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Colorants écologiques : le toulousain Pili investit 10 M€ dans une unité pilote et recrute

Chimie. Depuis sa création en 2015, la PME toulousaine a investi 30 M€ dans le développement de colorants et pigments biosourcés répondant ainsi aux besoins des industriels du textile, des encres, des peintures et des plastiques. Elle vient de recevoir une aide de l’Ademe pour financer la construction d’une unité pilote de production d’indigo écologique en Isère.

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Photo de Guillaume Boissonnat-Wu, Marie-Sarah Adenis et Jérémie Blache
Guillaume Boissonnat-Wu, Marie-Sarah Adenis et Jérémie Blache ont fondé Pili en 2015 en vue de produire décarboner l’industrie de la couleur. (©Pili)

Producteur de colorants et pigments biosourcés, le toulousain Pili a annoncé en août 2024 avoir reçu un financement de 4 M€ de la part de l’Ademe dans le cadre de l’appel à projets « Produits biosourcés et biotechnologies industrielles » du programme France 2030 cofinancé par l’État français et l’Union européenne. Ces fonds vont permettre à la pépite d’industrialiser sa production d’indigo biosourcé.

Enjeux pour l’environnement et la santé

Pili a été créée en 2015 à Toulouse par Marie-Sarah Adenis, Guillaume Boissonnat-Wu et Jérémie Blache dans l’optique de produire des encres écologiques. Dix ans plus tard, les activités de Pili s’étendent bien au-delà puisqu’elles englobent désormais de nombreux secteurs de la couleur, textiles, polymères, encres, peintures et revêtements. En outre, en plus de ses activités de recherche en biologie et en chimie, Pili, qui a investi plus de 30 M€ pour développer ses procédés innovants, produit des pigments et colorants écologiques à l’échelle industrielle. Une évolution qui a conduit l’entreprise à adopter en septembre 2024 une nouvelle identité visuelle.

Pour produire ses colorants, Pili utilise de la biomasse non alimentaire, des coproduits de l’agriculture et a mis au point un processus hybride qui combine fermentation et chimie organique. Grâce à la culture de bactéries et à la transformation de micro-organismes, elle transforme ces sources de carbone renouvelable en molécules colorantes. Ce process innovant permet de réduire considérablement la dépendance au pétrole, à l’énergie et aux produits chimiques utilisés pour synthétiser les couleurs.

Un enjeu à la fois environnemental et de santé publique. « Il s’agit de s’affranchir de produits dangereux, que ce soit pour les personnes qui travaillent dans l’unité de production de colorants, dans les teintureries ou pour les personnes qui portent les vêtements ou utilisent les objets teintés car on sait que ces produits chimiques se retrouvent à l’état de traces dans les produits finaux, détaille Jérémie Blache, président de Pili. Ils peuvent aussi se retrouver dans l’environnement si ces produits ne sont pas ou mal recyclés. »

Réindustrialisation et décarbonation

Photo de l'unité pilote de production d'indigo biosourcé
Pili lance la construction d’une unité pilote de production d’indigo biosourcé. Un pigment qui intéresse l’industrie du denim. Un marché énorme puisque se vendent chaque année quelque 3 milliards de jeans dans le monde. (©Pili)

Avec cet indigo biosourcé, Pili cible plus particulièrement l’industrie du denim, un marché énorme puisque trois milliards de jeans son vendus chaque année. Très polluant, l’indigo est produit exclusivement en Chine et provient à 99 % de matières premières fossiles. Le secteur est donc en recherche d’alternatives décarbonées. « Nous avons déjà des clients et sommes essentiellement limités par nos capacités de production. C’est pour ça que ce projet a été soutenu par l’Ademe, car en plus de l’intérêt écologique et de l’intérêt pour le territoire en termes de réindustrialisation et de décarbonation, il est sécurisé d’un point de vue commercial. Les commandes sont déjà là, l’outil vient répondre à un besoin exprimé et sécurisé », confirme le président de Pili.

Le soutien de l’Ademe va en effet lui permettre de faire passer du laboratoire à l’échelle industrielle. Plus précisément, Pili vient d’entamer sur la plateforme chimique des Roches-Roussillon en Isère la construction d’une unité de démonstration pour la production d’indigo biosourcé. Jérémie Blache prévoit 10 M€ d’investissement (via des financements privés, des aides, et de la dette) pour la réhabilitation du bâtiment et l’installation de machines en vue d’une mise en service fixée fin 2025. Une trentaine d’emplois devrait également être créée.

Une nouvelle levée de fonds en perspective

Grâce à ce démonstrateur qui devrait produire 10 à 50 tonnes d’indigo écologique, la pépite veut s’assurer d’une reproductibilité et d’une fiabilité parfaites de la production à grande échelle. Cette unité pilote constitue cependant qu’une première étape avant la création d’ici 24 mois sur le même site d’une usine dédiée à la production d’indigo biosourcé. Pour la financer, Pili qui, est soutenue par les fonds d’investissement de Bpifrance Ecotechnologies, Elaia et SOSV, prévoit de lancer dans les mois prochains une nouvelle levée de fonds après celles réussies de 2018 (2,5 M€), 2019 (3,6 M€), 2022 (400 K€) et 2023 (14,5 M€). L’entreprise, qui devrait comptait 45 salariés à la fin de l’année, espère réaliser avec cette première unité de production « ses premiers millions d’euros de chiffre d’affaires et le second site permettra de réaliser plusieurs dizaines de millions d’euros de CA », assure Jérémie Blache.

Présente à Toulouse, Paris et désormais en région lyonnaise, la jeune pousse développe en parallèle d’autres produits. Elle vient notamment d’industrialiser la fabrication d’un dérivé d’aniline biosourcé, un composé intermédiaire qui sert à faire des colorants, des arômes, des parfums mais aussi d’autres produits cosmétiques ou pharmaceutiques. Un dérivé qui répond là aussi aux besoins des industriels de la chimie en quête d’alternatives aux composés issus du pétrole.