Banque Populaire Occitane : une année 2023 « difficile », avant un rebond en 2024 ?
Interview. Inflation, hausse des taux d’intérêt, croissance au ralenti... C’est dans ce contexte économique compliqué que Christophe Bosson, directeur général de la Banque Populaire Occitane, a présenté à la presse début mai le bilan 2023 de l’établissement. Bien qu’en retrait par rapport 2022, les résultats financiers témoignent d’un niveau d’activité soutenu.
Après une année 2022 record avec un résultat net en hausse de 3,6% (+ de 94 M€), vous aviez prévenu que 2023 serait une année de transition en raison d’une conjoncture économique et industrielle tendue. Un an plus tard, qu’en est-il réellement ? La tendance s’est-elle confirmée ?
Christophe Bosson, directeur général de la Banque Populaire Occitane : « Oui malheureusement la tendance s’est confirmée et ce, pour une raison très simple : afin de lutter contre l’inflation, la Banque Centrale Européenne (BCE) a augmenté ses taux directeurs à plusieurs reprises depuis 2022. Cela a eu des répercussions immédiates sur le coût des ressources (collecte et refinancement) et plus graduelles sur le crédit, ce qui a impacté notre marge d’intérêt. Dans le même temps, nous avons dû faire face à la gestion du risque de taux, celle-ci étant internalisée, contrairement aux autres pays européens où c’est le particulier qui doit assumer ce risque. Malgré ce contexte défavorable, nous avons fait le choix volontariste de continuer à nous développer. Nous avons su être présents, en appui des projets de clients avec 3,4 Mds€ de crédits délivrés. C’est d’ailleurs l’intérêt d’être dans un modèle de banque régionale sans aucun actionnaire à satisfaire. Après avoir franchi un cap historique en 2022, notre produit net bancaire (PNB) a reculé de 12,3 % pour s’établir à 351 M€. Le résultat brut d’exploitation s’élève, lui, à 106,7 M€. La banque a ainsi enregistré un résultat net de 72,5 M€ (-23,2%). »
Comme le reste du territoire français, l’Occitanie est plongée dans une crise profonde du logement depuis juillet 2022 avec la hausse brutale des taux d’intérêt qui sont passés en moyenne de 1,69 % à près de 4 %. Malgré tout, avez-vous poursuivi l’accompagnement des particuliers de la région dans leurs projets d’achats immobiliers ?
Christophe Bosson : « Après un début d’année 2023 relativement dynamique, la demande de crédit a enregistré un net ralentissement au second semestre. Malgré tout, nous avons continué à prendre des parts de marché importantes au niveau de l’immobilier. Cela montre bien que nous avons été plus volontaires que certains de nos concurrents. Sur les 46 500 projets financés en 2023, nous avons accordé 12 100 prêts immobiliers (+12%). Après, et c’est important de le souligner, c’est vraiment la source qui s’est tarie. Qu’ils s’agissent de nos conseillers spécialisés en immobilier ou des courtiers avec lesquels nous travaillons, tous étaient à l’arrêt, faute de demandes. Mais les choses sont en train de bouger. La baisse annoncée des taux, relayée notamment dans les médias, pousse certains acheteurs à revenir sur le marché. Même si c’est encore fragile, on ressent un très léger frémissement. Cela démontre en tout cas que ce sont bien les clients qui font le marché. »
Quid des entreprises ? Le robinet du crédit s’est-il tari pour elles ?
Christophe Bosson : « Soutenir les chefs d’entreprise dans leurs projets et leurs stratégies de croissance a toujours fait partie de notre ADN. Nous accompagnons d’ailleurs une société sur deux sur le territoire. Malgré un contexte économique instable et incertain, les entreprises ont continué d’investir et nous avons répondu présent avec 1,5 Md€ de crédits accordés en 2023, soit près de la moitié de notre production de crédits. Le “corporate” continue d’ailleurs d’afficher une résilience notable en ce début d’année 2024. Concernant la clientèle artisan-commerçant, là aussi nous avons poursuivi notre engagement en leur proposant du service et des produits complémentaires pour répondre à leurs besoins : financement, transformation digitale, gestion... À noter que nous avons également été très actifs pour soutenir les agriculteurs. Nous avons réalisé 50% du développement du réseau Banque Populaire sur ce marché. »
En 2023, la Banque Populaire Occitane a lancé le livret « Banque de la transition énergétique » (BTE). De quoi s’agit-il exactement ? Et surtout, un an après, les résultats sont-ils au rendez-vous ?
