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Décarbonation de l’aviation : OpenAirlines pousse ses solutions

Aéronautique. L’entreprise toulousaine, qui développe SkyBreathe, logiciel d’éco-pilotage qui permet aux compagnies aériennes de faire des économies de carburant et d’émission de CO2, a accueilli le 2 mai la première rencontre territoriale de l’Observatoire de l’aviation durable.

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Photo de Damien Cazé et Alexandre Feray
Damien Cazé, directeur général de l’aviation civile, et Alexandre Feray, CEO d’OpenAirlines, le 2 mai à Toulouse. (Crédit : OPENAIRLINES)

Recenser et mettre en lumière « des solutions concrètes qui existent aujourd’hui, en France, et proposées notamment par des PME et des ETI, et pas seulement par Airbus et les grands groupes », telle est la vocation du « tour de France de la décarbonation » qui vient de débuter à Toulouse.

Une initiative conduite par la Direction générale de l’aviation civile dans le cadre de l’Observatoire de l’aviation durable.

Lancé en mars dernier par la DGAC, ce dernier a pour mission de « rendre accessible les données sur l’impact climatique du transport aérien », avec trois principaux objectifs : le partage des connaissances, le soutien à l’innovation dans les territoires et la mise en avant du « leadership français » dans ce domaine.

Dans cette optique, des rencontres territoriales ont été programmées dont la première s’est déroulée dans les locaux du toulousain OpenAirlines le 2 mai. La création de cet observatoire est « une très bonne idée » selon Alexandre Feray, le fondateur d’OpenAirlines.

La PME, qui emploie près de 80 personnes essentiellement à Toulouse, mais aussi à Hong Kong et Miami où elle a des bureaux, planche avec ses équipes depuis 2006 sur la décarbonation de l’aviation, et a développé un logiciel d’éco-pilotage dénommé SkyBreathe.

L’entreprise travaille en effet sur « un aspect de la décarbonation, à savoir l’optimisation des opérations, moins connu que l’avion du futur », admet Alexandre Feray, mais qui a l’incomparable avantage d’être déjà disponible : « c’est un levier à court terme ».

Des solutions plurielles

Depuis sa mise sur le marché en 2013, SkyBreathe a en effet été adopté par 55 compagnies aériennes dans 37 pays.

« La décarbonation de l’aviation est un enjeu collectif, poursuit le dirigeant. Et malheureusement, les informations qui circulent à ce sujet sont disparates, voire contradictoires, selon qu’elles émanent de l’industrie ou d’organisations qui travaillent sur le développement durable. L’idée, à travers cet observatoire, est finalement de mettre toutes ces personnes autour de la table et de partager les informations.

Je pense que c’est une bonne idée, parce qu’il y a beaucoup de crispation autour de la décarbonation de l’aviation. Elle est beaucoup montrée du doigt, d’une manière qui n’est pas bien comprise au sein de l’industrie, car certes, elle a un impact qui a son importance, soit à peu près 3 % des émissions de gaz à effet de serre, mais qui n’est pas non plus majoritaire. Chacun a sa part. Cet observatoire permet de travailler sur le constat, une feuille de route et des solutions. »

Des solutions, qui, assure Alexandre Feray, seront indubitablement plurielles tant cette décarbonation s’avère complexe.

« Nous avons absolument besoin de fédérer tout le monde, de travailler sur des solutions, d’additionner ces solutions. Ce ne sera pas la nouvelle génération d’avions, les nouveaux moteurs, les carburants durables, l’hydrogène ou le digital uniquement, mais un ensemble de solutions qui permettra d’y parvenir. C’est important d’avoir un discours mobilisateur, de montrer que des gens travaillent résolument sur ces questions.

Notamment vis-à-vis des jeunes. D’ailleurs, c’était le sens du débat qui a eu lieu dans nos locaux entre nos équipes, composées de nombreux jeunes, le directeur général de l’Aviation civile, Damien Cazé, et la secrétaire générale de l’OAD, Sandra Combet. Il est en effet essentiel de montrer à ces jeunes, qui sont souvent, depuis tout petits, passionnés d’aéronautique, qu’ils ont des perspectives d’évolution dans ce secteur, conformes à leurs attentes, souvent très fortes, en termes d’écologie. »

OpenAirlines travaille sur la réduction de la consommation de carburant et des émissions de CO2 des avions grâce au numérique.

