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Budget 2026 : face à la menace qui guette les CCI, Jean-François Rezeau sonne la mobilisation générale

Budget. Face à l’annonce dans le PLF 2026 d’une baisse de 33 % des moyens alloués annuellement aux chambres de commerce et d’industrie, le président de la CCI Occitanie tire la sonnette d’alarme. Outre la suppression de 200 emplois sur le territoire, ce nouveau tour de vis budgétaire met en péril l’accompagnement des entreprises alors que ces dernières traversent une crise majeure avec près 70 000 défaillances attendues en 2025.

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Suite au projet de loi de finances 2026, la CCI Occitanie réagit par la voix de son président Jean-François Rezeau afin d’alerter sur les conséquences de cette mesure pour l’accompagnement des entreprises et la vitalité économique des territoires. (©CCI Occitanie)

Alors que la France est enlisée dans un débat budgétaire sans fin, Alain Di Crescenzo, le président de CCI France, a laissé entendre dans un communiqué daté du 16 octobre dernier que le projet de loi de finances (PLF) 2026 dans sa version actuelle signifierait purement et simplement « la fin du réseau des chambres de commerce et d’industrie ».

À la tête du réseau consulaire depuis 2022, l’ex patron du groupe toulousain IGE+XAO demande au gouvernement de renoncer à cette nouvelle trajectoire budgétaire qu’il juge « destructrice » au profit d’une « vision stratégique, équitable et durable du rôle des CCI », insistant sur leur importance pour les entreprises, les apprenants et les territoires.

D’une dotation de 1,3 Md€ à 525 M€ en dix ans

Des propos en forme d’électrochoc qui n’ont pas manqué de faire réagir du plus haut sommet de l’État jusque dans les rangs des élus consulaires. À commencer par les représentants de la CCI Occitanie et des 13 CCI territoriales réunis, hasard du calendrier, le 23 octobre dernier au Stade Toulousain pour son assemblée générale. Un rendez-vous qui a rassemblé élus, collaborateurs et partenaires pour discuter des grandes orientations du réseau et débattre des enjeux « qui façonnent l’économie et l’avenir des territoires occitans ».

L’occasion pour son président Jean-François Rezeau de se prêter au jeu des questions réponses sur cette baisse annoncée d’un tiers du budget des CCI. Un nouveau coup de rabot qui intervient après plusieurs tours de vis budgétaires a-t-il d’abord tenu à rappeler : « En un peu plus de dix ans, nous avons vu notre dotation, appelée taxe affectée, baisser de 66 %. Elle est passée de 1,3 Md€ à 525 M€ depuis 2021. » Un gel qui a conduit le réseau consulaire occitan à tailler dans ses effectifs, passant de 1 200 à 700 collaborateurs et collaboratrices.

Cette contribution à l’effort national, nous considérons donc l’avoir déjà fait. D’autant que dans le cadre de la loi de Finances 2024, nous avons accepté un prélèvement supplémentaire sur les fonds de roulement de 100 M€ étalés sur quatre ans. 40 M€ ont ainsi été prélevés l’année dernière, 20 M€ cette année, puis 20 millions, puis 20 millions… »

La pérennité de leur mission remise en cause

Des restrictions de moyens incompréhensibles pour l’ancien cadre dirigeant chez Veolia sachant qu’en qualité d’opérateurs de l’État « nous sommes fortement sollicités », insiste l’intéressé. « Et c’est normal, puisque les besoins des entreprises évoluent : intelligence artificielle, décarbonation, RSE… ». Sachant aussi que cette année sera marquée par un nombre historique de défaillances d’entreprises : 70 000, après les 66 000 de 2024. « Aujourd’hui, plus que jamais, les chefs d’entreprise ont besoin d’être accompagnés. »

Un accompagnement de proximité que remettrait en cause cette nouvelle amputation financière. Laquelle représenterait pour la CCI Occitanie 14 M€ en moins sur une enveloppe globale de 42 M€. Or, la chambre consulaire régionale a un taux de dépendance à la dotation d’État de 85 %, contre 30 à 40 % pour les CCIT. « Si cette baisse de moyens se confirme, elle pourrait déboucher sur la suppression d’environ 200 emplois », avertit Jean-François Rezeau qui travaille par ailleurs sur l’accroissement des ressources propres de la structure pour compenser le manque à gagner.

Mais alors que la dette de la France dépasse désormais les 3 305,3 Md€, le président de la CCI Occitanie est bien conscient que des efforts supplémentaires sont nécessaires. Après avoir donné la priorité aux actions à forte valeur ajoutée et simplifié l’architecture du réseau en développant les mutualisations, « on peut aller plus loin encore », admet-il. « Aujourd’hui lorsqu’un chef d’entreprise a un besoin ou une problématique à régler il se retrouve face à une pluralité d’interlocuteurs : les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), l’agence de développement économique de la Région Occitanie (Ad’Occ) ou encore Bpifrance. Donc un des axes d’économie, effectivement, c’est de rassembler, de mutualiser et de simplifier le nombre d’acteurs. »

Pour lui, pas de doute, il est impératif que cet écosystème mène collectivement une réflexion globale, aussi bien au niveau national que régional, sur la nécessité de rationaliser et optimiser certaines de leurs missions, de leurs actions, et autres services supports. « Mais cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Il y a plusieurs étapes préalables à franchir. À ce stade, il n’y a aucune décision de prise », prévient-il. En clair, pas question pour le moment de raviver le vieux serpent de mer qu’est la fusion entre les CCI et les CMA. L’heure est avant tout à la concertation pour dégager des pistes d’économies. « C’est ensemble que l’on trouvera des solutions », assure-t-il.

« Nous ne lâcherons rien ! »

Si Jean-François Rezeau se dit donc ouvert à la discussion, il a tracé une ligne rouge : la sanctuarisation du maillage territorial avec le maintien des CCIT. « Je m’opposerai à toute vision consistant à encore centraliser parce que c’est de proximité dont les entreprises ont besoin », martèle l’intéressé. Une position bâtie sur son expérience professionnelle :

Ma conviction est que quitter certains territoires, c’est prendre le risque de s’éloigner des clients et de leurs préoccupations. Le danger est le même avec nos ressortissants. Ma crainte étant que nous ayons du mal à terme à démontrer notre pertinence, notre impact auprès des entreprises. »

Pour éviter la douche froide, les représentants du réseau consulaire ont déployé ces derniers jours beaucoup d’énergie pour sensibiliser l’ensemble des parlementaires (députés et sénateurs) sur les conséquences de cette coupe budgétaire. Un travail qui visiblement a payé puisque la proposition d’amendement visant à maintenir la dotation actuelle versée aux CCI, à savoir 525 M€, a été votée à la quasi-unanimité en commission des Finances la semaine dernière.

Mais l’éclaircie aura été de courte durée. En effet, à l’issue des travaux, une majorité de députés a finalement rejeté le volet recettes du projet de budget pour 2026. « Mais le combat continue ! Nous ne lâcherons rien jusqu’à son adoption. Nous resterons mobilisés pour que l’État respecte tout simplement ses engagements initiaux », affirme Jean-François Rezeau qui se refuse pour le moment à adopter la politique de la chaise vide comme certains de ses homologues l’envisagent. « Selon mon expérience personnelle et familiale, le premier argument à mettre en avant, c’est de rappeler quel est notre impact sur l’économie. C’est ça qu’il faut défendre ! »