Aviwell booste ses solutions hybrides
Innovation. La deeptech toulousaine boucle une levée de fonds de 9 M€. Un financement qui lui permet de poursuivre ses recherches en vue d’identifier et de développer des solutions naturelles qui améliorent la croissance des animaux, notamment celle des poulets.
9 M€ : c’est le montant total des financements d’amorçage levés par l’entreprise Aviwell, laquelle développe une plateforme hybride in silico in vivo de découverte à multiples facettes du microbiome pilotée par l’IA. Ce financement a notamment été réalisé auprès du Français Elaia Partners, 3CC, des business angels et de MFS Impact Investment Development.
S’ajoutent des subventions non dilutives obtenues auprès de Bpifrance, ainsi qu’un financement de 2,5 M€ en parts sociales et 4,8 M€ en non dilutif, grâce à l’accélérateur du conseil européen de l’innovation (EIC), dont Aviwell fait partie des 75 lauréats parmi plus de 14 000 candidatures.
Une marche supplémentaire qui permet à Aviwell d’optimiser son projet pour réaliser une Série A, à l’heure où l’alimentation mondiale constitue une problématique majeure pour les prochaines décennies. « Nous entendons développer des solutions d’alimentation innovantes et des services de plateforme qui améliorent considérablement la croissance et la santé des animaux pour l’industrie mondiale de l’élevage, de manière naturelle et durable. Il est possible, en utilisant des ferments bactériens que nous développons, de réduire de façon significative les ressources utilisées dans le cadre de l’élevage des animaux, que ce soit la nourriture, les intrants ou l’eau, assure le fondateur, Rémy Burcelin. Nous augmentons ainsi ce que l’on appelle l’efficacité alimentaire ».
De son côté, Florian Denis, directeur des investissements chez Elaia ne cache pas son enthousiasme. « Aviwell a développé une plateforme de découverte hybride basée sur l’IA de classe mondiale qui débloquera de nouvelles solutions plus durables pour l’industrie mondiale de l’élevage. Nous sommes fiers de faire partie de cette aventure depuis le début. Cet investissement témoigne du besoin croissant de rencontre du digital et des études sciences de la vie pour saisir les opportunités mondiales ».
Le rôle essentiel de la flore intestinale
Depuis sa création en 2015, la deeptech toulousaine a ainsi connu de grandes étapes et évolutions. À son initiative, Rémy Burcelin, directeur de recherche de renommée internationale à l’Inserm, à la tête d’une équipe de 20 collaborateurs qui travaillent sur les maladies métaboliques (diabète, obésité, complications cardio-vasculaires et hépatiques).
Cet ancien doctorant en physiologie animale et diabétologie a également été coordinateur européen sur un programme qui visait à comprendre la maladie du foie gras pathologique chez l’homme. « Le projet Aviwell est la synthèse des recherches basées sur le contrôle de la glycémie dans l’axe intestin-cerveau, le microbiote intestinal, les bases de données relationnelles et les techniques hybrides IA/ML appliquées à l’agroalimentaire. Il y avait un lien évident à faire avec le foie gras chez le canard. La différence réside dans le fait que les bactéries intestinales, de par leur fonction qui sont responsables du stockage du gras chez l’homme de manière chronique, sont pathologiques tandis que chez certains animaux tels que les animaux migrateurs, il s’agit d’un événement naturel qui intervient dans leur développement. Mes travaux menés au sein de l’Inserm, depuis plusieurs années, ont permis également d’identifier le rôle essentiel de la flore intestinale dans le contrôle du stockage du gras dans le foie. De fait, il est possible d’obtenir un foie naturellement gras via des bactéries identifiées et non pas par le gavage. »
Le projet Aviwell est né. Pour se lancer dans cette nouvelle aventure, le scientifique s’est adjoint les compétences d’un ami éleveur en Ariège et professeur à l’université Paul Sabatier à Toulouse. Geneviève Bénard, vétérinaire experte dans l’analyse du foie gras et passionnée de recherche, a, quant à elle, rapidement rejoint le duo.
