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Kinvent enrichit l’expérience de l’entraînement sportif

Dispositifs connectés. La start-up montpelliéraine, qui vient de signer un partenariat stratégique avec le canadien Isophit, a de grandes ambitions.

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Ancien sportif de haut niveau, Athanase Kollias s’est retrouvé chez son kinésithérapeute plus souvent qu’à son tour. Mais explique-t-il, « il me manquait alors deux choses : d’abord de voir qu’objectivement je progressais et à quel moment j’étais prêt à rentrer à nouveau sur le terrain. La seconde chose, c’était l’engagement avec mon kiné, à savoir qu’au bout de cinq séances, j’avais l’impression que les choses se répétaient et que, ce que je faisais, je pourrais aussi bien le faire seul à la maison », détaille le président fondateur de Kinvent. Et donc j’abandonnais et je rentrais chez moi faire un peu d’exercice pour essayer de me rééduquer et reprendre le sport. » Un comportement également frustrant pour le professionnel de santé : « tous ceux que j’ai rencontrés sont passionnés par leur métier. Ils veulent eux aussi que leur patient soit engagé, parce que l’engagement, c’est la moitié du travail de rééducation, poursuit le trentenaire. C’est comme cela que l’idée est née de créer Kinvent. D’autant qu’en parallèle, depuis l’âge de deux ans, je joue avec les tournevis de mon père dans son laboratoire de biomécanique. Cela m’a permis de me rendre compte qu’il existe des outils biomécaniques très intéressants à mettre en place pour l’évaluation des capacités fonctionnelles d’une personne : force, mouvement, équilibre ».

Sept produits connectés composent aujourd’hui la gamme de Kinvent. DR

Motivation et engagement

En 2017, avec des amis aux profils différents, il se lance et se met à développer une solution qui, détaille-t-il, « permet aux professionnels de la rééducation et du sport, de suivre de manière efficace et objective, le progrès du patient tout en assurant sa motivation et son engagement. » Depuis, le dispositif, qui combine « facilité d’utilisation, données objectives et fiables, motivation du patient qui passe par des données de progression qu’il peut facilement comprendre et par le jeu », fait un carton.

« Nous sommes sur un rythme de croissance de 20 % par mois

détaille le président de Kinvent. Les professionnels de santé sont vraiment séduits par notre outil. »
La solution développée par Kinvent est composée d’une application et d’objets connectés. Il en existe sept aujourd’hui qui mesurent chacun une aptitude différente : des dynamomètres, des goniomètres et des plateformes de force. L’application agrège toutes ses données et permet d’éditer des bilans. « Notre promesse est la suivante : avec notre outil, le kinésithérapeute peut, en moins d’une minute, faire un bilan sur la base de données objectives. Ensuite plus de 90 % des patients veulent revenir et montrer à leur kinésithérapeute qu’ils se sont améliorés », ajoute Athanase Kollias.

Athanase Kollias, fondateur de Kinvent. DR

La solution est destinée aux professionnels de la santé : kinésithérapeutes, médecins du sport, médecins rééducateurs, chirurgiens orthopédistes, mais aussi aux professionnels du sport : spécialistes de l’activité physique adaptée et préparateurs physiques.

« Nous allons également nous intéresser au fitness, ajoute le dirigeant de Kinvent, car dans ce domaine aussi, l’important c’est l’observance de l’athlète, son engagement vis-à-vis de son programme d’entraînement ainsi que la preuve des résultats. Cela fait dix ans que nous avons des montres qui mesurent notre fréquence cardiaque ou des smartphones qui comptabilisent le nombre de pas que nous parcourons par jour. Nous avons décidé chez Kinvent qu’il fallait également que nous puissions disposer de données objectives qui nous montrent qu’on progresse en fonction de métriques clés. »

La jeune start-up qui évolue aujourd’hui sur le marché européen, réalise 25 % de son chiffre d’affaires dans l’Hexagone. Un marché « très important, reconnaît Athanase Kollias, car la France est un pays très sportif, qui plus est doté d’un système de santé très performant. » La pépite a, du reste, réussi à pénétrer le cercle un peu fermé du sport de haut niveau, puisqu’elle travaille déjà avec des clubs de Ligue 1, du Top 14 et certaines fédérations nationales, « ce qui est très bien pour notre image, ajoute Athanase Kollias. Notre porte d’entrée dans ce domaine, c’est le suivi des joueurs blessés. L’important, là, c’est le timing de rentrée sur le terrain. Il existe des métriques standards qui permettent de savoir si c’est ou non le bon moment. Cependant, notre solution permet d’aller plus loin, notamment vers la prévention, avec des tests pratiqués sur toute l’équipe avant, puis tout au long de la saison pour identifier des signes avant-coureurs de blessures ou la présence de blessures qui n’ont pas été déclarées. L’étape suivante, c’est la mesure de la performance : notre solution fournit les métriques qui vont permettre au préparateur physique de voir si son programme améliore la performance, tout en créant l’émulation au sein de
l’équipe. »

Un bureau commercial à New York

La PME héraultaise, qui emploie 20 personnes, table pour cette année sur un chiffre d’affaires de 3,5 M€ contre un peu plus d’1 M€ l’an dernier. Un développement financé pendant deux ans sur fonds propres avant une levée de fonds d’1 M€ en 2019. « Cela nous a permis de nous structurer, notamment sur le plan commercial, pointe Athanase Kollias. Sachant que désormais – c’est une grande satisfaction – notre croissance est organique : notre développement étant autofinancé, cela nous permet d’aller plus vite et d’accéder à d’autres marchés. »

Parmi ses principaux axes de développement, la start-up mise beaucoup sur l’international, avec l’ouverture de bureaux commerciaux prévue d’ici 2022 en Asie et en Amérique du Sud.

