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Futura Gaïa lève 11 M€ pour industrialiser sa solution

Agriculture. La start-up gardoise développe une solution de culture verticale sur terreau qui permet de produire des plantes localement, sans pesticide et toute l’année. Elle se veut complémentaire de l’agriculture traditionnelle.

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Photo de Futura Gaïa
Pascal Thomas est à la tête de Futura Gaïa, une start-up gardoise qui développe une solution d’agriculture innovante. (Crédit : DR)

Améliorer la souveraineté alimentaire des territoires face au dérèglement climatique et à la raréfaction de la ressource en eau, tel est l’objectif très ambitieux que poursuit Pascal Thomas, le cofondateur de Futura Gaïa, une start-up installée dans la ferme familiale à Rodilhan, dans le Gard. La pépite a vu le jour en 2019 et a réalisé, l’année suivante, une première levée de fonds de 2,5 M€ qui lui a permis d’installer à Tarascon, dans les Bouches-du-Rhône, un premier démonstrateur.

Trois ans plus tard, début 2023, elle renouvelle l’exploit. Le second tour de table, de 11M€, a été effectué auprès des partenaires historiques de l’entreprise (UI Investissement, Sofilaro, Région Sud Investissement, Caap Création filiale du Crédit Agricole Alpes Provence, Occipac, Elpis et Alain François Raymond) et de nouveaux investisseurs dont la Banque des Territoires, Abeille Impact Investing France, Colam Impact, InvESS’t Paca et plusieurs dizaines de particuliers via la plateforme de financement participatif Sowefund.

Preuve que le modèle d’agriculture innovante qu’elle défend, qui vise à produire des volumes importants sans produits phytosanitaires, fait sens. La solution développée par Pascal Thomas, informaticien et fils d’agriculteur, s’inspire en partie d’un dispositif rotatif de culture sur terreau imaginé au Canada.

Un système toutefois que la start-up a « énormément transformé et amélioré. Nous avons notamment conçu le système qui permet de déplacer ces roues de 850 kg, de les élever à sept mètres de haut et de les ramener au sol lorsqu’on a besoin de récolter », pointe Pascal Thomas.

L’EAU, UN ENJEU CLÉ

Futura Gaïa mène également un important travail de recherche agronomique qui vise à obtenir « le meilleur rapport rendement/ qualité d’une production » et à répondre à l’enjeu « phénoménal » que constitue la disponibilité de l’eau. La start-up a, de fait, pousser très loin l’automatisation.

« Nous avons conçu un système qui calcule, en fonction du cycle de la plante, la juste quantité d’eau et de nutriments qu’elle doit recevoir. Notre équipe d’agronomes a ainsi défini des recettes, qui s’exécutent quotidiennement automatiquement pour nourrir les plantes. »

Photo de Pascal Thomas
Pascal Thomas est à la tête de Futura Gaïa (Crédit : DR)

L’entreprise, qui a banni la chimie de ses procédés, utilise des engrais naturels minéraux mais recherche des alternatives sur l’utilisation des bactéries et des champignons présents dans le sol. « Notre objectif est de réduire d’au moins 100 fois la quantité d’engrais nécessaire ».

Les premiers résultats obtenus, montrent une réduction de 130 fois. L’autre point sur lequel planche Futura Gaïa est la consommation énergétique. La croissance des plantes nécessite en effet le maintien d’un climat stable à l’intérieur de la ferme.

« Nous travaillons avec le CEA sur un projet d’energy management system (EMS) à savoir : comment produire la plus grande partie de l’énergie dont nous avons besoin via l’éolien, le photovoltaïque ou l’hydrogène mais aussi comment optimiser l’usage de l’énergie en fonction de nos besoins. »

« L’EMS que nous avons conçu nous permet ainsi de rentrer des paramètres tels que la météo sur le mois qui vient, d’en déduire notre capacité de production d’EnR, et d’anticiper le moment où l’on pourra utiliser l’énergie du réseau électrique classique lorsqu’elle est la moins chère, c’est-à-dire la nuit. »

« Nous travaillons également sur des solutions de stockage d’énergie par des batteries de véhicules électriques recyclées pour gérer les courtes périodes entre l’arrêt de la production d’énergie photovoltaïque, en fin de journée, et le moment où l’énergie électrique d’origine nucléaire devient intéressante. »

Depuis plus d’un an et demi, sur les rives du Rhône, la première ferme pilote de 2000 m2, produit du basilic et des plantes aromatiques sans pesticide. Elle est une « version à l’échelle 1 » du modèle de ferme que Futura Gaïa entend désormais commercialiser.

« Cela nous a permis de valider un certain nombre d’éléments, du point de vue technologique, agronomique et humain également. En 2023, nous allons dupliquer ces éléments dans une très grande ferme. C’est un des objectifs de cette nouvelle levée de fonds. » Celle-ci doit permettre également à l’entreprise de garder son avance sur plan de la recherche technologique mais aussi agronomique, notamment sur deux marchés visés que sont la cosmétique et la pharmacie.

« Les plantes utilisées par ces industriels sont souvent cultivées très loin d’ici, en Chine ou en Amérique du Sud, sans qu’on sache vraiment dans quelles conditions, ou bien elles sont prélevées dans la nature, en montagne notamment, y compris dans l’Hexagone, et on ne sait pas aujourd’hui les cultiver. Ces industriels nous demandent donc de tester la culture de ces plantes pour pouvoir les récolter au moment où ils en ont besoin, ici en France. »

FARMING AS A SERVICE

Lauréat de l’appel à projet France 2030 avec son projet GéoFarm, Pascal Thomas recherche activement des bâtiments ou friches industrielles (de plus de 5000m2 offrant une hauteur sous plafond de huit à 10 mètres) ainsi que des partenaires agriculteurs pour installer cette première grande ferme. La start-up dispose déjà d’un catalogue de 70 à 80 recettes différentes pour cultiver des légumes feuilles, des salades et des plantes aromatiques.

Elle effectue d’autres tests sur des fraisiers, des poivrons et des aubergines… L’idée, toutefois, n’est pas de tout cultiver par ce biais. « La solution universelle n’existe pas, tempère Pascal Thomas. Ce que nous voulons, c’est que notre solution soit rentable pour un agriculteur. C’est déjà le cas pour de nombreuses productions. Et malheureusement, plus les enjeux climatiques deviennent importants, plus notre solution présente des avantages compétitifs ». Pascal Thomas se défend cependant de vouloir remplacer le modèle agricole actuel.

« Nous voulons offrir une solution supplémentaire pour permettre aux agriculteurs de développer une activité complémentaire », l’idée étant de « livrer en circuit court, avec un nombre d’interlocuteurs réduit et une distance entre le consommateur et la production la plus courte possible ». La pépite, soutenue par la Région Occitanie, commercialise à la fois des infrastructures et une licence. « Nous vendons l’installation clé en main mais aussi les recettes et le logiciel d’exploitation en modèle SaaS, ou plutôt du FaaS (farming as a service), ainsi que l’accès à la R & D menée par nos ingénieurs agronomes et à un service de maintenance. » L’entreprise, qui emploie aujourd’hui 22 personnes, prévoit une dizaine de recrutements cette année.