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Eco-Tech Ceram : le spécialiste de la performance énergétique voit grand et lève 16 M€

Innovation. Expert en efficacité énergétique et valorisation de la chaleur fatale dans les industries lourdes, Eco-Tech Ceram a bouclé fin mai une levée de fonds de 16 M€. Avec cette opération, la start-up toulousaine entend renforcer sa capacité à fournir aux grands comptes du secteur une chaleur décarbonée, compétitive et maîtrisée sur le long terme. Elle vise entre 5 et 6 M€ de chiffre d’affaires en 2025.

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Antoine Meffre est le fondateur et PDG d’Eco-Tech Ceram. Basée à Balma Gramont, l’entreprise toulousaine emploie aujourd’hui une vingtaine de salariés et réalise 2,5 M€ de chiffre d’affaires. (©Eco-Tech Ceram)

Véritable frein à l’investissement, l’incertitude n’est pas bonne pour le business et plus largement pour l’économie. Et le dernier baromètre EY sur le capital risque en France publié le 17 avril dernier vient confirmer cette évidence. Alors que le contexte politique et économique mondial actuel est digne « des plus grands scénarios », avec des rebondissements à la pelle, les financements se tarissent et les sommes levées par les start-up françaises ne cessent de reculer.

Ainsi, au premier trimestre 2025, l’Hexagone a enregistré 148 opérations pour un montant de 1,4 Md€, « soit une baisse en valeur de 19 % et de 14 % en volume » par rapport au T1 2024 (1,7 Md€ pour 172 opérations). Une dynamique baissière qui n’est pas sans conséquence puisque sur le plan européen, la France perd en attractivité et en leadership face à son principal concurrent l’Allemagne (1,65 Md€ de levés) mais surtout par rapport au Royaume-Uni qui affiche une croissance insolente « en valeur de 20 % pour atteindre les 4,3 Mds€ ».

Répondre aux enjeux stratégiques de l’industrie

Ce ralentissement des financements s’est accompagné ces dernières années d’un recentrage stratégique des investisseurs sur des projets à forte rentabilité et à impact durable. Le tour de table de 16 M€ bouclé en mai dernier par la start-up toulousaine Eco-Tech Ceram (ETC) en est la parfaite illustration. Installée à Balma Gramont, l’entreprise développe depuis 2014 des technologies de stockage et de valorisation de l’énergie pour l’industrie.

Multi-primée, elle revendique aujourd’hui 2,5 M€ de chiffre d’affaires et compte parmi ses actionnaires Bpifrance, RGreen, Qair, Johes et l’Aris, l’agence régionale des investissements stratégiques. « Nous nous positionnons sur le marché de la chaleur à haute valeur ajoutée, autrement dit compétitive, stable dans le temps et décarbonée. Pourquoi ? Parce que les industriels lourds à qui nous nous adressons consomment énormément d’énergie fossile, dont les prix varient et peuvent donc s’envoler très très haut, explique son PDG et fondateur Antoine Meffre. Si en 2025, le prix du MWh d’électricité sur le marché de gros (spot) est fixé à plus 36 €, il est monté jusqu’à 300 € de juin à décembre 2022 ! »

Une volatilité des prix préjudiciables sur le plan concurrentiel pour les entreprises nationales, notamment vis-à-vis des industriels chinois, indiens et américains, pays où l’énergie est beaucoup moins chère « puisque ce sont aussi des producteurs », souligne celui qui est docteur en énergétique et génie des procédés.

Des solutions clés en main

Pour répondre aux besoins des grands donneurs d’ordre mais aussi aux nouveaux enjeux environnementaux et réglementaires, Eco-Tech Ceram conçoit des systèmes sur mesure en fonction des besoins spécifiques de ses clients. Cela inclut l’analyse des sources de chaleur fatale et d’électricité disponibles pour déterminer la meilleure solution énergétique pour chaque installation, tout en prenant en compte les coûts et les bénéfices économiques. Concrètement, en plus du service d’audits énergétiques, elle propose deux type de solutions :

  • La valorisation de la chaleur fatale : cela consiste à récupérer la chaleur perdue dans les cheminées des processus industriels via une solution brevetée de stockage thermique haute température dite Eco-Stock. Labélisée par la fondation suisse Solar Impulse, celle-ci permet de capter, stocker et de réinjecter la chaleur dans les process de production.
  • L’électrification intelligente de la chaleur : via un système là aussi breveté et complémentaire de convertisseur d’électricité en chaleur haute température dite Power-to-Heat. Ce processus permet d’utiliser des électrons à faibles coûts pendant les périodes où l’offre d’électricité est supérieure à la demande (exploitation des heures creuses).

L’entreprise toulousaine, qui vise entre 5 et 6 M€ de CA en 2025 grâce notamment à la signature de huit nouveaux contrats (encore en cours de négociation), s’apprête à changer d’échelle. Avec cette récente augmentation de capital de 16 M€, Eco-Tech Ceram entend en effet accélérer dans les mois à venir le déploiement de ses solutions clés en main. Une somme abondée à hauteur de 12 M€ par le fonds Révolution Environnementale et Solidaire créé par le Crédit Mutuel Alliance Fédérale et de 4 M€ par le fonds PSIM [1], géré pour le compte de l’État par Bpifrance dans le cadre de France 2030.

Dans son viseur : l’industrie agroalimentaire

Pour atteindre ses objectifs de croissance, la start-up - qui emploie une vingtaine de salariés - prévoit d’élargir sa stratégie commerciale avec le recrutement de collaborateurs expérimentés afin de cibler de nouveaux secteurs, notamment l’industrie alimentaire, et ainsi étoffer son portefeuille clients. « Une partie des fonds sera également injectée dans la R&D pour améliorer les process existants et développer de nouvelles innovations, détaille Antoine Meffre. Pour continuer à être compétitif, nous travaillons aussi à la réduction des coûts de production notamment pour la partie conception, autrement dit la partie ingénierie que l’on doit automatiser et digitaliser avec l’apport de l’IA. »

Bien décidée à devenir un acteur incontournable de l’efficience énergétique, la société annonce la concrétisation prochaine d’un projet d’envergure. « Eco-Tech Ceram va s’équiper d’un outil de production en lien avec la décarbonation de l’industrie et la réindustrialisation du pays. Et du coup, par extension, la France aussi. Cet outil va en effet permettre d’alimenter toute la plaque d’Europe occidentale en solution de stockage thermique et power grid », se réjouit son dirigeant avant d’insister sur le travail « excellent » réalisé par ses équipes, « qui mettent du jus de cerveau à longueur de journée ».

[1Géré par Bpifrance, le fonds PSIM « Programme de soutien à l’innovation majeure » a été créé en juin 2017. Il intervient exclusivement auprès des entreprises lauréates du Concours Mondial d’Innovation (CMI) dans le cadre des ambitions définies par la Commission Innovation 2030.