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Forêt occitane, « il faut mobiliser tout son potentiel »

Coopérative. Le 31 mai, Alliance Forêts Bois a tenu son assemblée de section à Saint-Vincent-Lespinasse (82). L’occasion d’interroger le directeur de l’agence de Quercy, Cyril Bassoullet, sur les problématiques et les enjeux de la filière bois en France et en Occitanie.

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Photo des forêts Bois de Quercy
Depuis plus de 60 ans, cette coopérative accompagne les propriétaires forestiers tout au long du cycle de vie de leur forêt. (Crédit : ALLIANCE FORÊTS BOIS )

Tensions géopolitiques, crise climatique et économique… Dans ce contexte actuel tendu, comment se porte la filière forêt-bois en France ?

Depuis l’amont forestier jusqu’à l’aval industriel, la filière bois se porte plutôt bien.

La surface forestière a doublé de volumes en l’espace de 50 ans. Les données fournies par l’Institut national de l’information géographique et forestière sont rassurantes puisqu’elles témoignent d’une croissance continue de 80 000 ha chaque année.

Le résultat de nouvelles plantations, de déprises et boisements de terres agricoles ou encore d’une recolonisation naturelle. Avec aussi un volume de bois sur pied qui croît toujours.

En 2021, il représentait 2,8 milliards de m3. En aval, autrement dit concernant la partie transformation, la filière a connu une très forte activité.

Les scieries ont tourné à plein régime, avec une reconcentration de la consommation locale, notamment pour le bois d’énergie (bois de chauffage, granulés, charbons de bois…) en réponse à l’augmentation du prix du gaz. Le bois d’oeuvre (sciages, placages et contreplaqués…) et le bois d’industrie (pâte à papier, panneaux, piquets…) ont aussi bénéficié d’une forte augmentation de la demande.

Et en Occitanie ?

La filière bois en Occitanie se porte aussi très bien avec un CA de 2,6 Mds€. L’occasion de rappeler que c’est la deuxiè me région forestière de France, 36% de son territoire est boisé ce qui équivaut à plus de 2,6millions d’ha.

D’ailleurs de nombreux industriels se sont installés ici pour bénéficier de cette ressource en bois. La filière compte aujourd’hui 5 800 entreprises et emploie plus de 20 000 personnes. Et si elle s’est fortement développée ces dernières an nées, je pense vraiment qu’elle n’a pas encore exploité tout son potentiel.

À noter que la forêt occitane est composée de 77 % de feuillus (chênes, châtaigniers, hêtres…) et de 23 % de résineux (pins, épicéa, sapins...).

Quid du cours du bois ? Les sylviculteurs s’y retrouvent-ils financièrement ?

Oui, le cours du bois a augmenté ces dernières années. Il est vrai que nous sommes en train de vivre un basculement de conjoncture depuis la fin de l’année 2022. Face au ralentissement dans le secteur de la construction, la demande baisse forcément mais pour le moment le prix du bois résiste.

Et on en est persuadé, le bois est un matériau d’avenir donc nous n’avons pas de réelles inquiétudes.

Combien d’adhérents compte Alliance Forêts Bois en France et en Occitanie ? Et quelles sont vos missions ?

Alliance Forêt Bois est une coopérative forestière qui regroupe et accompagne plus de 40 000 propriétaires forestiers, sur près d’un million d’hectares de forêts privées.

En Occitanie, nous comptons 6 500 adhérents, sur plus de 100 000 ha. Nous sommes présents sur tout l’ouest de la France, de la Normandie jusqu’aux Pyrénées. Cet accompagnement se fait à travers trois métiers complémentaires.

D’abord le conseil sur des questions administratives, réglementaires, stratégiques ou encore fiscales. Deuxièmement, la culture du bois : reboisement dynamique de surfaces délaissées, optimisation des coûts et des techniques sylvicoles, entretien des surfaces boisées…

Et enfin, nous intervenons sur la récolte et la commercialisation avec pour objectif de valoriser au mieux le bois de nos adhérents.

Incendies, tempêtes, inondations… la filière est touchée de plein fouet par le dérèglement climatique. Quels sont les leviers d’actions des sylviculteurs ? Comment vous adaptez-vous ?

