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Installée en Ariège, la PME Papeteries Léon Martin investit 2,5 M€ pour assurer sa pérennité

Industrie. Née en 1895 à Engomer en Ariège sur les bords du Lez, l’entreprise Papeteries Léon Martin n’a pas changé ses méthodes de fabrication. Labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV), elle a su se réinventer. Aujourd’hui elle excelle en France et à l’international sur un marché de niche, celui du papier de soie.

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Photo de l'entreprise Papeteries Léon Martin
L’entreprise Papeteries Léon Martin, fondée en 1895 à Engomer en Ariège, est labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant depuis 2016. L’entreprise a participé à l’exposition Made in France au Palais de l’Élysée en 2020. (©Papeteries Léon Martin)

La France fabrique 8 % des papiers et des cartons dans le monde. Derrière l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et la Finlande, elle arrive en cinquième position selon les chiffres de l’Union française des industries des cartons, papiers et celluloses (Copacel). Dans un contexte économique peu porteur marqué par une baisse de la consommation de 15 % en 2023, le volume de papiers et cartons produits dans l’Hexagone a baissé de 13,5% l’an dernier par rapport à 2022, soit 6,1 millions de tonnes. Le chiffre d’affaires du secteur (papier, carton et pâte marchande), qui compte 70 entreprises sur le territoire et 10500 salariés, s’est contracté de 26 % en un an pour atteindre 5,6 Mds€. Parmi ces entreprises, Papeteries Léon Martin fait figure de Petit Poucet.

Fondée en 1895 à Engomer en Ariège, l’entreprise familiale est spécialisée dans la fabrication de papier destiné à l’emballage. Elle emploie 34 salariés pour un chiffre d’affaires de 5,4 M€. Alors que les papeteries ont disparu du paysage ariégeois les unes après les autres, la PME a su se réinventer pour continuer d’exister.

La vallée de Saint-Girons où se situe l’entreprise a en effet été fortement marquée par l’histoire du papier. Elle s’était spécialisée dans les papiers fins et le papier à cigarettes. « La papeterie a connu des évolutions majeures au cours du XIXe siècle, explique Thomas Martin, qui dirige l’entreprise fondée par son arrière-grand-père. Ici, on a compté jusqu’à 10 machines à papier. Il n’en reste aujourd’hui plus que deux : nous et les ex-JOB. Mais on retrouve encore les témoignages industriels très présents en bord de rivière. »

Un savoir-faire unique

L’entreprise s’est orientée vers un marché de niche : elle fabrique des papiers de soie pour l’univers du luxe, des produits à plus forte valeur ajouté. Ces papiers très fins servent à emballer des cosmétiques, des textiles, de la maroquinerie… « Notre procédé de fabrication n’a pas changé : on met toujours la fibre en suspension dans l’eau, sans ajouter de produit chimique. C’est la fibre qui est colorée, pas l’eau », détaille Thomas Martin. L’entreprise utilise aussi bien de la pâte à papier que de la matière recyclée. « C’est cette technique qui nous a permis d’obtenir le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV). Une de nos machines, originaire de Belgique date de 1931. »

Thomas Martin est une sorte de couteau suisse dans l’entreprise : il s’occupe du développement commercial aux côtés de sa mère qui a pris en charge la partie administrative. « Nous restons des artisans, nous sommes loin des volumes produits par l’industrie papetière, s’amuse-t-il. Du reste, nous sommes les seuls en France à faire cette qualité. Nos deux concurrents sont en Chine et aux USA. » L’entreprise réalise 50 % de son activité à l’export.

La carte de l’innovation

Photo d'un employé de la PME Papeteries Léon Martin
Très engagée sur le plan environnemental, la PME de 34 salariés est certifiée ISO 50001 depuis 2018 et détient le label Imprim’Vert depuis 2010. Elle possède également la certification FSC pour tous ses papiers. (©Papeteries Léon Martin)

Outre les papiers de soie, la papeterie s’est lancée sur le marché de l’hygiène, afin de répondre aux besoins d’un client historique, la SNCF. « Nous avons créé un papier toilette fabriqué en circuit court et labellisé Parc Naturel Régional des Pyrénées ariégeoises. Il est fabriqué à partir de matière recyclée, récupérée dans les bornes d’apport du Couserans », précise-t-il.

L’entreprise fabrique aussi de la frisure pour emballer des meubles, des papiers pour l’industrie, le secteur sanitaire et médical ou encore du papier destiné aux poussins, pour favoriser leur croissance au cours des premiers jours de leur vie…

La papeterie met aussi un point d’honneur à être vertueuse sur un plan environnemental. « La papeterie reste une industrie emblématique de l’économie circulaire », assure Thomas Martin. Elle utilise des éco-matériaux, du bois certifié FSC. Elle achète son énergie verte auprès de producteurs locaux et vient de se doter d’une nouvelle turbine (soit 2,5 M€ d’investissement) qui lui va permettre d’accroître sa souveraineté énergétique.

« À l’époque on utilisait déjà la force motrice des rivières. C’était une énergie renouvelable. Nous sommes toujours sur le même modèle », poursuit le dirigeant qui a aussi fait l’acquisition d’une chaudière biomasse. « Nous investissons dans la décarbonation de la production de la vapeur : nous restituons 90 % de l’eau prélevée dans la rivière, le reste part en vapeur pour sécher le papier. » Alors qu’avec la fin du tout plastique, le papier est en passe de retrouver ses lettres de noblesse, Papeteries Léon Martin espère bien ainsi rester dans la course.