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Chantier de la future ligne C du métro, les commerçants déjà durement impactés

Aménagement. Secteur François Verdier, les travaux de la troisième ligne de métro ont commencé il y a maintenant plusieurs mois.

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Photo du chantier de la future ligne C du métro
Pour accompagner les usagers durant toute la durée des travaux, Toulouse Métropole a annoncé « renforcer ses dispositifs de communication de proximité ». Comment ? Grâce au lancement en septembre prochain d’une nouvelle application mobile dédiée aux chantiers de la rue de Metz, de la grande rue Saint-Michel et de la ligne C. (Crédit : LA GAZETTE DU MIDI)

C’est écrit en lettres capitales sur les palissades montées pour sécuriser et protéger les zones en travaux : « LA LIGNE C AVANCE ». Pour rappel, cette future ligne de métro reliera Colomiers à Labège en 20 minutes et desservira 21 stations, réparties sur un parcours de 27 km. Les travaux de prolongement de l’actuelle ligne B et la construction de la ligne C devraient coûter 3,1 Mds€, pour une mise en service attendu en 2028.

Avec des travaux préparatoires sur les différents chantiers pour dépolluer les sols, dévier les réseaux et établir les diagnostics archéologiques, une nouvelle étape a démarré : les travaux de génie civil. Et si tout le monde savait que la construction d’un métro en centre-ville engendrerait forcément des gênes et des nuisances, beaucoup de commerçants se retrouvent déjà durement impactés et ne cachent pas leurs inquiétudes.

Des commerces en danger ?

Situé en haut de la rue de Metz, au croisement des allées François Verdier, le restaurant Le Versant est en première ligne. Alors qu’avant, depuis sa terrasse, ses clients profitaient d’une vue imprenable sur le Monument aux morts, aujourd’hui ils font face à d’imposantes palissades. « Et encore c’est mieux qu’avant. Il y a quelques jours, on avait vu sur les engins de chantiers et même à un moment sur les toilettes de chantier ! On a gagné au change », lance mi-amusé mi-désespéré Thomas Vidal, le propriétaire de l’établissement qui dit comprendre la nécessité des travaux mais regrette les démarches longues pour obtenir des compensations financières et le manque d’informations sur l’avancée des travaux.

Photo des travaux à côté du restaurant Le Versant
Les gênes et nuisances engendrées par l’ampleur, la durée et l’organisation des travaux impactent de nombreux commerçants qui ont vu leur chiffre d’affaires s’effondrer. Comme ici le restaurant Le Versant, situé en haut de la rue de Metz. (Crédit : GAZETTE DU MIDI)

« De 40 couverts le midi, on est passé à 10 grand maximum. Notre chiffre d’affaires a baissé de 80% depuis mars. J’ai récemment fait une simulation avec mon comptable, ça représente une perte de 600 000 € de marge brute en l’espace de quatre mois », confie le chef d’entreprise qui a déjà dû se résoudre à se séparer d’une partie de son équipe.

« De huit, je suis passé à quatre salariés, et même eux sont en chômage partiel. Pour tenir, je dois piocher dans ma trésorerie mais elle n’est pas extensible, surtout que j’ai repris l’affaire il y a seulement quelques mois. Conséquence, je cumule déjà un découvert de 30 000€, heureusement que ma banque est compréhensive mais jusqu’à quand, c’est toute la question. »

Le patron du Versant a déposé fin avril un recours auprès du tribunal administratif pour obtenir une première indemnisation mais celle-ci tarde à venir à son grand désespoir. « Déjà qu’avec l’inflation, c’était difficile, mais là, avec les travaux, c’est carrément devenu intenable ! » Même son de cloche du côté de l’institut de beauté Smoky Brow, situé 29 allées Forain-François Verdier, juste en face du Monument aux morts. Une rue passante et animée qui a permis à sa gérante Nadia Ezzine de développer rapidement son activité depuis son emménagement en décembre 2020, mais ça, c’était avant.

« Les immenses palissades ont été montées en avril mais les nuisances liées au chantier, on les subit depuis déjà plus d’un an », confie la jeune entrepreneuse. Des travaux qui rendent son commerce invisible et surtout difficilement accessible. « J’ai perdu 78% de mon chiffre d’affaires. C’est catastrophique ! Je me suis rapprochée de Tisséo pour connaître les démarches pour obtenir une indemnisation mais tout ça prend du temps. J’attends encore de pouvoir monter un dossier donc, cela va durer encore des mois. »

Lorsque les rares passants qui empruntent encore cette zone poursuivent leur chemin vers le numéro 15, en direction de la rue Alexandre-Bida, ils tombent forcément sur l’enseigne Cité 2 roues qui compte deux magasins et un atelier de réparation en enfilade, eux aussi totalement masqués par les palissades de sécurité. « Les clients n’arrêtent pas de nous dire que c’est vraiment devenu difficile d’arriver jusqu’ici, sous-entendu : il faut vraiment en avoir envie ! », se désole Sabine Soula, qui dirige l’entreprise au côté de son mari.

