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Indemnisations, des avocats montent au créneau

Transport. Les travaux de la future ligne de métro impactent l’activité de nombreux chefs d’entreprise. Face aux difficultés rencontrées par certains pour obtenir des indemnisations compensatoires, un consortium d’avocats s’est créé pour faire entendre leurs revendications.

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Photo de Me Judith Courquet, Me Pierre Noual, Me Nathalie Thibaud, Me Christophe Lèguevaques, Me David Lovato et Me Romain Sintes
De gauche à droite, le consortium d’avocats composé de Me Judith Courquet, Me Pierre Noual, Me Nathalie Thibaud, Me Christophe Lèguevaques, Me David Lovato et Me Romain Sintes. (Crédit : DR)

Les travaux de construction de la ligne C du métro toulousain ont commencé il y a seulement quelques mois et sont pourtant déjà sources de controverses et d’inquiétudes. C’est ce que nous vous révélions dans un article paru dans notre édition du 3 juillet intitulé : « Chantier de la future ligne C du métro, les commerçants déjà durement impactés ».

Et pour cause, les travaux de ce chantier d’envergure, estimé à plus de 3,1 Mds€, vont s’étaler sur plusieurs années, avec une mise en service de la ligne attendue en 2028. Une éternité pour bon nombre de chefs d’entreprise qui ont vu leur chiffre d’affaires s’effondrer, à l’image du patron du Versant, un restaurant situé en haut de la rue de Metz. « De 40 couverts le midi on est passé à 10 grand maximum. Notre CA a baissé de 80 % depuis mars », expliquait Thomas Vidal.

Pour éviter la banqueroute, le commerçant a déposé un recours auprès du tribunal administratif pour obtenir une première indemnisation mais « celle-ci tarde à venir », se désolait-il. Et il n’est pas le seul. Nombreux sont ceux qui ont monté un dossier et qui fustigent des démarches longues et fastidieuses, ainsi que de possibles inégalités de traitement.

Pour répondre à la polémique montante et surtout apaiser leur inquiétude, Tisséo a annoncé la semaine dernière la mise en place d’un dispositif d’avance pour les chefs d’entreprise les plus en difficultés. « Versée par Tisséo, elle ne peut être perçue qu’après une expertise réalisée par un expert désigné par le tribunal administratif. Un restaurateur a déjà bénéficié de cette avance le temps que son dossier ne soit instruit par la commission d’indemnisation », a indiqué Jean-François Lacroux, directeur général de Tisséo Ingénierie. « Concernant les délais, la procédure normale en cas de préjudice subit veut que ce soit le chef d’entreprise qui saisisse le tribunal administratif. C’est justement pour accélérer ce processus d’indemnisation qu’une commission a été mise en place. Elle est présidée par un magistrat. Il est donc indépendant de Tisséo. Précision supplémentaire, les aides sont renouvelables. »

Porte-voix des chefs d’entreprise

Mais visiblement, ces annonces et ces clarifications sur les différents dispositifs de compensation n’ont pas con vaincu tout le monde. Contactés par des commerçants inquiets, l’association toulousaine Au Fil de l’Ô, qui réunit des acteurs économiques de la vie fluviale, s’est tournée vers Me Christophe Lèguevaques et Me Romain Sintes, spécialisés dans les actions collectives via notamment leur plateforme My Leo qui facilite la mise en relation avocats/clients.

« L’association nous a dit que ce serait une bonne idée que des avocats se manifestent pour intervenir auprès des pouvoirs publics afin de faire entendre la voix de ces chefs d’entreprise. Et comme les travaux impactent énormément de monde et qu’ils vont s’étaler dans le temps, nous avons proposé à certains confrères – qui ont des compétences variées et complémentaires (droit public, droit des assurances, droit des affaires…) –, de nous rejoindre dans un consortium. Objectif ? Proposer à tous les acteurs socio-économiques lésés d’agir de manière coordonnée », déclare Me Christophe Lèguevaques qui, s’il assure ne pas jeter la pierre à Tisséo et Toulouse Métropole, s’inquiète notamment d’une rupture d’égalité entre les demandeurs : « Notre soucis, c’est légalité de traitement et la transparence des processus d’indemnisation. »

Une inquiétude qu’il a partagée dans un courrier envoyé à Tisséo, « en retour, nous avons reçu une lettre de fin de non-recevoir. » « La vie d’un chef d’entreprise, c’est de gérer et d’anticiper. Aujourd’hui, en plus de savoir comment il va s’en sortir dans les mois et années à venir à cause de ces travaux, il doit en plus se préoccuper de savoir comment monter son dossier d’indemnisation. D’où l’importance d’un système transparent et surtout simplifié. Dans des dossiers similaires, nous avons trouvé et mis en place des processus plus adaptés et qui fonctionnent. Voilà pourquoi, nous souhaitons être force de proposition », développe Me Romain Sintes.

Et parce que c’est bien connu, « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup », ils plaident tous les deux pour la rédaction et la publication « d’un règlement global » basé sur des critères objectifs pour indemniser les chefs d’entreprise : disparition d’une terrasse, diminution du chiffre d’affaires, licenciement de personnel…

Ils invitent aussi la collectivité et Tisséo à mettre tous les acteurs socio-économique concernés autour d’une table : assureurs, Urssaf, banques, CCI… pour accompagner les entreprises dans cette transition. « Nous, à notre niveau, on ne peut pas faire ça. Nous connaissons les aléas d’une procédure d’une durée normale. Beaucoup de commerçants auront mis la clé sous la porte avant d’en voir la fin. Voilà pourquoi il faut que Tisséo et la Métropole utilisent toutes leurs prérogatives de puissance publique. »