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Bio-UV croit au développement de la Reuse

Environnement. La PME héraultaise Bio-UV, spécialiste du traitement de l’eau sans chimie pour les piscines, le maritime, l’aquaculture et l’industrie, déploie également ses solutions pour la réutilisation des eaux usées traitées (Reuse). En Occitanie, elle a participé à plusieurs projets.

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Photo de Laurent Emmanuel Migeon
Laurent Emmanuel Migeon, PDG de Bio-UV (Crédit : BIO-UV)

Présenté le 30 mars à Savines-le-Lac, par le président de la République, le plan eau, qui promeut désormais la sobriété dans tous les usages, veut encourager également la réutilisation des eaux usées traitées (Reuse).

Il fixe en effet de nouveaux objectifs en la matière, à savoir passer de 1% d’eaux usées traitées réutilisées, comme aujourd’hui, à 10 % d’ici 2030. En Occitanie, la Reuse est déjà une réalité. Depuis cette année, le golf international de la Grande Motte peut arroser ses trois parcours grâce aux eaux usées recyclées de la ville.

Ce qui lui permet de réduire quotidiennement de moitié ses prélèvements sur la ressource en eau, soit une économie de l’ordre de 250 000 m3 d’eau par an. Une économie rendue possible grâce à la mise en place d’un réacteur de désinfection aux UV sur la station d’épuration.

Un projet porté depuis 2019 par l’Agglomération du Pays de l’Or qui a fait appel à l’Héraultais Bio-UV pour la mise en oeuvre de ce dispositif de traitement par ultraviolet des eaux usées épurées. Fondé à Lunel en 2000, le groupe est un spécialiste des systèmes de traitement de l’eau sans chimie : par ultraviolets (UV-C), ozone, AOP (procédés d’oxydation avancée) et électrolyse de sel. Sans attendre le plan eau du gouvernement, l’entreprise a acquis une solide expérience dans le domaine de la réutilisation des eaux usées.

« Nous n’avons pas attendu ce plan pour travailler sur ce segment », assure Laurent Emmanuel Migeon, son PDG. « Cela fait bientôt une quinzaine d’années que nous oeuvrons dans ce secteur avec des technologies dédiées. Nous avons démarré avec un projet au Maroc, qui concernait déjà l’irrigation de golfs grâce à l’utilisation des eaux usées issues de stations d’épuration. Nous avons développé de tels projets principalement à l’international mais également en France, à Bonifacio notamment.

Nous avons aussi travaillé sur des projets tels qu’Irri-Alt’Eau, à Gruissan, mené avec Veolia, en vue d’utiliser les eaux usées traitées dans la viticulture. Depuis près de trois ans, 80 ha de vignes sont ainsi irrigués. Nous sommes également partenaires du projet Smart Ferti Reuse, dans la vallée de l’Adour, qui consiste à utiliser les eaux usées traitées et des fertilisants pour irriguer le maïs, ce qu’on appelle la ferti-irrigation. »

Une technologie complémentaire mais essentielle

La technologie développée par Bio-UV n’a cependant pas vocation à répondre, à elle seule, à l’ensemble de la problématique de la réutilisation des eaux usées traitées (Reuse).

« La technologie UV, qui vise à annihiler le développement des organismes vivants, est un des éléments de réponse à cette problématique, poursuit Laurent Emmanuel Migeon. Elle vient en complément d’autres techniques de filtration notamment, pour éliminer par exemple la présence de nitrate. » Aujourd’hui, quatre qualités de Reuse ont été définies en fonction des usages.

« Selon que l’eau est utilisée pour le nettoyage de la voirie ou le maraîchage, le niveau d’exigence ne sera en effet pas le même. Il faut donc adapter le dispositif de traitement en fonction de la qualité et de l’usage voulus. » Selon le dirigeant, on atteint là les limites du plan eau.

« Nous avons en effet beaucoup de mal à percevoir de quelle manière les collectivités vont s’emparer de cette problématique. Quelle sera l’utilisation attendue ? Si c’est du maraîchage, cela risque de coûter très cher puisque cela nécessite des kilomètres de canalisation. Si c’est le nettoyage de la voirie ou l’arrosage des stades de foot qui est visé, la réponse à apporter sera plus simple. Il sera donc très compliqué pour les municipalités d’avoir une vision à trois, quatre ou cinq ans sur leurs besoins en Reuse, car en fonction de chaque usage, il faudra faire des investissements différents. Sachant que la Reuse n’a véritablement d’intérêt que dans les zones littorales. »

Ailleurs en effet, l’eau traitée issue des stations d’épuration est rejetée dans les cours d’eau et les sols et participe au soutien d’étiage. En zone littorale, elle est rejetée dans la mer, ce qui équivaut à une perte d’eau douce.

« En France, entre l’Atlantique et le bassin méditerranéen, on a cependant de quoi faire. Malheureusement, audelà des mots du président de la République, le millefeuille administratif est très précautionneux. On espère désormais des actes de l’Administration et non plus des tests sur cinq mètres cubes, car à ce rythmelà, il faudra 20 ans pour parvenir à l’objectif. » Le PDG de Bio-UV espère un développement de la Reuse plus rapide du côté des industriels.

« Au lieu d’envoyer les eaux de process vers la station d’épuration, elles pourraient être réutilisées dans un nouveau cycle industriel. Le problème, dans ce cas, est de s’assurer que l’eau réutilisée possède toutes les qualités physico-chimiques requises par le process industriel, ce qui peut nécessiter l’ajout de compléments. » Laurent Emmanuel Migeon demeure toutefois optimiste.

« Notre technologie est essentielle mais pas suffisante pour la Reuse. Nous sommes cependant confiants dans le développement de ce marché dans le domaine industriel. D’une part, parce que le prix de l’eau va continuer d’augmenter, et d’autre part parce que de plus en plus d’acteurs sont soucieux de leur impact environnemental. Enfin, l’État jouera également un rôle en demandant très rapidement aux principaux pollueurs de mettre la main à la poche. »

Seul hic, selon Laurent Emmanuel Migeon : « La qualité de l’eau requise différant d’une industrie à une autre, voire d’un site à un autre, il sera impossible de standardiser les solutions. Cela passera nécessairement par de la gestion de projet. »

Outre Lunel, Bio-UV possède une implantation à Glasgow, après l’acquisition de Triogen en 2019, et à Toulouse, suite au rachat de Corelec en 2021. Le groupe, coté en bourse, emploie plus de 170 personnes, et réalise 51,3 M€ de chiffre d’affaires, dont près de 55 % à l’étranger. Un chiffre d’affaires généré à 40 % dans le secteur de la piscine, pour un tiers dans le domaine maritime (traitement des eaux de ballast), pour 10% dans l’aquaculture et pour 10 % dans le traitement des eaux industrielles.