Entreprises

Économie régionale : croissance ralentie en 2023

Conjoncture. Le tissu économique français s’est montré résilient l’an dernier, affichant 2,6 % de croissance dans un contexte difficile. 2023 n’est cependant pas aussi bien orientée. Le point en Occitanie avec la direction régionale de la Banque de France.

Lecture 10 min
L'industrie aéronautique
En 2023, l’industrie aéronautique devrait redevenir le moteur de l’économie régionale. (Crédit : AIRBUS - MASTER FILMS - PASCAL PIGEYRE)

Après avoir enregistré, l’an dernier, une progression de 2,6%, le PIB français devrait progresser de 0,3 % en 2023 selon la Banque de France. L’institution, qui écarte le spectre d’une récession, pronostique une reprise de la croissance en 2024 et 2025. À cet horizon, elle devrait frôler les 2%.

PLUSIEURS CLIGNOTANTS

De fait, si « l’économie française a bien résisté » l’an dernier malgré « une répétition de chocs », selon Stéphane Latouche, directeur régional de la Banque de France, dans le tableau d’ensemble, des clignotants s’allument à l’échelon national.

« On constate dans l’industrie et dans le BTP une érosion des carnets de commandes, détaille-t-il. Très clairement, les entreprises consomment du carnet de commandes. Le deuxième clignotant qui nous préoccupe est la trésorerie : nous sommes à des niveaux vraiment bas, au plus bas depuis 15 ans dans l’industrie. Ce qui signifie que les trésoreries des entreprises ont été très sollicitées en 2022, en raison de la reprise d’activité, de la hausse des prix et des salaires, etc. Le troisième clignotant auquel il faut prêter attention est la hausse des stocks dans l’industrie. Les chefs d’entreprise nous disent clairement qu’ils sont trop hauts. Or, classiquement lorsque c’est le cas, le chef d’entreprise décide de diminuer sa production ».

Le directeur régional de la Banque de France pointe deux autres indicateurs, révélateurs eux aussi de tensions sur l’économie nationale : les difficultés de recrutement d’une part qui se maintiennent, et les difficultés d’approvisionnement qui, elles, semblent un peu se résorber. En Occitanie aussi, les chefs d’entreprise se préparent pour 2023 à un net ralentissement de leur croissance. C’est ce que révèle l’enquête de conjoncture menée par les équipes de la direction régionale de la Banque de France. Elles ont interrogé près de 2000 entités des secteurs de l’industrie, des services marchands et du BTP, sur l’évolution attendue de leur chiffre d’affaires et de leurs effectifs et leurs prévisions sont en demi-teintes.

ÉCONOMIE RÉSILIENTE

Après avoir enregistré en 2022 une progression de 8,4% de leurs chiffres d’affaires, soit une hausse plus forte qu’attendue, les industriels occitans tablent de fait sur une progression de 7 % cette année, soit un niveau encore très élevé. Tous les segments de l’industrie régionale devraient ainsi voir leurs chiffres d’affaires progresser en 2023. Y compris les industries agroalimentaires (IAA), actuellement « sous tension » selon Stéphane Latouche, pour avoir fortement pâti l’an dernier de la sécheresse et des épizooties de grippe aviaire sans parler de l’inflation qui a poussé les consommateurs à faire des arbitrages sur les dépenses alimentaires.

Les chiffres d’affaires devraient progresser de près de 10% cette année dans le secteur des IAA, après une hausse de 3 % l’an dernier. De son côté, l’industrie aéronautique, l’autre fleuron régional, table sur une croissance des chiffres d’affaires de l’ordre de 12,6 % cette année, après +15% en 2022. En Occitanie, rappelle toutefois Vincent Foussal, responsable des études à la direction régionale de la Banque de France, « le taux d’utilisation des capacités de production n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise. Il est aujourd’hui de 80% contre 84% en 2019 ».

C’est particulièrement le cas dans l’industrie aéronautique. Même perspective de croissance ralentie dans les services marchands qui ont enregistré l’an dernier une hausse des chiffres d’affaires de 12,4%, soit un niveau bien supérieur à celui projeté en milieu d’année dernière. La croissance d’activité a été particulièrement spectaculaire dans l’hébergement, où les chiffres d’affaires ont bondi de plus de 39% l’an dernier. Les sociétés d’ingénierie ont vu leurs chiffres d’affaires grimper de 15,7 % l’an dernier, celles du secteur informatique de +9,9 %.

