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IrriJardin face au défi du réchauffement climatique

Environnement. Cette année encore, la France fait face à une sécheresse précoce. Pointés du doigt, les professionnels du marché de la piscine refusent d’être les boucs émissaires d’un problème qui les dépasse.

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IrriJardin
IrriJardin Créé en 1989 à Portet-sur-Garonne, IrriJardin compte aujourd’hui plus de 800 salariés. Dans un contexte de sécheresse récurrent, son PDG, Yves Allibert, assure que la société s’est engagée depuis plusieurs années dans une démarche éco-responsable. (Crédit : IRRIJARDIN)

Le 23 mars dernier, le préfet d’Occitanie, également coordinateur du bassin Adour-Garonne, a tiré la sonnette d’alarme sur le niveau des ressources en eau sur le territoire avec un taux de remplissage de 46 %, contre 80 % l’an dernier à la même époque. Une sécheresse précoce, conséquence d’un hiver particulièrement sec qui a succédé à un autre hiver tout aussi avare en pluie.

Face à l’urgence de la situation, le représentant de l’État en a appelé à la responsabilité de tous : « Il est important, à l’image des économies d’énergie réalisées cet hiver, de sensibiliser non seulement les professionnels de l’agriculture, de l’industrie ou du tertiaire mais aussi tous les citoyens afin d’économiser l’eau dès à présent. »

Les pouvoirs publics ne doivent pas se tromper de combat

Et parce que la pédagogie c’est bien mais que cela ne suffit pas, des arrêtés de restrictions d’eau ont été mis en place dans plusieurs départements, dont la Haute-Garonne, le Gers, le Lot et le Lot-et-Garonne ou encore l’Ariège.

Aujourd’hui en niveau d’alerte « vigilance » ou « de niveau 1 », plusieurs de ces territoires pourraient rapidement passer en « alerte renforcée » ou même « de crise » si la situation hydrologique ne s’arrange pas dans les semaines à venir.

Avec le risque de voir se répéter le même scénario qu’à l’été 2022, à savoir l’interdiction pour les détenteurs de piscines de les remplir.

Dérisoire ou anecdotique pour certains, cette mesure soulève pourtant des interrogations notamment quant à l’avenir du marché de la piscine, dont l’impact écologique est souvent décrié.

Dans un petit village des Pyrénées-Orientales (Elnen), un maire a d’ailleurs pris un arrêté pour interdire momentanément toute nouvelle construction de piscine privée sur sa commune.

Alors, cette stigmatisation des piscines est-elle justifiée ? Ou au contraire, endossent-elles le rôle de bouc émissaire d’un problème qui les dépasse ? Dans un communiqué paru le 15 mars 2023, la Fédération des professionnels de la piscine et du spa (FPP) appelle les pouvoirs publics à ne pas se tromper de combat : « Les piscines ne doivent pas devenir le bouc émissaire d’une mauvaise gestion de l’eau en France. Même s’ils sont prêts à prendre part à l’effort nécessaire, les 60000 professionnels du secteur tiennent à rappeler que les trois millions de bassins installés en France ne représentent que 0,15% de l’utilisation de l’eau au niveau national, soit environ 40millions de m3 par an. À titre de comparaison, les fuites des réseaux français d’eau potable gaspillent chaque année plus d’1 milliard de m3 d’eau. »


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Photo d'Yves Allibert
Yves Allibert Yves Allibert (Crédit : IRRIJARDIN)

Une prise de position partagée par le PDG de la chaîne de magasins IrriJardin, Yves Allibert. L’enseigne toulousaine, créée en 1989 à Portet-sur-Garonne, est spécialisée dans la distribution d’équipements et de produits pour piscine, spa et arrosage.

Elle fait partie des 121 piscinistes que compte la Haute-Garonne. Avec un chiffre d’affaires de 132 M€ (+ 4 %) en 2022, et l’ouverture prochaine de 10 nouvelles franchises, IrriJardin est un des mastodontes du secteur.

Dans un contexte d’euphorie post canicule 2019 et de Covid-19, l’entreprise connaît depuis cinq ans une croissance record de 80% de son CA enseigne et compte désormais 800 salariés.

Si son PDG anticipe un exercice 2023 plus modéré, avec une vigilance certaine sur les conséquences du conflit en Ukraine, notamment en matière d’inflation, il ambitionne d’atteindre les 138M€ de CA.

Engagé depuis 15 ans dans une démarche éco-responsable

Mais Yves Allibert l’assure : « Cette recherche de croissance continuera de se faire dans une démarché écoresponsable. »

« Comme tout le monde, nous avons notre part de responsabilité et nous nous devons d’agir en conséquence. Voilà pourquoi nous avons engagé depuis longtemps des changements pour tendre vers plus de sobriété. »

« Ces dix dernières années, le taux d’utilisation de l’eau a baissé de 40% en moyenne. Les piscines autrefois de 3m ou plus de profondeur ont été remplacées par des piscines à fond plat. Le secteur a aussi développé du matériel plus sophistiqué et plus performant. IrriJardin est d’ailleurs à la pointe en la matière avec par exemple des équipements à installer sur les systèmes de filtration qui permettent de recycler complètement l’eau de votre piscine en circuit fermé. Il serait d’ailleurs bon de rappeler que la consommation d’eau d’une piscine de taille standard (8 x 4) c’est 15m3 en moyenne par an, contre 22m3 pour un lave-linge utilisé par une famille de quatre personnes. »

Las d’être systématiquement pointés du doigt, les fabricants et les distributeurs du secteur, à l’image d’IrriJardin, revendiquent un mode de vie tourné vers l’extérieur et plus écologique qu’il n’y paraît.

« Avoir une piscine, c’est un mode de vie qui répond aussi à une autre problématique très actuelle : la recherche de bien-être. Avoir la chance d’avoir une piscine chez soi c’est aussi la possibilité de laisser sa voiture au garage et donc de réduire son empreinte carbone. Alors oui, bien sûr, on peut toujours dire qu’avoir une piscine n’est pas essentiel mais il est important de remettre les choses en perspective : c’est 0,15% de la consommation d’eau française donc objectivement, même en interdisant le remplissage des piscines, le problème de fond serait toujours là », assure Yves Allibert.

Il prône des solutions simples comme par exemple rendre obligatoire d’ici deux à trois ans le recouvrement des piscines « pour préserver la température et diminuer de 70% l’évaporation de l’eau. Il faudra aussi privilégier l’installation de pompes de filtration plus performantes avec des vitesses basses, et des appareils basse consommation ».

Toujours dans cette optique de réduire son impact environnemental, l’enseigne toulousaine a lancé le projet « seconde vie » pour encourager ses clients à ramener leurs anciens matériels de piscine et d’arrosage « pour qu’ils soient remis en état de marche puis revendus en occasion sur notre site internet ou tout simplement recyclés ».

Fort de ses convictions, Yves Allibert en est persuadé, le marché de la piscine a encore toute sa raison d’être, même si l’heure est aux économies d’eau et d’énergie : « C’est à nous de défendre et de porter un modèle plus écoresponsable.