Immobilier tertiaire : dans l’attente d’une reprise, le stock de bureaux vacants s’alourdit dangereusement
Conjoncture. Depuis deux ans, face à l’incertitude économique, politique et internationale, les dirigeants se montrent de plus en plus attentistes dans leur projet d’emménagement. Conséquence : les professionnels toulousains de l’immobilier d’entreprise évoquent une activité en demi-teinte, les grandes transactions portant un marché devenu prudent.
La baisse du nombre de transactions observée depuis deux ans sur le marché de l’immobilier d’entreprise va-t-elle se poursuivre ? La question préoccupe tous les professionnels. Parmi lesquels Élodie Moine, présidente de l’OTIE, observatoire métropolitain dédié, et directrice régionale Midi-Pyrénées de CBRE, un des leaders du conseil en immobilier d’entreprise. Le 4 novembre 2025 dans ses locaux toulousains du boulevard de la Marquette, elle a fait un point marché en compagnie de Mathieu Galy, responsable investissement au sein de CBRE Toulouse.
Selon les derniers chiffres collectés sur les neuf premiers mois de l’année 2025, la réponse à cette interrogation est donc oui. Sur le marché des bureaux, à date, 105 transactions ont été décomptées à Toulouse contre 127 un an plus tôt, soit 17 % de moins, 2024 s’étant déjà soldée par un recul de 13 % du nombre des transactions par rapport à l’année précédente. Preuve que l’incertitude économique, politique et internationale pèse sur les décisions des dirigeants d’entreprise.
Autre indicateur scruté par les professionnels, celui de la demande placée, c’est-à-dire la demande satisfaite mesurée en m2. Sur les neuf premiers mois de 2025, 90 300 m2 de bureaux ont ainsi été transactés, un chiffre toujours inférieur à la moyenne décennale, mais cependant en nette progression versus l’an dernier : + 18 %.
« Il faut toutefois se méfier d’un effet trompe-l’œil », prévient la directrice régionale. « En effet, cette année, comme en 2024, le marché de bureaux a été porté par de grandes transactions. » En quelque sorte, elles sont l’arbre qui cache la forêt.
Deux méga deals totalisant plus de 41 000 m2
Parmi ces opérations de grande envergure figure la prise à bail par Sopra Steria de 24 600 m2 dans un immeuble neuf situé à Blagnac. Désireux de « se rapprocher de son principal donneur d’ordre qu’est Airbus », cet acteur majeur de l’ingénierie aéronautique s’est engagé dans « un projet de rationalisation de ses locaux », commente Élodie Moine qui estime à 30 000 le nombre de m2 libérés par le groupe en contrepartie.
L’autre méga deal est celui réalisé par Toulouse Métropole qui porte sur 16 400 m2 de bureaux. Le long de l’avenue d’Atlanta à Toulouse, la collectivité fait en effet construire son nouveau technocentre. Un investissement estimé à plus de 100 M€ qui doit permettre regrouper les agents de différents services métropolitains.
Élodie Moine se félicite des « très bons résultats » enregistrés depuis le début de l’année, qui confirment « l’attractivité de Toulouse en tant que pôle économique majeur avec un fort potentiel de croissance ». Même si elle nuance : « Ces deux opérations représentent à elles seules plus de 45 % de la demande placée. »
Parmi les autres transactions majeures réalisées depuis le début de l’année, on peut citer également la prise à bail du siège historique de la banque Courtois, situé rue de Rémusat à Toulouse, par le groupe InSitu spécialisé dans la gestion de bureaux opérés (3 400 m2), la construction par le groupe Medipath, spécialiste des analyses médicales, de 2 500 m2 de locaux dans le quartier Bordelongue.
Ou encore l’extension des activités de Numih à Basso Cambo (2 680 m2). Issu de la fusion en mai dernier de Mipih et SIB, le groupement d’intérêt public est aujourd’hui le premier acteur public au service de la transformation numérique des établissements de santé, avec 1 400 collaborateurs et plus de 1 000 adhérents accompagnés.
20 % du stock de bureaux considérés comme obsolètes
Dernier point de vigilance pour la professionnelle : l’état des stocks. Depuis trois ans, il ne cesse de gonfler pour atteindre au terme des trois premiers trimestres de cette année quelque 207 000 m2. Une offre immédiatement disponible essentiellement composés de bureaux anciens, le neuf ne représentant qu’un peu plus de 13 % du total.
S’il n’est pas encore une source d’inquiétude compte tenu du faible taux de vacance des bureaux dans la métropole toulousaine, à savoir un peu plus de 4 % contre 7,2 % à Lyon, 7,5 % à Bordeaux, 8,5 % à Montpellier et jusqu’à 23 % dans certaines communes de la région parisienne, l’indicateur demeure sous surveillance. 20 % de ces bureaux sont en effet considérés comme obsolètes car vacants depuis plus de quatre ans et « ne correspondent plus du tout à la demande », admet Élodie Moine.
Que faire dès lors de ces mètres carrés inutilisés ? Les transformer en logements ne semble pas la solution miracle à laquelle beaucoup voudraient croire. Au-delà des difficultés d’ordre technique – « les immeubles de bureaux ne sont pas du tout conçus de la même manière que les logements » –, Élodie Moine pointe en effet plusieurs écueils :
Certains actifs pourraient faire l’objet d’une transformation, donc d’un changement de destination. Cela dépend de leur situation mais aussi de l’approbation des maires qui, pour certains, ne voient pas forcément d’un bon œil le fait de recréer du logement et de transformer de l’outil productif en habitation sur leur territoire. C’est loin d’être une formule magique. »
Transformer des bureaux en logements, drôle d’idée
Autre donnée majeure, celle du coût, souvent très élevé, au point que la démolition-reconstruction peut apparaître comme une meilleure option. La directrice régionale de CBRE se dit vigilante à ce sujet : « Nous commençons à scanner le territoire pour étudier les possibilités. Mais cela s’apprécie vraiment au cas par cas. »
Dès lors quelle solution reste-t-il pour les propriétaires de ces immeubles ? « C’est de les faire évoluer malgré tout, de les rénover. Sauf qu’aujourd’hui, nous avons beaucoup de difficultés à demander à nos parties prenantes de mettre de l’argent dans des actifs pour les remettre au niveau des standards du marché », assure Élodie Moine pointant des « investisseurs de plus exigeants quant au taux de rendement "prime", aujourd’hui établi à 6 % à Toulouse » contre 5,5 % en région et 4,10 % à Paris.
Conséquence, le montant des investissements dans les bureaux en région « patine » depuis le début de l’année. Pourtant, investir pour rénover des actifs peut s’avérer payant comme le montre l’exemple du pôle tertiaire Galaxia à Blagnac. Sorti de terre en 2008, ce groupe de bâtiments de plus de 15 000 m2 a fait l’objet en 2024 d’une réhabilitation « conséquente » avec désormais un important « volet serviciel » intégrant un restaurant inter-entreprise, un work-café, des terrasses extérieures aménagées, des bornes de recharges pour véhicules électriques et une conciergerie.
Suite à ces travaux d’ampleur, ces espaces labellisés BREEAM Very Good et HQE désormais plus en adéquation avec les attentes du marché ont pu trouver preneur avec l’arrivée d’un industriel de l’aéronautique.