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Crise du logement en Haute-Garonne : les professionnels formulent 11 propositions

En Haute-Garonne, professionnels de l’immobilier, bailleurs sociaux et syndicats patronaux font front commun face à la crise du logement. Ils formulent 11 propositions qui seront présentées aux parlementaires du département.

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Photo des promoteurs, bailleurs sociaux, professionnels de la construction, représentants du Medef, de la CPME, de la Fnaim et de la branche Ingénierie
Promoteurs, bailleurs sociaux, professionnels de la construction, représentants du Medef, de la CPME, de la Fnaim et de la branche Ingénierie se mobilisent et formulent des propositions pour résoudre la crise du logement (© La Gazette du Midi).

Rassemblement d’ampleur inédite ce lundi 9 octobre 2023 dans les locaux de la fédération du bâtiment et de travaux publics, à Toulouse. Promoteurs, bailleurs sociaux, professionnels du bâtiment, représentants du Medef, de la CPME, de la Fnaim et de la branche Ingénierie se sont réunis pour présenter une série de 11 propositions pour tenter de résoudre la crise du logement qui sévit en Haute-Garonne.

Un message fort qu’ils entendent porter auprès des parlementaires du département durant tout le mois d’octobre, en prévision du vote de la prochaine loi de finances.

Objectif : alerter sur « les menaces économiques, sociales et politiques qu’induirait un statu quo en matière de logement  », selon Émile Noyer, président de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de Haute-Garonne (FBTP).

Parcours résidentiel en panne

Dans le département, qui accueille chaque année entre 9 000 et 10 000 nouveaux habitants, la situation est jugée « critique ». Ce sont, de fait, 13 000 logements collectifs et individuels qui devraient être construits chaque année en Haute-Garonne pour faire face aux besoins.

« Nous sommes cependant bien en dessous, puisque seront construits cette année 9 000 logements et à l’horizon 2025, nous serons sous la barre des 7000 », poursuit Émile Noyer.

De fait, les professionnels de l’acte de construire alertent les pouvoirs publics depuis plus d’un an et demi sur le manque de logements qui touche aussi bien « les logements familiaux » que « les foyers de jeunes travailleurs, les logements étudiants, les résidences seniors ou encore les logements pour les saisonniers ». Désormais, affirme Émile Noyer, « c’est tout le parcours résidentiel qui est en crise ».

De multiples causes

Le professionnel avance plusieurs explications à cette crise : la hausse des taux d’emprunt passés de 0,5 % à 4 % en deux ans à peine mais aussi la quasi-disparition des primo-accédants parmi les acquéreurs, leur proportion ayant chuté à 10 %.

Outre cette crise financière, Émile Noyer pointe également une crise du foncier qui se fait rare et cher ainsi que des freins dans la délivrance des permis de construire. «  Il est devenu extrêmement compliqué d’obtenir un permis de construire dans le territoire de la Métropole, mais pas seulement. C’est un problème  ».

Autres difficultés qui s’ajoutent : les coûts de construction qui ont grimpé « de 20 à 22 % » en raison de l’augmentation du prix des matières premières et de l’énergie, de l’augmentation « légitime » des salaires et de « l’inflation des normes qui prennent en compte les enjeux environnementaux mais viennent renchérir le coût de la construction. » Aussi, assure-t-il :

Le prix de revient du logement a fortement augmenté et n’est plus en adéquation avec les capacités financières de nos concitoyens. »

Désolvabilisation

Alors que la production de logements libres a chuté de 39 % au premier semestre 2023, Pierre Aoun, vice-président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Toulouse Occitanie, pointe, lui, la loi sur le zéro artificialisation nette (ZAN) qui a « cristallisé les moyens de production du logement  ».

En effet détaille-t-il, « les fonciers qui ne sont pas imperméabilisés ne seront plus ou très difficilement constructibles ». D’où un impact sur le prix du foncier.

Sachant que nos coûts de production ont fortement augmenté et que, du fait de la hausse des taux, nos concitoyens ont perdu 25 % de leurs capacités d’emprunt, notre difficulté majeure aujourd’hui est de produire des logements pour tous. »

Le président des promoteurs est d’autant plus inquiet que se profilent de nouvelles élections municipales en 2026, avec, en amont de celles-ci, le risque de voir le processus de délivrance des permis de construire se gripper un peu plus encore.

Vers un statut de bailleur privé

Pour relancer la production, Pierre Aoun milite, avec la FPI, pour une réactivation du dispositif d’investissement locatif Pinel que le gouvernement veut supprimer fin 2024.