Conscients des difficultés d’accès qu’allaient entraîner les travaux de la ligne C, « nous avions anticipé en communiquant auprès de nos clients grâce un plan détaillé pour savoir comment circuler et venir au magasin pendant cette période mais le sens de circulation de la chaussée a depuis changé. Ce qui n’était pas prévu, bref c’est vraiment compliqué. En quelques semaines, on a déjà perdu 30% de chiffre d’affaires. » Et comme bon nombre de leurs collègues commerçants, eux aussi vont demander une indemnisation. Mais alors concrètement comment ça se passe ?

Un dispositif d’avance mis en place par Tisséo

Interrogé sur ce sujet lors d’un point presse consacré à la présentation des travaux de la future ligne du métro, Jean-Jacques Bolzan, élu référent pour la gestion et la communication de tous les travaux de la ligne C, a d’abord tenu à les rassurer : « Nous avons déjà été confrontés à cette situation lors des travaux de la ligne B, notamment au niveau de Jean Jaurès, et nous avons réussi à leur faire passer le cap. »

Et s’il assure entendre les critiques sur le fonctionnement des dispositifs de compensation qui obligent les commerçants à justifier d’une baisse de chiffre d’affaires avant de pouvoir prétendre à une indemnisation, « vous comprenez bien que l’on ne peut pas donner à tout le monde par exemple 50 000 € d’avance de provision comme ça, sans rien demander. » À tout le monde peut être pas, mais pour les chefs d’entreprise les plus en difficultés la question se pose.

  • Photo du chantier de la future ligne C du métro
    Le 31 août prochain, le Monument aux morts sera déplacé de 30 mètres pour pouvoir commencer à creuser la station. C’est la première fois en France qu’une telle opération est menée. Elle va se dérouler sur deux semaines. Pour le consolider et le déplacer en toute sécurité, le monument va bientôt être entouré d’un squelette métallique. Le bloc qui va être déplacé pèse environ 1000 tonnes, soit l’équivalent de 25 Airbus ! Il retrouvera sa place à la fin des travaux, prévue ici en 2027. (Crédit : GAZETTE DU MIDI)
  • Photo du chantier de la future ligne C du métro
    Le 31 août prochain, le Monument aux morts sera déplacé de 30 mètres pour pouvoir commencer à creuser la station. C’est la première fois en France qu’une telle opération est menée. Elle va se dérouler sur deux semaines. Pour le consolider et le déplacer en toute sécurité, le monument va bientôt être entouré d’un squelette métallique. Le bloc qui va être déplacé pèse environ 1000 tonnes, soit l’équivalent de 25 Airbus ! Il retrouvera sa place à la fin des travaux, prévue ici en 2027. (Crédit : GAZETTE DU MIDI)

D’ailleurs, Jean-François Lacroux, le directeur général de Tisséo Ingénierie a indiqué à l’occasion de ce point presse qu’un dispositif d’avance a été mis en place, « pour justement éviter aux commerçants de piocher dans leur trésorerie. La délibération est passée en comité syndical le 28 juin ». Et de développer : « Cette avance, versée par Tisséo, ne peut être perçue qu’après une expertise réalisée par un expert désigné par le tribunal administratif. Un restaurateur a d’ailleurs déjà bénéficié de cette avance le temps que son dossier ne soit instruit par la commission d’indemnisation à l’amiable. »

Concernant les délais, autre point problématique soulevé par les commerçants, là aussi Jean-François Lacroux a voulu clarifier la situation : « La procédure normale en cas de préjudice subit veut que ce soit le chef d’entreprise qui saisisse le tribunal administratif. C’est alors un juge qui va instruire son dossier. C’est justement pour accélérer ce processus d’indemnisation qu’une commission a été mise en place. Cela permet d’accélérer l’instruction des dossiers qui dure en moyenne de quatre à cinq mois. Ce qui est extrêmement rapide. Cette commission est présidée par un magistrat. Il est donc indépendant de Tisséo, contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit. Le dispositif n’est absolument pas opaque. D’ailleurs des représentants des différentes chambres sont aussi présents pour les défendre les commerçants. Précision supplémentaire, les aides sont bien sûr renouvelables. »