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Pionnière dans la valorisation de la laine de mouton, Fertilaine récompensée pour son engrais innovant

Agriculture. Alors que la filière laine française cherche à se restructurer, l’aveyronnais Fertilaine se pose comme un modèle à suivre en terme de valorisation locale avec son engrais universel à base de laine de mouton. Vendu en ligne et via un réseau de plus de 80 jardineries et magasins spécialisés, ce fertilisant innovant se veut une alternative écologique et efficace aux engrais chimiques traditionnels. En plein développement, l’entreprise vise les 100 000 € de CA en 2025.

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Fertilaine est une entreprise familiale née au centre du département de l’Aveyron, sur le plateau du Lévezou, à l’initiative de Pierre-Marin et Vincent Fabry, producteurs de yaourts au lait de brebis et représentant la 6e génération d’agriculteurs de la famille. (©Fertilaine)

Il y a un peu plus de huit mois, à la demande du gouvernement, le Collectif Tricolore, qui rassemble éleveurs ovins, artisans, transformateurs industriels, acteurs de la création et de la distribution, a publié une feuille de route pour « relancer et structurer » la filière laine en France.

Un plan d’actions très attendu par le secteur et pour cause, malgré le fait d’être un matériau biosourcé, recyclable et biodégradable, la laine ne fait plus recette. Victime collatérale d’un appareil industriel en déclin et de la forte concurrence sur le marché du textile qui lui préfère les fibres synthétiques souvent moins chères à produire, la filière a aussi été durablement impactée par la pandémie de Covid-19, privée d’exportation vers la Chine.

Une filière de valorisation à repenser à l’échelle nationale et locale

Conséquence, alors que la tonte des moutons est obligatoire à minima une fois par an pour leur bien-être pour un coût de 1,50 € par brebis, les stocks de laine s’accumulent chez les éleveurs qui ont, depuis 2019 et une directive européenne, interdiction de l’apporter en déchetterie, de la brûler et même de l’enterrer. Si tous les acteurs du secteur s’accordent sur la nécessité de trouver de nouveaux débouchés pour relancer la machine, le défi est immense.

En effet, alors que le cheptel ovin français est estimé à 5,4 millions de bêtes pour 10 100 tonnes de toisons produites chaque année, seuls 4 % de cette production sont valorisés selon le collectif qui veut passer la barre des « 50 % d’ici 2030 » et atteindre les « 100 % en 2040 », soit « 8,3 M€ de revenus espérés pour les éleveurs ».

Outre une relance industrielle indispensable avec des champs d’application multiples dans les domaines de l’isolation thermique et phonique des bâtiments ou encore du textile avec la fabrication de vêtements, de matelas, de coussins..., des voies de valorisation locale sont aussi encouragées. Basées sur des modèles de circuit court, certaines de ces initiatives ont d’ailleurs déjà fait leurs preuves.

C’est le cas de l’entreprise Fertilaine qui vient d’être doublement récompensée pour son engrais universel à base de laine de mouton lors de la 6e édition des Prix « Innover à la campagne ». Un évènement d’envergure nationale organisé par l’association gardoise le Tiers-Lieu 21, avec le soutien de la Fédération des parcs naturels régionaux, de l’Association des maires ruraux de France et du réseau Initiative France.

En compétition avec 120 autres entreprises candidates, Fertilaine a été sacrée dans les catégories « Grand Prix du jury » et « Prix spécial AMRF transition alimentaire & agriculture durable ». Une belle reconnaissance pour ses co-cofondateurs Pierre-Marin et Vincent Fabry, producteurs de yaourts au lait de brebis certifiés bio sur le plateau du Lévézou, en Aveyron (12).

« En tant que sixième génération d’agriculteurs et éleveurs de brebis, il nous tenait à cœur de valoriser au maximum notre exploitation et celles de notre région, en évitant le gaspillage, expliquent dans un communiqué daté du 6 décembre 2024 les deux frères qui ont lancé le projet Fertilaine en 2018. À partir d’une idée de nos parents, nous avons essayé de rendre utile une matière première destinée à être jetée, et nous sommes ravis du succès que rencontre notre produit. »

200 points de vente en 2025 ?

L’engrais Fertilaine à base de laine de mouton permet aux particuliers de réduire leur consommation en eau de 25 à 30 %. (©Fertilaine)

Le produit en question, un engrais naturel 100 % à base de laine de mouton récoltée à 20 km maximum autour de l’exploitation et vendu en sachet de 250 g, 500 g et 1 kg pour les particuliers. Efficace pour toutes les plantes d’intérieur et jardins, ce fertilisant innovant permet selon les deux frères-entrepreneurs de réduire drastiquement la consommation d’eau. Véritable éponge, « la laine absorbe et retient trois fois son poids en eau, ce qui permet une réduction de 25 à 30 % de l’arrosage ».

Pensée comme une alternative écologique et efficace aux engrais chimiques traditionnels, Fertilaine a permis l’an dernier la valorisation de près de 40 tonnes de laine de mouton. « De quoi dégager une source de revenus supplémentaire pour les éleveurs de moutons dans le bassin du Lévézou », se réjouissent Pierre-Marin et Vincent Fabry qui emploient - directement et indirectement - près de 20 personnes, en milieu rural et dans des structures adaptées (ESAT).

Grâce à son site de vente en ligne et un réseau de plus de 80 jardineries et magasins spécialisés, essentiellement dans le grand sud, l’entreprise aveyronnaise compte des clients partout en France, ainsi qu’en Europe. Objectif pour 2025 : atteindre les 200 points de vente et se rapprocher des 100 000 € de chiffre d’affaires (vs 50 000€ cette année). À moyen terme, Fertilaine ambitionne aussi de développer de nouveaux produits, avec des déclinaisons d’engrais spécifiques (agrumes, fruitiers…) et de s’implanter sur de nouveaux marchés : professionnels du jardin (pépinières, horticultures…), collectivités, agriculteurs, etc.

Pour y parvenir, les frères Fabry le savent, « nous devrons passer par des levées de fonds pour développer notre outil industriel local et notre production ».