Toutes activités confondues, en 2023, les entreprises des services marchands projettent une progression de 6,4% de leurs chiffres d’affaires, avec des hausses de 7% dans l’hébergement, de 10,5 % dans l’ingénierie et de 8,7% dans l’informatique. De leur côté, les entreprises du BTP, qui ont connu en 2022 une progression des chiffres d’affaires moins forte qu’espérée, à 1,8 %, affichent des prévisions de croissance de la production de l’ordre de 5,6% pour 2023.

HAUSSE DES EFFECTIFS

Malgré les difficultés de recrutement dont témoigne encore une entreprise sur deux, les dirigeants des trois secteurs d’activité tablent pour cette année sur une croissance de leurs effectifs. Elle devrait atteindre 2,6% dans l’industrie après +1,5% en 2022. Compte tenu des difficultés de la branche agroalimentaire, les industriels du secteur devraient, eux, voir leurs effectifs reculer de 0,2 % cette année, après avoir également détruit de l’emploi l’an dernier (-1,2%).


>LIRE AUSSI : Loi de finances : peu de changements majeurs


À l’opposé, l’industrie aéronautique prévoit une forte hausse des recrutements : les effectifs de la branche devraient progresser de 5,3 % cette année, après +0,9% l’an dernier. La hausse des effectifs devrait atteindre 4,4% dans les services marchands contre +5,8 % un an avant. Les chefs d’entreprise du secteur de l’hébergement tablent, pour leur part, sur une croissance de 2,9% de leurs effectifs après +17,3% l’an dernier. Le BTP, qui a perdu des emplois l’an dernier (-1,6%), notamment via un moindre recours à l’intérim, devrait voir en 2023 ses effectifs croître de 1,6%.

INVESTISSEMENTS PLUS DYNAMIQUES

Ce même secteur du BTP connaît depuis deux ans une nette baisse du niveau des investissements. Ils ont chuté de 22,5 % l’an dernier et les professionnels s’attendent à un nouveau recul cette année, de l’ordre de 10%. Dans l’industrie et les services marchands, les investissements ont également été l’an dernier moins dynamiques qu’anticipés, progressant de 8,5% dans l’industrie et baissant de 2,4 % dans les services marchands. 2023 devrait être marquée dans les deux secteurs par une nette reprise du niveau des investissements. Ils devraient ainsi bondir de 14,6% dans l’industrie.

À l’exception cependant des IAA où le niveau des investissements devrait se contracter de 1,3 % en 2023. Pour répondre à la montée en cadence des lignes de production, les investissements devraient croître de 45% cette année dans l’industrie aéronautique après une progression de 53 % l’an dernier.

De fait, explique Vincent Foussal, « pour assurer cette montée en cadence, les investissements doivent être très forts, cependant, la supply chain a encore des moyens limités par les effets de la crise, ce qui explique que les investissements ne sont pas au niveau attendu ». Après le recul observé l’an dernier, les entreprises des services marchands devraient fortement faire progresser le niveau de leurs investissements, de l’ordre de + 74 % en 2023.

RENTABILITÉ PRÉSERVÉE

Malgré le haut niveau de l’inflation et la flambée des prix de l’énergie, selon l’enquête menée par la direction régionale de la Banque de France, les entreprises d’Occitanie ont réussi globalement à préserver leur rentabilité l’an dernier, soit, en clair, à répercuter sur leurs clients une partie de la hausse des prix qu’elles subissent. Cela a, du moins, été le cas dans l’industrie et les services marchands où le solde d’opinion (chefs d’entreprise déclarant une augmentation de leur rentabilité - ceux constatant une baisse de leur rentabilité) est positif de 12 points dans l’industrie et de + 4 points dans les services en 2022.

Sur cette période, le solde d’opinion est en revanche négatif dans le secteur du BTP, à -6 points. La rentabilité des entreprises devrait cependant évoluer favorablement en 2023. Les soldes d’opinion sont globalement positifs dans les trois secteurs : à +28 points dans l’industrie, +12 points dans les services et + 7 points dans le BTP. Si, en 2022, ce sont l’industrie et les services marchands qui ont tiré l’activité, en 2023, selon la Banque de France, l’aéronautique devrait retrouver un rôle moteur dans l’économie régionale.