« Nous avons mené nos premières expériences sur une centaine d’oies au sein de la ferme ariégeoise et en lien également avec des fermiers gersois. Les résultats ont été positifs dès les premières observations. Au terme de trois ans de test, de labeur et d’investissements personnels, nous avons pu convaincre des investisseurs. Deux business angels ont été séduits par le projet et ont apporté des centaines de milliers d’euros pour conforter nos résultats, identifier les bactéries et induire des foies gras sans l’intervention de l’homme. Mais il fallait transformer ce procédé empirique en procédé industriel. »
Changement de cap stratégique
En 2018, le trio a ainsi lancé une campagne de crowfunding via la plateforme toulousaine Wiseed, ce qui a permis de déclencher des fonds de Bpifrance et de « travailler de manière plus productive. » La crise de la grippe aviaire qui a touché de plein fouet la filière foie gras ainsi que pandémie de la Covid n’ont pas pour autant freiné le trio dans leur démarche. Les fondateurs se sont, à ce moment-là, rapprochés d’Élaia Partners, lequel avait l’œil rivé sur le projet.
« En contrepartie d’une part d’investissement, nous devions trouver la somme manquante et constituer l’équipe autour d’un laboratoire. Nous avons ainsi intégré le laboratoire TWB du centre Inrae Occitanie Toulouse. En tant que scientifique, je n’aurais pas pu rêver d’une meilleure plateforme d’isolement et d’identification du microbiote que celle fournie par TWB. Le laboratoire nous permet de développer pleinement notre stratégie scientifique de rupture et nos capacités de mise à l’échelle de la production, rappelle-t-il. À cette période, nous avons cherché à nous lier à différents industriels agroalimentaires mais nous n’avons pas trouvé de terrain d’entente, car bien que la solution leur semblait intéressante, ils ne pouvaient pas investir, le marché étant tendu. » De fait, la start-up change de positionnement stratégique pour appliquer ses enseignements à d’autres espèces telles que le poulet, très consommé dans le monde afin d’élargir ses horizons.
Aquaculture et animaux domestiques : prochains marchés ?
Forte de 13 collaborateurs, l’entreprise s’attelle à dupliquer son approche pour d’autres animaux d’élevage, le poisson étant également en ligne de mire. « Grâce à la levée de fonds, nous allons poursuivre notre modèle, augmenter notre efficacité et passer à la vitesse supérieure. Concernant l’orientation commerciale de l’entreprise qui se porte désormais sur d’importants marchés agroalimentaires internationaux notamment les poulets nous travaillons avec des partenaires américains car le marché français est encore régi par des règles très compliquées. Les partenaires avec qui nous discutons pour un achat de licence sont internationaux, notamment Européens et Brésiliens. Le Brésil représente en effet un marché d’avenir. En ce qui concerne l’aquaculture, dont les protéines seront sûrement de plus en plus présentes dans l’alimentation mondiale d’ici quelques années, nous démarrons la recherche sur des truites avec des acteurs locaux et nous envisageons de produire en Suède ou Norvège », avance Rémy Burcelin.
Parmi les objectifs de développement de la deeptech figure également une démarche écologique et circulaire. « Les éleveurs producteurs produisent des déchets et ont des besoins en énergie. Nous ambitionnons, d’ici les trois prochaines années, de recycler les déchets induits en hydrogène en vue d’alimenter en énergie les centres de fermage. Pour ce faire, nous collaborons avec H2pulse, une start-up Occitane qui accompagne les entreprises dans la réalisation de leurs projets hydrogène avec qui nous avons démarré les expériences il y a un mois », ajoute-t-il.
Autre axe qui se dessine à l’horizon pour la pépite tricolore, basée également aux Etats-Unis : répondre aux besoins des vétérinaires, en vue de réduire l’obésité, les risques d’infection, le vieillissement pathologique, etc., des animaux domestiques grâce à sa technologie disruptive. Les feux sont au vert pour le Toulousain.