Christophe Bosson : « Déjà mis en place par d’autres banques populaires, ce livret Banque de la transition énergétique répond à un enjeu fondamental qui est de garantir l’utilisation de l’épargne verte collectée localement au bénéfice de projets locaux en faveur de la transition écologique. Comment ? Grâce à des financements sur-mesure réalisés avec l’aide d’un réseau de partenaires experts publics ou privés. Outre la création d’un comité consultatif indépendant qui est là pour nous éclairer sur les orientations à venir en la matière, nous avons passé des partenariats avec quatre entités reconnues de l’écosystème de la transition énergétique pour la réalisation d’audits pour nos clients : les bureaux d’études Naldeo et Tecsol, le leader français du courtage en énergie Opéra Énergie, et le spécialiste de la décarbonation TakeAir. Nous sommes aussi en train de former l’ensemble de nos collaborateurs aux enjeux environnementaux, et ce quels que soient leurs postes. En 2023, 100 M€ ont ainsi été collectés grâce au nouveau livret BTE, auxquels s’ajoutent 94 M€ sur des comptes à terme « VAIR ». Parallèlement, en dépit du contexte défavorable aux investissements, la banque a financé 72 M€ de projets de transition énergétique sur son territoire. »
À l’image de ce qui se passe dans l’hôtellerie-restauration, ou encore dans le BTP, le secteur de la banque connaît lui aussi une crise des vocations. La Banque Populaire Occitane est-elle concernée par cette problématique ? Si oui, quelle stratégie avez-vous mis en place pour y remédier ?
Christophe Bosson : « En 2023, nous avons recruté 196 nouveaux collaborateurs et signé 89 alternants. Parmi les leviers activés pour améliorer l’attractivité du secteur et aussi fidéliser nos salariés, il y a d’abord la montée en compétences. Nous avons investi 11,5% de la masse salariale à cet effet - contre 10% en 2022 - et 99,6% de nos collaborateurs ont bénéficié au moins d’une formation. Autre levier, cibler de manière active des personnes qui ont déjà des compétences comportementales et relationnelles, ce que l’on appelle les soft skills. Une soixantaine de personnes ont été embauchées cette année encore via ce nouveau process de recrutement. Cette approche permet aussi à ces profils à “potentiels” de monter plus rapidement en compétences et donc d’occuper des postes à responsabilité, comme conseiller de clientèle professionnelle (CCPro). »
Depuis toujours, la Banque Populaire Occitane prône un modèle d’hyper proximité avec ses clients, via une forte présence territoriale. Les crises successives de ces dernières années ont-elles changé la donne ? Notamment dans les territoires ruraux, où le phénomène de désert bancaire s’intensifie ?
Christophe Bosson : « La banque compte 1 982 collaborateurs et 197 agences réparties sur le territoire occitan, soit une pour 16 000 habitants, sachant que la moyenne du groupe est plutôt une pour 23 000 habitants. Preuve de la réussite de ce maillage, nous avons la plus forte part de marché en crédits et en dépôts. Pour maintenir ce réseau de points de vente, la banque investi chaque année dans des programmes de rénovation. En 2023, 10 agences ont été rénovées pour un montant de 3,8 M€. En 2024, l’enveloppe devrait atteindre les 20 M€. Pour maintenir notre réseau physique en milieu rural, nous essayons au maximum de faire preuve de souplesse dans les modes de fonctionnement et surtout, nous avons développé le concept de “banquier de famille”. À l’image du médecin de famille, l’idée est d’être présent dans tous les moments de vie de nos clients, aussi bien les particuliers que les professionnels, pour leur proposer des services élargis adaptés à leurs besoins. »
Enfin, alors que depuis quelques mois les taux de crédits immobiliers repartent à la baisse, quelles sont les perspectives pour 2024 ? Êtes-vous plutôt confiants ou prudents ?
Christophe Bosson : « Si la Banque Populaire Occitane entend être un acteur décisif de la reprise en soutenant particulièrement les entreprises et professionnels qui sont les moteurs de la vie économique de nos territoires, la prudence reste de mise. Concrètement, cela dépendra en grande partie du rythme et de l’ampleur des baisses de taux. Si une baisse significative intervient au mois de juin, cela va rapidement relancer la production de crédits immobiliers mais surtout cela va nous permettre de baisser notre coût de refinancement. Cela devrait se traduire in fine par un redressement de notre résultat. Après une année 2023 difficile, 2024 pourrait donc être celle du rebond. »