« Nous récupérons toutes données issues des boîtes noires après chaque vol. Nous ajoutons des données météo et de plans de vol. Nous avons développé, sur cette base, des algorithmes de big data et d’IA qui fournissent aux compagnies aériennes et aux pilotes des recommandations : pour préparer le vol ou l’avion de manière plus efficace, plus écologique, ou le piloter en appliquant des techniques d’éco-pilotage.

Les pilotes disposent d’une application qui leur fournit un écobriefing et un éco-debriefing qui les font progresser dans leur pratique d’éco-pilotage. »

Un outil disponible immédiatement

Grâce à la plateforme SkyBreathe, les compagnies aériennes parviennent à réaliser des économies de carburant de 2 à 5%. Pas suffisant certes, mais « c’est déjà très efficace et surtout, c’est opérationnel dès maintenant. Or, une tonne de CO2 qu’on évite aujourd’hui est plus importante que la tonne de CO2 qu’on évitera peut-être dans 15 ans grâce à l’avion à hydrogène. Tous les jours, des vols utilisent nos solutions et sont un peu plus sobres. »

Outre ces solutions d’analyse a posteriori et de préparation des vols, la PME toulousaine, qui génère 7,5 M€ de revenus récurrents, a développé un autre outil connecté dans le cockpit, SkyBreathe on Board, qui fournira, lui, des recommandations en temps réel.

Les premiers essais en vol devraient démarrer au cours de ce trimestre aux Philippines, puis lors de la phase de roulage avec Transavia pendant l’été.

« Il permettra d’agir sur quelques bonnes pratiques d’écopilotage, poursuit Alexandre Feray, à savoir préconiser des trajectoires plus directes, toujours en accord avec les autorités de contrôle aérien pour s’assurer que toutes les conditions de sécurité sont respectées.

En pratique, on utilise des données historiques et les données réelles du vol, pour proposer des raccourcis et ainsi économiser du carburant.

Une fois l’atterrissage effectué et que les moteurs auront refroidi, un autre assistant va préconiser de couper un des deux moteurs pour terminer le roulage jusqu’au point de parking et ainsi consommer moins de carburant.

L’idée est de proposer au pilote, qui reste maître, un outil d’aide à la décision tout en lui évitant toute surcharge de travail. »

Les compagnies clientes d’OpenAirlines ont l’an dernier ainsi pu économiser un million de tonnes de CO2, l’équivalent de 500 000 voitures en une année, et quelque 350 M$.

« Le retour sur investissement pour les compagnies est donc rapide. Elles n’ont pas à remplacer leur flotte ou à réaliser de lourds investissements. Sachant qu’elles sont sorties du Covid avec très peu de cash, l’argument est convaincant. »

Depuis la pandémie, la pépite toulousaine dont l’effectif a quasiment doublé, a mis sur le marché un module complémentaire centré, lui, sur le suivi des performances de l’appareil.

« En résumé, on essaie de toucher tous les services qui peuvent avoir un impact sur la consommation et les émissions de CO2. On a beaucoup travaillé sur les opérations aériennes avec les compagnies et les pilotes. Là, on travaille plus sur l’avion et la maintenance et cela marche plutôt bien. L’autre axe de développement, ce sont les préconisations en temps réel qui vont arriver avec Sky- Breathe on Board.

Enfin, on a démarré avec le soutien de l’Ademe, un projet avec les autorités de contrôle aérien. Nous nous sommes en effet aperçus que les compagnies utilisaient notre outil pour discuter avec le contrôle aérien de contraintes d’approches qui les empêchent d’être plus efficaces ».

Cela a même permis de faire modifier les conditions d’approche de certaines plateformes, notamment en Islande et à Dubaï qui bénéficient finalement à toutes les compagnies qui atterrissent sur ces aéroports.

« Nous avons donc décidé de développer un outil spécifique pour la DGAC et les autres opérateurs nationaux en charge du contrôle aérien. » En plein développement, la jeune entreprise recrute une trentaine de collaborateurs par an.