Mais dès cette année, un premier doit ouvrir à New York, aux États-Unis, qui constituent, avec le Canada tout proche, « un très grand marché, notamment en termes
d’image ». Depuis quelques mois, la PME a commencé à défricher le terrain avec des apporteurs d’affaires installés sur place. « Nous avons déjà équipé des cabinets de kiné mais aussi des équipes de la NFL, de baseball et de hockey », confirme Athanase Kollias.

De la rééducation au sportif lambda

L’autre axe de développement vers lequel se tourne la PME montpelliéraine est « l’activité physique pour tous ». C’est dans ce cadre, qu’elle vient de signer avec Isophit, une société canadienne qui développe des équipements d’exercice isométrique, un partenariat stratégi­-que. Basée à Toronto, l’entreprise « est très axée sur le fitness, un marché que nous voulons justement attaquer tandis que, de son côté, Isophit a besoin de nous pour l’aspect évaluation objective. Le partenariat porte donc sur la mise en valeur de la mesure ». Le marché visé à travers ce partenariat est celui, plus large, du coaching sportif, car, assure Athanase Kollias, « la mesure de la performance n’intéresse pas que les sportifs de haut niveau ».
Aujourd’hui focalisée sur la rééducation – « et dans ce domaine, il y a encore beaucoup à faire » –, l’entreprise souhaite dans les quatre prochaines années se développer sur le marché du grand public – « pas seulement la personne qui court régulièrement mais aussi le retraité qui a besoin de bouger, de faire des exercices à la maison » –, cependant, ajoute-t-il « toujours en lien avec un professionnel, un coach, un kinésithérapeute ou un enseignant en activité physique adaptée ».
La start-up vise une croissance de 300 à 500 % par an avec des effectifs qui vont également croître. « D’ici 2022, nous devrions compter 60 à 70 personnes », précise Athanase Kollias. La PME recrute développeurs, ingénieurs data, scientifiques de la biomécanique et commerciaux.
Ingénieur en génie mécanique diplômé de l’université de Thessalonique et de Centrale Supélec, Athanase Kollias a
d’abord été accompagné par Incuballiance, l’incubateur technologique mutualisé du cluster Paris-Saclay, avant de s’installer à Montpellier, qui dispose explique-t-il « d’une communauté de praticiens de santé, de professionnels du sport très dense et très accessible. Un écosystème parfait pour développer l’entreprise. » Désormais accompagnée par le BIC (business innovation center) de Montpellier, « qui nous aide beaucoup à suivre cette ca­dence d’accélération », précise-t-il, l’entreprise a noué plusieurs collaborations scientifiques avec l’université de Montpellier et les hôpitaux, tant sur le volet rééducation que traumatologie. « Nous sommes vraiment très contents d’être là, la ville nous a beaucoup aidés à avancer », s’enthousiasme-t-il.

La Covid-19, une opportunité

Si la Covid-19 n’a pas ralenti la croissance de Kinvent, « elle a en revanche modifié notre vision du marché. Lors du premier confinement, les cabinets de kinésithérapeutes étaient fermés. Nos revendeurs ont aussi baissé le rideau. Les hôpitaux, eux, étaient plein de patients atteints de la Covid-19 et enfin la chaîne logistique était à l’arrêt. Eh bien, dans toutes ces contraintes, nous avons vu des opportunités. Nous avons organisé des webinaires avec les kinés qui souhaitaient partager leurs connaissances. Cela nous a permis de gagner en crédibilité et beaucoup de nouveaux prospects. Ensuite, les revendeurs étant fermés, nous avons fait un gros travail pour développer la vente en ligne qui porte encore ses fruits. Dans les hôpitaux, nous avons pu effectuer des tests puisque beaucoup d’études sont sorties à propos des séquelles de la Covid-19 sur le plan des aptitudes fonctionnelles. Il faut savoir qu’au bout de 10 jours de réanimation, on peut perdre jusqu’à 10 kg de masse musculaire, ce qui in­fluence toute la vie des patients après la maladie. C’est donc très important de savoir où il en est sur ce plan-là dans la perspective de reprendre sa vie d’avant. Au-delà de la fonte musculaire, il y a aussi des séquelles neurologiques, no­tamment une fatigue chronique, qui se traduit, dans nos évaluations, par une perte de la force de préhension ou des pertes d’équilibre que l’on peut suivre, jusqu’à plusieurs mois après. Enfin, nous avons travaillé sur la mise en place de nouveaux processus d’approvisionnement et de fabrication, ce qui nous a permis d’obtenir à la fin de l’année 2020 la norme Iso 9001. La crise a certes changé notre façon de voir les choses, mais elle nous a bousculés de manière très efficiente ! », conclut Athanase Kollias.