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Investissements, partenariats, innovation : Yéo Frais accélère pour offrir au Sud-Ouest une filière laitière pérenne

Industrie. Pour répondre aux enjeux de compétitivité, de sécurisation des approvisionnements et plus largement de souveraineté alimentaire, Yéo Frais intensifie son ancrage territorial, développe des partenariats durables avec les éleveurs et modernise son outil industriel. À l’image des produits sous marque La Brique Rose, fabriqués au sein de la laiterie toulousaine avec du lait haut-garonnais.

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Après le lait demi-écrémé, Yéo Frais lance avec les éleveurs de l’association La Brique Rose une crème à 30 % de matière grasse UHT d’un litre pour les professionnels de la restauration collective et commerciale. Tout aussi reconnaissable. (©Fabien Ferrer)

La crise du Covid-19 aura eu une vertu : celle de remettre au centre des débats la question de la réindustrialisation de nos territoires, avec, dans son sillage, la nécessité pour la France de renforcer sa souveraineté alimentaire. Un enjeu majeur ravivé par la guerre en Ukraine - grenier de l’Europe - et par les différents conflits armés qui impactent lourdement les capacités d’échanges entre les pays.

Sur le terrain, cette course à l’indépendance alimentaire repose en grande partie sur les épaules des agriculteurs, mais aussi sur celles des industriels agroalimentaires qui « transforment, valorisent et commercialisent la production agricole nationale tout en créant de la valeur et de l’emploi », rappelle Pôle Implantation Entreprises sur son site.

Devenir l’interlocuteur privilégié des producteurs du Sud-Ouest

Forte de plus de 15 ans d’expérience dans le monde agricole et agroalimentaire, Bénédicte Rolland a succèdé à Jérôme Servières à la tête de l’entreprise. (©Fabrice Aygalenq)

Installée avenue des États-Unis depuis 1968, la laiterie toulousaine Yéo Frais fait partie des champions agroalimentaires régionaux avec ses 240 salariés et ses 140 M€ de chiffre d’affaires. Filiale de la coopérative Maîtres Laitiers du Cotentin, elle conçoit, fabrique et conditionne dans son usine des yaourts et crèmes fraîches (essentiellement sous marques de distributeur) distribués en grande et moyenne surface, en restauration hors foyer ou en magasins spécialisés. Depuis 2018, elle commercialise également ses propres produits laitiers - une gamme complète de yaourts bio et conventionnels - sous la marque YOgourmand.

Chaque année, environ 70 000 tonnes de yaourts, 6 000 tonnes de crème fraîche et 35 millions de briques de lait sortent de ses 12 lignes de production. Une performance rendue possible « par un haut niveau d’engagement de nos équipes », insiste sa nouvelle directrice générale, Bénédicte Rolland, mais aussi, et surtout, grâce à une stratégie offensive de sécurisation de ses sources d’approvisionnement.

Un défi de taille sur un territoire loin d’être un grand bassin laitier, à l’inverse de la Bretagne et de la Normandie qui, à elles seules, concentrent 75 % de la production nationale. Lors de sa prise de poste en septembre dernier, celle qui a remplacé Jérôme Servières après 18 ans de bons et loyaux services a d’ailleurs fait de la structuration d’une filière locale pérenne l’une de ses priorités. Pour cela, finis les intermédiaires : depuis 2024, la collecte se fait désormais en direct.

Si aujourd’hui Yéo Frais est reconnu comme un acteur industriel de l’ultra-frais laitier, l’entreprise doit davantage consolider son action sur l’amont en tant que collecteur de lait dans une région, le Sud-Ouest, en forte déprise laitière (recul du cheptel, non-renouvellement des générations, etc.). Nous devons développer des partenariats, à l’instar de ceux que nous avons instaurés avec les agriculteurs de la Brique Rose en Haute-Garonne et de l’OP Sunlait en Nouvelle-Aquitaine. »

La Brique Rose, fer de lance d’une filière locale et équitable

Lancée en 2022, La Brique Rose est sans doute l’un des projets les plus structurants pour la laiterie toulousaine. Ce lait régional, labellisé Max Havelaar [1], fédère aujourd’hui 17 producteurs contre sept au démarrage. Répartis entre le sud de la Haute-Garonne et le nord du Tarn, ces éleveurs constituent le socle d’une filière locale et équitable. Ensemble, ils représentent entre 9 et 10 millions de litres collectés sur douze mois glissants. Un partenariat gagnant-gagnant puisqu’il contribue « à rémunérer un demi-équivalent temps plein », affirme Bénédicte Rolland. « C’est une vraie souplesse qui leur est ainsi donnée dans la gestion de leur exploitation. »

Toujours dans cette optique de bâtir une filière d’excellence dans le Sud-Ouest, Yéo Frais a décidé de soutenir activement la reprise d’exploitations par de jeunes éleveurs. « Nous avons récemment accompagné six éleveurs de moins de 30 ans en Nouvelle-Aquitaine. Ils bénéficient d’une aide financière à l’installation et d’un contrat pluriannuel avec la laiterie », détaille la directrice générale de Yéo Frais, passée par Arterris, poids lourd de l’agro-industrie basé à Castelnaudary, dans l’Aude. « Une technicienne les suit sur le terrain. Elle les conseille sur les pratiques d’élevage, les questions environnementales et sanitaires, ainsi que sur la réduction de leur empreinte carbone. »

Un investissement humain et financier que la dirigeante assume pleinement :

C’est un pari sur l’avenir. On veut donner envie aux jeunes de s’installer, mais aussi aux agriculteurs en exercice de poursuivre leur activité. L’objectif est vraiment de créer une véritable dynamique locale. »

Innovation et diversification : clé de la compétitivité

En 2018, YéO frais a lancé sa propre marque de yaourts et de produits laitiers sous le nom YoGourmand. (©Félix Marchet)

Pour rester compétitive, la PME travaille sur de nouveaux débouchés. Pour cela, elle mise beaucoup sur l’innovation. En octobre dernier, elle a lancé, sous la marque La Brique Rose, sa première crème fraîche 30 % MG UHT locale et équitable, destinée à la restauration collective et commerciale. Labellisée Max Havelaar et vendue en format d’un litre, elle est éligible à la loi Egalim, qui fixe à 50 % le seuil d’approvisionnement en produits durables, dont 20 % de produits bio, dans les assiettes des élèves ainsi que dans les restaurants d’entreprise.

« Nos équipes R&D travaillent également sur de nouvelles recettes (goût et texture) de yaourts. Maintenant que l’inflation est à nouveau largement sous contrôle, nous allons pouvoir les proposer à la grande distribution et ainsi maintenir nos places dans les rayons. L’enjeu est important : nous sommes sur un produit de première nécessité où les marges sont faibles. Il faut donc continuer à gagner des parts de marché et augmenter nos volumes de ventes », insiste Bénédicte Rolland.

Pour accompagner cette montée en puissance, Yéo Frais investit massivement dans la modernisation de son outil de production. « Depuis deux ans, nous sommes sur un rythme de 5 M€ d’investissement par an. Et nous allons continuer. Cette dynamique industrielle est indispensable pour être performant sur toute la chaîne », autrement dit, du champ au pot de yaourt !

[1Max Havelaar est un label qui certifie des pratiques équitables d’une marque via ses engagements avec les producteurs.