EcoTrain veut lever 850 K€ pour lancer sa navette ferroviaire électrique autonome
Transport. La start-up toulousaine veut redonner vie aux petites lignes ferroviaires aujourd’hui abandonnées ou menacées et offrir ainsi de nouvelles solutions de mobilité moins coûteuses et plus écologiques aux territoires ruraux et en périphérie des agglomérations. Elle vient d’intégrer l’incubateur régional Nubbo.

Fermée pendant plus de dix ans (de 2014 à 2023), la ligne de chemin de fer entre Montréjeau et Luchon en Haute-Garonne devrait rouvrir en juin prochain. La Région, qui s’était engagée à rouvrir cette desserte en 2016 lors des États généraux du rail, finance depuis 2024 d’importants travaux de remise en état de cette ligne longue de 36 km. Un investissement de 67 M€ pour l’Occitanie qui est ainsi la première région en France à devenir propriétaire et gestionnaire direct d’une ligne ferroviaire. C’est sur cette même ligne que devraient circuler à terme les premiers trains à hydrogène.
La collectivité, qui a fait du train un pilier de son plan d’actions pour le développement des territoires et la lutte contre le réchauffement climatique, avait, de la même manière, annoncé sa volonté de rouvrir d’autres lignes dont celle de la Rive droite du Rhône, effective depuis 2022 après 50 ans sans circulation. Mais pour d’autres, les usagers devront encore patienter, c’est le cas des lignes Alès-Bessèges, Limoux-Quillan ou encore Rodez-Séverac, dont les projets de réhabilitation, estimés à chaque fois à plusieurs dizaines de millions d’euros, ont été reportés en raison de contraintes budgétaires.
Dans ce contexte, avec sa solution de navettes ferroviaires électriques légères et autonomes dédiées au transport de passagers comme de fret, la start-up toulousaine EcoTrain a de sérieux atouts à faire valoir. Elle s’est justement donné pour ambition de redynamiser les petites lignes ferroviaires aujourd’hui abandonnées ou menacées à la fois pour désenclaver les territoires ruraux déjà fragilisés, et, en périphérie des villes, offrir une alternative au tout-voiture, synonyme de congestion routière et de pollution.
Réduire les coûts et les délais
La jeune pousse, qui a récemment intégré l’incubateur régional Nubbo, espère bien convaincre les autorités organisatrices des transports, ici en région Occitanie, ou ailleurs en Europe, afin de lancer d’ici la fin de l’année un premier projet de ligne grandeur nature. Pour financer son développement, elle vient aussi d’initier une levée de fonds de 850 K€.
Fondée en novembre 2024 par Alexandre Zisa, son président, Carola Wichert, Marion Leblon et Philippe Bourguignon, son directeur général, EcoTrain ne part pas de zéro. La start-up s’appuie sur les travaux que mène ce dernier depuis plusieurs années. Un projet de recherche, d’un montant de 7,8 M€, soutenu par l’Ademe dans le cadre de France 2030 à hauteur de 4,4 M€, le reste étant financé par un pool d’industriels partenaires.
Il regroupe Socofer, un acteur de la construction ferroviaire basé en Indre-et-Loire, Stratiforme, spécialiste nordiste des matériaux composites, Clearsy, créateur de logiciels et de systèmes sécuritaires installé dans les Bouches-du-Rhône, le toulousain Syntony GNSS, fournisseur de solutions de géolocalisation par satellites. Le projet a bénéficié également de l’appui des deux écoles d’ingénieurs IMT Mines Albi et IMT Nord Europe.
Une solution complète de transport
Alors que l’on dénombre quelque 350 000 kilomètres de lignes de chemin de fer abandonnées ou sous-utilisées dans le monde, dont environ 100 000 kilomètres sont jugés pertinents pour la réinstallation d’équipements, l’objectif d’EcoTrain est de redonner vie à une partie de ces voies en proposant une solution complète qui comprend la gestion de l’infrastructure, le matériel roulant et les systèmes de contrôle-commande « ce qui permettrait de simplifier les opérations et de réduire les coûts et les délais de mise en service », assure Alexandre Zisa, tout en diminuant drastiquement l’empreinte carbone des transports.
Le projet de recherche, qui a débuté en août 2022 pour une durée de trois ans, s’est focalisé sur 75 lignes situées en France, en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en Pologne, « qui vont constituer nos premiers marchés pour des raisons évidentes de proximité », poursuit l’ingénieur de formation, ex-directeur de programme chez Daher à Tarbes puis chez Hyperloop à Francazal. « Et pour 43 de ces lignes, il y a un vrai besoin de rééquiper. »
Or, les solutions actuelles répondent mal à cette demande. « Elles sont trop cher et trop complexes à mettre en œuvre et cette complexité ne se traduit pas seulement sur les coûts mais aussi sur les délais. Pour remettre une ligne en service, on parle de 8, 10, voire 15 ans. » Et d’ajouter :
Les collectivités locales sont dépossédées de leur capacité de décision et d’aménager leur territoire. En baissant significativement les coûts et les délais de mise en service, notre ambition est de leur permette de reprendre la main. »
Selon Alexandre Zisa, avec sa navette autonome, les coûts d’exploitation pourraient ainsi être réduits de 30 à 70 % par rapport aux solutions existantes.
Un premier projet lancé en fin d’année ?
L’enjeu aujourd’hui pour le dirigeant est d’industrialiser la solution et pour cela « décrocher un accord pour installer une première ligne. Il s’agira de démontrer qu’on sait installer les équipements, qu’on sait faire revenir le public et lui faire préférer ces solutions à la voiture et enfin qu’on sait tenir les délais et les coûts. »
Sur les 43 lignes citées, six ont particulièrement retenu l’attention des dirigeants d’EcoTrain dont trois se situent en Occitanie. « Pour chacune, nous discutons intensivement avec les autorités organisatrices des transports. L’objectif, c’est au moins d’en lancer une et nous sommes bien partis pour engager un projet avant la fin de l’année », s’enthousiasme le chef d’entreprise. L’installation de la ligne pourrait alors débuter d’ici 2027 pour une mise en route commerciale et une ouverture au public mi 2029.
Mais prévient Alexandre Zisa, « nous ne sommes pas là pour installer une ou deux lignes. Nous voulons, partout sur la planète et à commencer par l’Europe, pouvoir redonner de la mobilité dans les territoires. Et ce de manière frugale et sans polluer. C’est vraiment ce qui nous anime ». Convaincu de la pertinence de sa solution, le dirigeant est confiant quant au succès de la levée de fonds qu’il vient de lancer. « On voit qu’on intéresse beaucoup de monde. Les portes s’ouvrent assez facilement », conclut-il. Un second tour de table est d’ailleurs déjà prévu l’an prochain.