Les sylviculteurs ne sont pas plus touchés que les autres mais c’est vrai que nous sommes des témoins privilégiés du changement climatique. On le constate malheureusement tous les jours sur le terrain et encore plus depuis l’année dernière avec les terribles incendies qui ont ravagé des milliers d’hectares de forêt. Cela dit, nous n’avons pas attendu 2022 pour mettre en place des actions.

Photo de Cyril Bassoullet
Cyril Bassoullet est le directeur de l’agence Alliance Forêts Bois de Quercy. (Crédit : ALLIANCE FORÊTS BOIS)

Vous savez, l’essence même de notre métier c’est de réfléchir sur le très long terme. Lorsque vous plantez un arbre, il sera encore là dans 40 ans, 80 ans voire 100 ans pour le chêne.

Donc forcément, cela nous oblige dès à présent à adopter de nouvelles pratiques comme c’est le cas avec le principe de migration assistée par exemple.

Cela consiste à déplacer artificiellement des espèces d’arbres d’une zone à une autre. L’objectif étant d’implanter des essences plus résistantes à la place de certains feuillus et résineux qui sont affaiblis par les fortes chaleurs. Autre pratique, le mélange d’essences sur une même parcelle.

Les forêts dites mélangées sont moins sensibles aux risques sanitaires, elles se reconstituent mieux après sinistre et elles améliorent la productivité globale. Les propriétaires doivent aussi procéder à un débroussaillement et ce, de façon continue. En Occitanie, il y a un vrai problème d’accessibilité des massifs forestiers en cas d’incendie pour les pompiers.

Nous travaillons avec nos adhérents sur ce point précis pour la création de pistes, de réserves d’eau… Le souci auquel nous sommes confrontés c’est que les propriétés sont très morcelées, cela complique un peu les choses.

Le renforcement de la souveraineté industrielle de la France est une priorité du président de la République. Est-ce aussi un enjeu majeur pour la filière bois ?

La souveraineté de la filière bois est effectivement un enjeu majeur. Le président a d’ailleurs annoncé en octobre 2022 qu’il souhaitait qu’un milliard d’arbres soient plantés en France d’ici à 2032. C’est indispensable pour maintenir et développer la filière à l’échelle nationale, régionale et locale.

C’est aussi notre mission. La coopérative représente des propriétaires privés et locaux. Nous travaillons aussi avec des transformateurs petits, moyens, gros sur tout le territoire, avec toujours cet objectif de garantir à nos adhérents une bonne rémunération. Aujourd’hui plus que jamais, la priorité des sylviculteurs est de produire du bois d’oeuvre de qualité pour la construction, l’ameublement, l’emballage…

C’est très important car la France est déficitaire sur les produits transformés, on fait venir des meubles, des planches, de la charpente, du papier… Ce déficit commercial s’établit à plus de 6 Mds€. La faute notamment à la lente disparition des scieries sur le territoire. Depuis la crise sanitaire, qui a vu les frontières se fermer, les choses ont changé.

Pendant deux ans, la consommation en France a explosé avec des usines qui ont commencé à réinvestir. Il faut poursuivre cette dynamique.

Enfin, quels sont les objectifs de Alliance au niveau national et régional pour les prochaines années ?

Le premier objectif de la coopérative est bien sûr de poursuivre notre mission auprès de nos adhérents. De les conseiller dans la gestion de leurs forêts, notamment pour les aider à s’adapter au changement climatique afin de continuer de produire du bois de qualité et rester compétitif.

Au niveau régional, l’ambition pour les prochaines années est vraiment de mobiliser tout le potentiel de la forêt occitane pour répondre aux besoins des secteurs déficitaires, qu’il s’agisse du bois d’oeuvre, du bois d’industrie ou du bois d’énergie.

Pour y parvenir, nous travaillons à promouvoir nos métiers car comme dans d’autres secteurs, la filière fait face à un manque de main-d’oeuvre important : bûcherons, chauffeurs d’engins de récoltes, de planteurs forestiers…

C’est impératif d’attirer de nouveaux candidats dans une filière que l’on sait d’avenir, avec des postes ouverts qui vont de la recherche, à la gestion, en passant par des métiers plus manuels.