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En mode survie, le Théâtre du Grand Rond demande un soutien accru et pérenne des collectivités

Culture. Avec un budget plombé par la crise sanitaire et l’inflation, le théâtre toulousain s’inquiète d’une possible baisse de ses subventions. Malgré ses 45 000 spectateurs annuels et une priorité donnée aux artistes locaux, l’établissement tire la sonnette d’alarme, demandant une augmentation des soutiens publics pour assurer sa pérennité. Sans cela, son équipe annonce que le théâtre devra fermer ses portes dès juillet 2026.

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Éric Vanelle, co-fondateur et salarié associé du Théâtre du Grand Rond craint une baisse des subventions qu’il perçoit des collectivités publiques. Pour assurer la survie du théâtre, elles devraient, selon lui, augmenter de 190 000 €. (© La Gazette du Midi)

« La saison 2025-2026 sera celle de la dernière chance et sera construite dans la précarité », annonce l’équipe du Théâtre du Grand Rond dans un communiqué daté du 27 novembre 2024. Le théâtre alerte sur sa situation financière et sur sa pérennité à très court terme en raison de la possible baisse des subventions qui lui sont allouées par la Ville de Toulouse, le Département de la Haute-Garonne, la Région Occitanie et l’État, via la Direction régionale des affaires culturelles (Drac).

« Sans augmentation du soutien financier de ces partenaires publics, nous fermerons définitivement nos portes en juillet 2026 », déplore la direction de l’établissement. Dans l’attente du vote par les collectivités de leur budget pour 2025, elle prend ainsi les devants pour informer les habitants sur sa situation.

230 000 € de subventions en 2024, et après ?

Celui qui se revendique comme le deuxième théâtre le plus fréquenté de la Ville Rose avec 45 000 spectateurs annuels, dont 18 000 enfants, fonctionne avec un budget annuel de 750 000 €, dans lequel la part des subventions est de 230 000 €. Dans le détail, en 2024, la Mairie de Toulouse a subventionné la structure à hauteur de 113 000 €, le Département 50 000 €, la Région 35 000 €, tandis que la Drac lui a alloué entre 25 000 et 30 000 €.

À l’heure où les collectivités sont appelées à réduire leurs dépenses, l’inquiétude du théâtre, qui fonctionne sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), semble légitime. Et ce malgré le fait que le Département, la municipalité et la Région aient confirmé à la Gazette du Midi leur volonté de maintenir au plus haut niveau leur soutien financier pour 2025.

Mais quid des années suivantes ? C’est aussi cette incertitude quant à l’avenir qui inquiète le théâtre toulousain au même titre que l’ensemble des acteurs culturels. Confrontés à ces probables restrictions budgétaires, tous risquent en effet d’éprouver, à des degrés différents, des difficultés à se projeter sur le long terme.

Une augmentation de 190 000 €

Situé dans l’hyper-centre de Toulouse, rue des Potiers, « le Grand Rond a toujours vécu dans la précarité. Pour pallier la crise du Covid, nous avons reçu des aides que nous avons utilisées pour revaloriser la rémunération des équipes artistiques », explique Éric Vanelle, co-fondateur et salarié associé de la SCIC. Mais voilà, en raison de l’inflation, qui a « plombé notre modèle économique », le financement actuel dont bénéficie le théâtre n’est, selon lui, plus viable.

Et pas question, affirme-t-il, pour les salariés associés du Grand Rond de revenir au niveau de rémunération d’avant crise sanitaire. Un rétropédalage jugé impossible car perçu comme « dénigrant pour les artistes ». Par ailleurs, alors que certains lieux culturels ont dû se résoudre à augmenter leurs tarifs, la direction n’envisage pas non plus d’augmenter les siens, rappelant que « l’équilibre d’un théâtre ne peut pas dépendre uniquement de sa billetterie d’autant plus quand comme nous, on pratique des tarifs accessibles à toutes et à tous. »

C’est pourquoi le Grand Rond demande une augmentation globale de ses subventions de 190 000 €, pour atteindre les 425 000 €. Ce qui permettrait de passer le montant des aides par place de 5,20 € actuellement à 9 €. La direction justifie cette augmentation par la mise en lumière des artistes occitans qui représentent près de 85 % de la programmation. Elle vise aussi à maintenir un ticket d’entrée modeste, marque de fabrique de la salle. Des missions qu’elle estime nécessaires et importantes pour la vie culturelle toulousaine.

En appel à une mobilisation citoyenne

En annonçant sa possible fermeture dès 2026 dans ce communiqué relayé sur les réseaux sociaux et par les médias, le théâtre ne cherche pas seulement à interpeller les collectivités, mais veut aussi à mobiliser l’opinion publique. Un soutien qu’Éric Vanelle juge « essentiel dans ce contexte. » Et pour cause la mobilisation citoyenne mêlant habitants et artistes avait déjà permis dans les années 2000 de sauver le lieu de la destruction juste avant que celui-ci ne devienne le Théâtre du Grand Rond.

Déplorant que l’État et certaines collectivités donnent la priorité aux scènes « à fort rayonnement » – entendre qui programment des compagnies d’envergure nationale et internationale –, la direction du théâtre rappelle que « le foisonnement culturel de notre pays ne se résume pas à ces structures ». Dans son communiqué, elle compare la culture française à une forêt qui « n’est pas faite seulement de grands arbres » et qui « n’existe que par la diversité et l’interdépendance ». Les discussions doivent se poursuivre avec les différents partenaires. La mairie a notamment reçu les représentants de tous les théâtres de la ville le 4 décembre dernier. Affaire à suivre…