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Le toulousain Delair, fabricant de drones, se rêve en leader européen

Innovation. Le toulousain Delair, spécialisé dans la conception et la fabrication de drones d’observation, poursuit sa montée en puissance. Grâce à la signature de nouveaux contrats avec les armées française et ukrainienne, un projet technologique axé sur la décarbonation et un nouveau produit, la PME table sur un chiffre d’affaires de 30 M€ l’an prochain.

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Photo de l'équipe du projet InDRa
Le droniste toulousain Delair, accompagné du spécialiste de l’IA toulousain Adagos et de l’Institut de Mathématiques de Toulouse, est le fer de lance du projet InDRa. Objectifs ? Augmenter les temps de vol des drones électriques de 20 % tout en optimisant leur consommation énergétique. (© Delair)

Depuis une dizaine d’années, le marché du drone est en pleine expansion. En 2019, selon une étude de Tractica, le marché international des drones commerciaux représentait environ 2 Mds$. Aujourd’hui, ce marché est évalué à 9 Mds$ et devrait atteindre 13,7 Mds$ d’ici à la fin 2025.

La technologie séduit aussi bien les particuliers, les professionnels, que les États, et son spectre de fonctions s’étend du loisir au militaire. En effet, le drone est souvent utilisé lors de conflits comme matériel d’observation et de combat pour appréhender l’ennemi. C’est le cas dans le conflit qui oppose l’Ukraine et la Russie. En mars 2024, le ministre des armées de l’époque, Sébatien Lecornu, à l’occasion d’une visite des locaux de Delair à Labége, avait annoncé la commande par la Direction générale de l’armement (DGA) de quelque 2 000 drones kamikazes à plusieurs industriels, dont Delair, à destination des armées françaises et de l’Ukraine, pour un total de 4 M€.

100 drones à destination de l’Ukraine

La pépite créée il y a 13 ans à Toulouse est spécialisé dans la conception et la fabrication de drones d’observation à voilure fixe. « Il s’agit d’une aile fixe équipé d’hélices, comme pour un avion, plutôt que de rotors à portance verticale », précise Bastien Mancini, le directeur de Delair. La commande passée par la DGA à l’entreprise toulousaine comprend, selon son directeur, « non seulement des drones d’observation mais aussi des drones kamikazes. Ces derniers vont être livrés d’ici à la fin de l’année. » Il ne s’agit pas du seul contrat que Delair a signé avec l’État français. En 2023, un contrat portant sur 150 drones financés par la France avait été signé, les livraisons devant commencé dès septembre 2023.

Son expertise et sa capacité de production ont joué un rôle clé dans la sélection de Delair par le ministère des Armées dans le cadre de l’appel d’offres baptisé Colibri. Selon Bastien Mancini, la société est en effet capable de produire « 50 drones de tailles différentes par mois. » Associée dans le projet avec l’entreprise KNDS, groupe leader européen de la défense terrestre, Delair a transformé un de ses modèles de drone en un engin volant capable de porter une arme. « La fabrication de ces produits nous fait beaucoup évoluer. On observe notre matériel en action sur le terrain et, en fonction, nous effectuons des mises à jour pour améliorer le produit », poursuit Bastien Mancini. Désireuse de se placer parmi les plus grands producteurs de drones dans le monde, Delair travaille constamment à l’amélioration de ses produits. C’est tout l’objectif du projet « InDRa ».

Plus de temps de vol pour moins d’énergie

Ce projet vise la décarbonation de l’aviation légère. Il est porté par un consortium qui regroupe le spécialiste de l’IA et du deep learning le toulousain Adagos, l’Institut de Mathématiques de Toulouse et le droniste Delair. Concrètement, il a pour ambition d’augmenter le temps de vol des drones électriques de 20 % en optimisant leur consommation énergétique. Pour réaliser cet objectif, les partenaires vont créer un jumeau numérique de la batterie et du drone afin d’agir sur deux leviers : une meilleure gestion de la batterie et une optimisation de la précision des commandes de vol. Le processus d’optimisation appliqué au jumeau numérique permettra de définir le meilleur système (drone + batterie) possible.

Le projet InDRa découle de l’appel à projets MAELE (Mobilité Aérienne Légère et Environnementalement Responsable) piloté par le pôle de compétitivité mondial Aerospace Valley et financé par la Région Occitanie avec le soutien de Bpifrance. Il durera deux ans et demi pour un coût total de 1,4 M€.

Nouveau drone d’observation au laser

L’amélioration constante de ses produits a mené les équipes de Delair, soit 120 personnes, à développer une nouvelle version d’un modèle de drone déjà existant. Sa spécificité ? Il est le premier drone à voilure fixe permettant des inspections longue distance et la production de jumeaux numériques (représentation virtuelle d’un objet ou d’un système) de très haute précision. Grâce à la collaboration avec l’entreprise montpelliéraine Yellowscan, Delair a en effet équipé son drone DT46, commercialisé depuis 2022, d’un système lidar.

Outil de télédétection, la technologie Lidar permet de mesurer, grâce au laser, la distance et le temps entre le capteur et la cible. « C’est un objet d’observation qui peut être utilisé pour cartographier les forêts par exemple. Le DT46 lidar est capable de détecter des choses qui se trouvent sous le feuillage et qui sont indétectables à l’œil nu. Il a une portée de 150 à 200 mètres et peut aussi effectuer des mesures dans les zones difficiles d’accès », détaille Bastien Mancini avant d’ajouter : « Nous venons de commencer la commercialisation et avons déjà des retours très positifs. »

10 M€ de CA cette année

Delair mise également sur d’autres technologies pour étoffer son offre. En effet, en janvier 2023, le droniste avait racheté la société Notilo Plus, qui développait des drones sous-marins. Avec toutes ces cordes à son arc, Bastien Mancini compte bien entrer en concurrence directe avec les plus grands producteurs de drones américains et asiatiques. « Actuellement, nous avons entre 2 000 et 3 000 drones en opération dans le monde et cette année nous avons fait 10 M€ de chiffre d’affaires. Nous prévoyons 30 M€ pour l’année prochaine. Notre but est de devenir le leader européen, nous avançons vite et les 100 M€ de chiffre d’affaires ne sont pas si loin », conclut Bastien Mancini.