De la terre au pétrin, le credo de Julien Depétris
Agriculture. Débrouillard, pugnace, attentif au goût et à la qualité, Julien Depétris cultive son blé et l’amène jusqu’au paquet de farine. Il a réalisé son rêve de gosse et ne manque pas d’idées pour passer à la vitesse supérieure…
Julien Depétris fait tourner sa petite entreprise en suivant son intuition. « À l’âge de 15 ans, je voulais déjà être agriculteur, explique-t-il. Inquiets pour mon avenir, mes parents m’ont conseillé de choisir une autre voie, moins contraignante ». Il obtient son BEP en mécanique agricole puis travaille comme magasinier dans le secteur agricole. De commercial, il deviendra vite responsable d’une concession agricole. En 2016, le trentenaire s’installe en EARL comme exploitant agricole. « C’était mon rêve d’enfant, je suis passionné par la terre. Quand j’étais en apprentissage, je prenais des congés pour aller faire les récoltes », sourit l’entrepreneur.
Avoir son exploitation est une chose, en vivre en est une autre. « J’ai décidé de produire du blé et d’aller jusqu’à la fabrication de la farine ». Ça semblait simple sur le papier, nous confie l’agriculteur mais la réalité s’est avérée plus compliquée. La première chose à regarder est la législation, Julien Depétris a dû s’acquitter des droits de mouture, se déclarer comme exploitant meunier auprès de FranceAgriMer.
« C’est l’équivalent d’une licence IV, explique Julien Depétris. Dans les années 1900, l’État français avait imposé un quota aux meuniers, et ça n’a pas évolué depuis. Lorsqu’une petite meunerie arrête son activité, ce sont de gros meuniers qui achètent les droits, bloquant ainsi les droits de mouture ». En 2017, il trouve un moulin à vendre dans les Hauts de France. Il n’hésite pas, signe l’acte notarié et fait transférer la domiciliation dans le Tarn-et- Garonne. Il suit une formation à l’École de la Meunerie à Surgères en Vendée et achète 130 hectares de terre.
Ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier
Lin, tournesol, colza qu’il transforme en huile, blé, production et revente de semences aux agriculteurs : Julien Depétris multiplie les sources de revenus et ne compte pas ses heures, aidé par sa famille. « C’est clairement la minoterie qui fait vivre l’entreprise. On produit 150 tonnes de farine par an pour 190 tonnes de blé. » Julien Depétris a choisi de faire écraser son blé chez un petit meunier situé dans le Tarn, de manière artisanale. Il écrase deux tonnes de blé à l’heure.
Les grosses industries sont capables d’écraser 200 tonnes sur 24 heures. Le kilo de farine est vendu en moyenne 1,50 €, le prix suit le cours mondial du blé (environ 250 € la tonne selon le baromètre Euronext). Ce qui laisse l’exploitant assez perplexe. « Je ne sais pas comment font les industriels pour sortir 1 kg de farine à 0,45 €. Le blé ne vient assurément pas de France. »
La qualité, pas le rendement
Ses clients sont des boulangeries, pizzerias, épiceries fines, biscuitiers mais aussi grands distributeurs tels que les centres Leclerc équipés d’une boulangerie dans le Tarn-et-Garonne ou en Haute-Garonne. « Les supermarchés ont bien compris qu’il fallait axer sur le local, les règles ont changé », détaille l’agriculteur, fier d’avoir rencontré en personne Michel Édouard Leclerc. « Les supermarchés, en tout cas avec moi, ne discutent pas le prix. »
Le CA de l’exploitation est estimé à 250 000 € dont 100000 € pour la farine. Julien Depétris voit plus loin : il compte produire sa farine de A à Z et vient d’ailleurs d’acheter un ancien moulin. Grâce à ses compétences agricoles, il va le réparer. Il lui faut un peu de temps, des locaux plus grands et trouver des financements. Il fait les choses avec mesure, sans précipitation. Ses aïeux ne manqueraient pas de saluer son « bon sens paysan ».