Construction : la FFB Occitanie en appelle à un électrochoc politique pour éviter le krach
Logements. Construction de logements neufs au plus bas depuis les années 50, défaillances d’entreprises et destruction d’emplois en forte hausse, instabilité politique et règlementaire... Empêtrés dans une spirale négative, les professionnels du bâtiment d’Occitanie formulent des propositions pour mettre un terme à cette crise qui menace selon eux « la cohésion économique et sociale du territoire ».
Confrontés à l’effondrement de leur activité depuis maintenant de longs mois, le président de la FFB Occitanie, Frédéric Carré, et les 13 présidents des fédérations départementales du bâtiment ont donné rendez-vous aux médias le 12 décembre dernier pour une conférence de presse commune. Du jamais vu, preuve de la gravité de la situation. « On peut nous reprocher, peut-être, d’avoir été par le passé trop alarmistes mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. On ne crie pas au loup, s’est défendu Frédéric Carré. Les chiffres sont là et ils sont catastrophiques ! »
Désastreux même avec en 2024 sur le territoire régional 1 300 défaillances d’entreprises (+ 31 % par rapport à la moyenne des 10 dernières années), près de 3 800 emplois détruits depuis mi-2023 (et potentiellement 10 000 en 2025), - 6% de jeunes formés et surtout seulement 26 950 logements construits (- 14 % sur un an), pour des besoins annuels estimés à 47 500. Les projections pour 2025 ne montrent aucune inversion de tendance sur ce marché qui représente 25 % de l’activité du secteur du bâtiment. Au contraire, les créations de nouveaux logements se contracteraient encore, en touchant un nouvel étiage de 25 800 unités.
Un chiffre d’affaires en berne
La construction hors-logement est elle aussi en chute libre (- 10%). Ce segment du non-résidentiel, qui compte pour 21 % dans l’activité régionale du bâtiment, revient ainsi à des niveaux connus en 1986. Pour les professionnels du secteur, cette baisse s’explique par une réduction des investissements des entreprises, ainsi que par une prudence accrue des collectivités locales « qui anticipent des baisses de recettes sous l’effet de coups de rabot, voire de ponctions de l’État sur leurs budgets ». Et 2025 s’annonce encore pire avec un recul de la construction de l’ordre de 15 %.
Même le marché dit de l’amélioration-entretien, qui englobe les travaux de rénovation, tend à s’essouffler. Alors que les prévisions tablaient sur une hausse de 3 %, l’atterrissage à fin décembre se limitera finalement à 1,2 %. La rénovation énergétique, marché pourtant porteur, affiche elle aussi une timide croissance de 0,5 %. Conséquence, « en 2024, notre chiffre d’affaires va reculer de 6 % et les dernières prévisions pour l’année prochaine tablent sur - 7 %, donc une baisse de 13 % sur deux ans », a indiqué d’un ton grave l’intéressé avant de revenir en détail sur les raisons de cette crise historique.
Ces dernières années, plusieurs facteurs conjoncturels d’ordre économique (inflation, hausse des taux d’intérêts et des coûts des matières premières, etc.) et politique ont aggravé la situation selon lui. Dernier épisode en date, la censure votée par les députés qui a replongé le pays dans une période d’incertitude et d’inertie quelques mois seulement après la dissolution de l’Assemblée Nationale par Emmanuel Macron. « Et ce, alors même que certaines mesures attendues depuis longtemps en faveur du logement avaient étaient inscrites dans le projet de loi de finances (PLF) 2025 », a regretté Frédéric Carré. À cela s’ajoutent des facteurs structurels comme la croissance démographique, le vieillissement de la population, le desserrement des ménages ou encore les dynamiques de métropolisation qui viennent soutenir la demande de logement.
« Avec le retard que nous avons pris pour loger les gens et au regard des prévisions actuelles, nous avons besoin d’un plan d’actions en termes de volumes, de budget et de normes pérennes », a martelé le président de la FFB Occitanie ciblant notamment la politique contreproductive du stop and go à l’image du dispositif MaPrimeRénov’ qui a vu « ses règles revues et corrigées deux fois en l’espace d’un an ! »
Des mesures d’urgence et de plus long terme
Pour sortir durablement du rouge, les présidents des fédérations départementales du bâtiment enjoignent le futur gouvernement Bayrou à reprendre et adopter au plus vite les mesures annoncées dans l’actuel PLF 2025, celles-ci ayant fait « l’objet d’un consensus transpartisan », affirment-ils. Parmi elles :
- L’accession à la propriété avec le rétablissement du prêt à taux zéro (PTZ) universel, pour tous les territoires et tout type de construction, ainsi que la suppression des préconisations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) qui génèrent 20 % des refus de crédit,
- La création d’un statut « du bailleur privé » qui permettrait notamment un amortissement du bâti sur 50 ans (taux de 2 % par an),
- L’adoption d’une mesure « donations » (enfants, petits-enfants) en faveur de l’acquisition ou la construction d’une résidence principale dans le neuf, avec un plafond d’exonération allant jusqu’à 100 000 €,
- Le plafonnement de la réduction de loyer de solidarité (RLS) à 1,1 Md€ par an (versus 1,3 Md€) en contrepartie d’engagements de production des bailleurs sociaux. À l’échelle de l’Occitanie, la mesure permettrait la construction de 650 logements locatifs sociaux additionnels sur une année.
Une instabilité politique préjudiciable
Mais parce que le retard accumulé est tel et que tous redoutent déjà les prochaines échéances électorales, à commencer par les municipales souvent synonymes d’attentisme, les professionnels du secteur militent aussi pour une politique du logement long-termiste. Concrètement, ils demandent l’adoption d’un plan quinquennal 2025-2030, sur le modèle pratiqué dans le domaine de la défense, la reconduction du dispositif MaPrimeRénov’ au-delà du 31 décembre 2025 avec des niveaux d’aides aux ménages réellement incitatifs ou encore un nouvel assouplissement des règles du dispositif « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN).
Et alors que certains syndicats ou fédérations d’autres secteurs d’activités ont décidé d’engager ces derniers mois un rapport de force avec les gouvernements successifs pour faire entendre leurs revendications, Frédéric Carré a défendu le choix fait par la FFB et son président Olivier Salleron d’opter « pour le dialogue » et non « pour les parpaings devant les préfectures ».
« Nous avons obtenu gain de cause sur le PTZ ou encore sur la RLS, donc le problème n’est pas d’être entendu. Il est sur l’instabilité politique. Quand on n’est pas capable d’avoir un ministre chargé du logement qui dure plus de trois mois, comment voulez-vous que les choses avancent. C’est irresponsable ! » D’où peut-être la tentative avec cette prise de parole publique de mettre la pression sur leur futur(e) ministre de tutelle et ainsi « éviter le krach ».