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Crise politique : les Medef Occitanie et 31 somment les politiques de s’accorder pour sortir de l’enlisement

Politique. Pour ne pas jeter de l’huile sur le feu, le Medef renonce pour l’instant à son grand meeting prévu à Paris le lundi 13 octobre alors que le pays s’enfonce dans une crise politique, sociale, institutionnelle et économique, accélérant son décrochage par rapport à ses voisins. Un choix approuvé par les instances régionales et locales qui enjoignent les partis à faire preuve de responsabilité et à se mettre autour de la table pour négocier.

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Pierre-Olivier Nau, président du Medef Haute-Garonne et Samuel Hervé, président du Medef Occitanie. (©Medef 31 et Medef Occitanie)

Alors que depuis 48 heures la France connaît une crise politique sans précédent sous la Ve République avec un gouvernement éclair qui n’aura tenu que 14 heures et un Premier ministre démissionnaire mais finalement rappelé dans la foulée par le président de la République pour mener d’ultimes négociations, le Medef a choisi de reporter son meeting prévu le lundi 13 octobre à l’Accor Arena Paris Bercy.

Inédit depuis 1982, ce rassemblement des patrons français devait être une démonstration de force destinée à faire entendre leur colère et leurs inquiétudes dans un contexte économique dégradé. Appel auquel avaient répondu favorablement les Medef Occitanie et 31 ainsi que leurs adhérents.

Un pays paralysé

Pour expliquer ce revirement, Patrick Martin, le président du Medef (près de 150 000 entreprises adhérentes et 11 millions de salariés) a expliqué mardi 7 octobre au micro de France Info vouloir faire preuve de responsabilité. Un « choix difficile mais nécessaire » afin de contribuer à participer à « l’apaisement du pays » qui fait face à l’éventualité d’une seconde dissolution après celle de juin 2024. Au risque d’entraîner dans son sillage une nouvelle phase d’immobilisme de l’action publique, des tensions sociales, un gel des investissements…

Au risque aussi d’accentuer un décrochage déjà bien réel vis-à-vis de nos voisins européens et mondiaux comme le déplore Patrick Martin, alertant au passage sur « les 100 000 suppressions d’emplois dans le secteur privé » sur les 12 derniers mois [1] :

Depuis plus de deux ans, les investissements en France sont en baisse alors que l’on devrait accélérer sur le numérique, sur la décarbonation, sur la compétitivité… comme cela se fait dans tous les autres pays. »

Et de citer l’exemple de l’Espagne « qui soutient ses entreprises » et affiche une croissance « quatre fois supérieure à celle de la France cette année ». Ou encore, l’Allemagne, stratégiquement en difficulté car fortement exposée à l’exportation et qui « prend elle aussi des mesures de soutien massif aux entreprises avec un gouvernement de coalition composé de socialistes ».

Entre incompréhension et consternation

Celui qui dirige le groupe Martin Belaysoud, basé dans l’Ain et spécialisé dans les métiers de la distribution industrielle, appelle à « une prise de conscience collective urgente des politiques pour appréhender cette situation économique qui se dégrade ». Sa crainte ? Un « étouffement progressif du pays ».

Même son de cloche du côté de Pierre-Olivier Nau, président du Medef 31 qui ne cache pas sa « consternation » et son « ras-le-bol » face au désordre politique actuel. Pour appuyer son propos, celui qui est aussi PDG de Manatour, leader français du tourisme industriel, souligne les conséquences déjà bien réelles de cette instabilité politique pour les entreprises mais aussi les ménages haut-garonnais. Avec notamment une baisse du panier moyen dans la restauration, une réduction des commandes de prestations intellectuelles (cabinets de conseil, développement informatique), un gel des recrutements dans les PME industrielles, un report des investissements dans les machines, la R&D… « entraînant un retard sur le champ international ».

Un contexte économique particulièrement alarmant selon Samuel Hervé, président du Medef Occitanie. « Rappelons que l’on n’a jamais autant détruit d’entreprises que ces derniers temps. Tous les signaux sont au rouge. Les carnets de commandes sont bas, l’investissement est à l’arrêt... Et chose plus grave encore, depuis maintenant huit trimestres consécutifs le travail temporaire est en baisse, sachant que l’intérim est en avance de phase sur les sujets de l’emploi et du chômage », alerte le directeur général d’Akté Services, qui fait part de son « incompréhension » et de sa « déception » devant l’incapacité des politiques à prendre la mesure de la situation.

Demande de simplification de la vie économique

Fustigeant un gouvernement « sans cap » et des partis qui se focalisent « sur de nouvelles taxes plutôt que sur les charges et les dépenses », Pierre-Olivier Nau s’inquiète par ailleurs du retard pris dans l’élaboration du Budget 2026 ainsi que de l’absence de visibilité sur les politiques fiscales et sociales, ce qui « va rendre difficile les prochaines négociations annuelles obligatoires (NAO) prévues en janvier prochain ».

Un manque de lisibilité renforcé par les contre-feux médiatiques que constituent, d’après Samuel Hervé, la taxe Zucman et la suppression de deux jours fériés, lesquels empêchent de parler des vrais sujets. À commencer par la nécessité pour l’État et les collectivités territoriales de réduire leurs dépenses et enfin d’engager une véritable politique de simplification.

Cela permettrait d’avoir un peu plus de compétitivité entre les territoires, entre les régions, de rationaliser les moyens au plus près des enjeux des habitants, et je ne parle pas que des entreprises. Mais bien des citoyens au sens large, qui expriment parfois un sentiment de déclassement notamment dans les milieux ruraux. »

Qui sera l’Homme providentiel ?

Comme Samuel Hervé, le président du Medef 31 enjoint le personnel politique à se mettre autour de la table et à discuter comme le font les partenaires sociaux au sein des entreprises :

Je n’imagine aucune autre solution que celle-là. Bien qu’ayant nous aussi parfois des égos surdimensionnés, nous sommes pourtant capables de parler avec les syndicats de salariés, de bâtir des accords interprofessionnels… bref de s’entendre. Donc pourquoi y arriverait-on mais pas les politiques ? Mon vœu est que chacune et chacun sortent un petit peu de leurs postures et s’intéressent à une seule chose : l’avenir du pays et notamment l’avenir économique et celui de nos entreprises. »

Quid de la suite ? Alors que certains poussent pour la nomination d’un médiateur pour former un socle commun élargi, d’autres privilégient la piste d’un Premier ministre issu de la société civile, et si possible du monde de l’entreprise. Si Pierre-Olivier Nau et Patrick Martin se gardent bien de citer des noms, tous les deux plaident néanmoins pour un profil au contraire « très politique » au vu de la configuration actuelle de l’Assemblée nationale qui ne compte aujourd’hui pas moins de 12 groupes !

Samuel Hervé, lui, se veut pragmatique, et espère avant tout la nomination de quelqu’un de bon sens. « Si c’est un politique très bien, si c’est un techno très bien aussi, à partir du moment où il arrive à réunir les gens et à trouver des voies de passage. Je n’imagine que l’on ne puisse pas tomber d’accord, notamment sur les questions régaliennes, pour ensuite rentrer plus en détail sur d’autres sujets peut-être plus pointus », conclut le président du Medef Occitanie qui veut croire qu’ « en France, nous sommes encore capables de construire des ponts plutôt que des murs ».

[1Source : publication de l’Insee sur l’emploi salarié du secteur privé du 6 août 2025. Au deuxième trimestre 2025, il a baissé « de 0,4 % par rapport à la même période de 2024, soit 93 900 emplois de moins ».