Au-delà de cette mesure qui permettrait dans l’urgence de ne pas bloquer la machine, le promoteur plaide pour la création d’un statut de bailleur privé. Il aurait pour vertu, justement, de remplacer les différents dispositifs de défiscalisation qui se sont succédé – Borloo, Scellier, de Robien, Besson, Pinel –, au gré des locataires du ministère de la rue de Varenne.

« Depuis 1984, ces dispositifs ont eu le mérite de donner à nos concitoyens la capacité d’investir dans la pierre. Or, le gouvernement veut arrêter de faire confiance aux particuliers pour confier tout l’investissement immobilier aux investisseurs institutionnels. Nous pensons, pour notre part, que les deux modèles peuvent cohabiter  », assure Pierre Aoun.

Ce statut de bailleur privé consisterait, détaille-t-il, en «  un amortissement du bâti pendant 50 ans, soit un taux de 2 % par an, un amortissement des gros travaux sur 15 ans, une déductibilité sans limite des intérêts d’emprunt et un déficit foncier imputable également sans limite sur le revenu global  ».

De quoi créer, résume Pierre Aoun, « un régime stable, lisible et pérenne ».
Ces investisseurs privés ont de fait un rôle capital dans la production de logements rappelle le président des promoteurs : «  ils nous permettent jusqu’à présent d’assurer une précommercialisation de nos produits immobiliers et donc de les faire sortir de terre. Sans eux, les 40 ou 50 % de précommercialisation nécessaires pour lancer un chantier ne sont jamais atteints et les travaux ne démarrent pas. Ce sont donc des emplois en moins et des logements sociaux en moins aussi puisque 50 % des logements sociaux sont construits par les promoteurs privés. »

Logement social : « Le compte n’y est pas »

En Haute-Garonne, la production de logements libres a chuté de 39 % au premier semestre 2023. (©Gazette du Midi)

De son côté, Sabine Veniel Le Navennec, directrice d’Habitat Social en Occitanie, n’a pas dressé un bilan moins sombre de la situation du logement social en Haute-Garonne. La demande est, en effet, en très forte augmentation.

« En un an, la hausse des demandes de logements sociaux atteint 10 %, et +62 % depuis 2015, soit un total de 54 000 demandes dans le département, sachant que seuls 9 000 logements sont attribués chaque année. En parallèle, on constate une chute drastique du taux de rotation qui oscille entre 7 et 8 %. On a donc des gens qui ne quittent plus le parc locatif social et d’autres qui ne peuvent pas y entrer », confirme la directrice.

En parallèle, la dynamique de production de logements sociaux a fortement ralenti. «  Notre objectif, en Haute-Garonne, en 2023, est de produire 3 367 logements sociaux. Or, à date, l’objectif est atteint seulement à 64 %, sachant que notre programmation est clôturée à fin novembre ».

Un niveau bien en deçà des besoins de production estimés dans le département à 4000, voir 4 500 logements sociaux par an.

Malgré les annonces du ministre du Logement Patrice Vergriete au récent congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH) qui s’est tenu fin septembre à Montpellier, à savoir la création d’un fonds dédié à la rénovation des logements sociaux doté de 1,2 Md€ sur trois ans ou le maintien du Prêt à taux zéro (PTZ) pour l’accession sociale sur l’ensemble du territoire, pour Sabine Veniel Le Navennec, « le compte n’y est pas ».

La directrice d’HSO le rappelle :

Cela fait plusieurs années que nous réclamons la suppression de la réduction de loyer de solidarité (RLS). Depuis son instauration en 2017, ce sont plus de 6 Mds€ qui sont ponctionnés sur le logement social et donc non investis dans la production. »

Le secteur réclame aussi l’application d’un taux de TVA de 5,5 % une mesure de nature « à dynamiser la production », selon Sabine Veniel Le Navennec. 

Les professionnels de la construction et de l’habitat plaident également pour la création d’un observatoire des coûts des matériaux afin de « maîtriser les dérives inflationnistes » ; le maintien « partout » du PTZ pour le neuf, aussi bien pour le collectif que la maison individuelle ; l’instauration d’un guichet unique pour la rénovation globale en vue de « simplifier les dispositifs d’aide à la rénovation énergétique » ; et le déploiement de la « vente en l’état futur de rénovation énergétique ». Ils sont enfin en faveur de l’amortissement sur plusieurs années des investissements liés à la rénovation globale des résidences principales et secondaires.