©BRC)

Votre salle de bains regorge de flacons de parfum vides et vous ne savez qu’en faire ? Jusqu’au 31 octobre, vous pouvez les rapporter dans une sélection de 150 points de vente en France (dont près de 70 dans le grand Sud-Ouest) et ainsi bénéficier d’une rétribution. L’occasion surtout de participer à une expérimentation inédite de réemploi des contenants en verre utilisés en parfumerie.

À l’origine de cette initiative, on trouve un consortium réunissant deux sociétés de conseil en transition écologique, Circul’R et We Don’t Need Roads, des industriels du luxe et des distributeurs, avec le soutien de l’éco-organisme Citeo. Son but ? Encourager ces entreprises à réduire les emballages à usage unique, conformément aux ambitions de la loi AGEC qui fixe un objectif de 7% des emballages réemployés d’ici 2025, et 10% d’ici 2027.

L’expérimentation vise notamment à élaborer un circuit de collecte efficient, mais aussi et surtout à contrôler la qualité du lavage sur les plans physique et esthétique, ainsi que sur la rémanence olfactive. La technique sélectionnée, à l’issue d’un appel à projet, est celle du lavage au CO2 supercritique, avec la solution Niugreen développée par l’entreprise tarnaise BRC.

De l’éco-packaging au réemploi

Fondée en 2009 et basée à Soual (81), BRC est spécialisée dans le façonnage de produits cosmétiques, de détergents et de compléments alimentaires. Elle travaille pour des PME, des ETI et de groupes nationaux et possède plusieurs certifications, notamment EcoCert, qui lui ont permis de s’implanter sur le marché des produits biologiques.

Marie Devaux est la présidente de BRC, une PME tarnaise qui développe un procédé de lavage des flacons de parfum très innovant. (©BRC)

Très engagée sur le plan environnemental, l’entreprise, qui emploie 45 personnes et réalise près de 2,6 M€ de chiffre d’affaires, planche sur le projet Niugreen depuis plusieurs années. Des travaux menés, en collaboration avec l’école des Mines d’Albi, à l’initiative de la présidente de BRC, Marie Devaux, qui a rejoint l’entreprise familiale en 2014 avant de la racheter en 2020.

À l’époque, « je voulais orienter l’activité de la société vers des conditionnements plus écologiques et travailler vraiment sur l’empreinte carbone des produits », se souvient la dirigeante. Une stratégie passée d’abord par l’éco-packaging (recharge), et désormais par le réemploi des flacons de verre.

Pour accélérer son développement, l’entreprise a ouvert en avril son capital à Irdi Capital Investissement, société de gestion de portefeuilles toulousaine, et à NMP Développement, société de capital investissement, filiale de la Caisse régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées basée à Albi. Cette levée de fonds d’1,2 M€ va permettre à la PME tarnaise à la fois d’assurer le déploiement du projet Niugreen mais aussi d’agrandir ses locaux.

Sans produit chimique

Concrètement, le projet Niugreen repose sur « l’utilisation d’un déchet, le CO2, pour nettoyer d’autres déchets », résume Marie Devaux. Obtenu en maintenant le dioxyde de carbone en dessus d’un certain niveau de température et de pression, le CO2 supercritique [1] permet en effet un nettoyage poussé jusqu’à l’aseptisation, et a en plus la faculté de supprimer l’odeur des flacons de parfum ou d’huiles essentielles.

Les équipes de recherche de BRC ont également travaillé sur le dessertissage et le retrait des accessoires présents sur le flacon de parfum, mais aussi sur la meilleure manière d’ôter l’étiquette, là aussi sans produit chimique. Une étape qui sera confiée à un ESAT (établissement et service d’accompagnement par le travail) situé à proximité.

Reste pour la PME tarnaise à valider à plus grande échelle ses choix technologiques. Ce sera fait dès novembre à réception des flacons collectés en point de vente. La participation du toulousain Irdi et de l’albigeois NMP Développement devant lui permettre de financer l’achat de nouveaux autoclaves afin de traiter une plus grande quantité de contenants (4 000 à l’heure).

Marie Devaux n’a cependant aucune doute sur la pertinence de sa solution, son moindre impact environnemental ayant été prouvé. « L’analyse du cycle de vie que nous avons réalisée chiffre à 72 % cette réduction par rapport à l’incidence écologique du recyclage. Et ce sur un rayon d’action de 1 000 km. Ce qui couvre largement l’Hexagone ! », se réjouit-elle.

Une parfaite traçabilité

Pour finir de convaincre les industriels de la parfumerie, la PME mise enfin sur la traçabilité avec l’apposition sur chaque flacon traité d’un Datamatrix. Développé par la pépite montalbanaise Prooftag, ce mini QR code presque invisible permettra de tracer l’historique des opérations (nombre de lavages, de remplissage, etc.)

Les fonds apportés par les deux investisseurs doivent enfin permettre à BRC de renforcer ses moyens de production. « Nous prévoyons de doubler la taille de nos locaux pour passer de 1 600 m² à 3 200 m² de surfaces dédiées à la fabrication et au conditionnement, en complément de notre laboratoire de Cambon-lès-Lavaur (81) qui gérera les petites séries », conclut la dirigeante. Livrés en septembre 2026, ces nouveaux locaux permettront d’abriter les nouveaux autoclaves. Une dizaine de recrutement est prévue pour cette nouvelle activité.

[1Le CO2 supercritique est utilisé comme solvant pour extraire par exemple la caféine du café, mais aussi comme agent de nettoyage. En médecine, il sert par exemple à pré-stériliser les dispositifs médicaux.