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La production de neige de culture optimisée grâce à la start-up toulousaine Elda Technology

Innovation. Julie Aubert, Charlotte Brenac et Nicolas Guibal sont les cofondateurs d’Elda Technology, une start-up toulousaine plusieurs fois primée. Elle développe une plateforme qui permet de mesurer très précisément les hauteurs de neige des domaines skiables.

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Julie Aubert, Nicolas Guibal et Charlotte Brenac, les cofondateurs d’Elda Technology (©Elda Technology).

Aux premières loges face aux effets du changement climatique, les stations de montagne ont entrepris depuis plusieurs années d’adapter leur modèle économique et de réduire leur impact environnemental en agissant sur plusieurs leviers : une moindre consommation énergétique, le recours à une énergie décarbonée, la collecte des déchets ou encore une gestion plus économe de la ressource en eau, notamment pour la production de neige de culture. Certaines comme Serre Chevalier ont fait le pari de miser sur l’innovation.

La station des Hautes-Alpes a signé un partenariat avec la start-up toulousaine, Elda Technology, fondée en janvier 2023 par Julie Aubert, Charlotte Brenac et Nicolas Guibal. Elle développe avec son appui, une plateforme de cartographie de l’épaisseur du manteau neigeux en vue d’optimiser la production de neige de culture, permettant ainsi aux exploitants de domaines skiables de réaliser des économies d’eau et d’énergie. « Pour pallier le manque de neige naturelle, les stations sont amenées à produire de la neige de culture. L’enjeu est de ne pas en produire trop », résume Julie Aubert.

Diplômée de l’EIGSI, une école d’ingénieurs généralistes basée à La Rochelle, la jeune femme a rencontré il y a deux ans Charlotte Brenac, ingénieur Insa, et Nicolas Guibal, ingénieur diplômé de l’université de technologie de Troyes, en master spécialisé en entrepreneuriat à l’Isae-Supaéro à Toulouse. Dans le cadre de ce cursus, les trois étudiants ont combiné leur passion pour la montagne, les drones et les projets à impact pour se lancer dans ce projet de recherche. À l’issue de leurs études, après avoir longuement prospecté auprès des directeurs de station pour s’assurer que leur solution répondait à un véritable besoin, ils ont créé l’entreprise Elda Technology. Sa promesse : « réduire de 20% l’impact environnemental des domaines skiables et leur consommation en eau et en électricité, en prédisant la quantité optimale à produire sur les pistes. »

Comment ça marche ?

Démonstration de la plateforme d'Elda Technology
La plateforme permet de mesurer très précisément les hauteurs de neige des domaines skiables (©Elda Technology).

Les trois ingénieurs ont développé une plateforme web de traitement de la donnée LiDAR, comme l’explique Julie Aubert :

Nous utilisons une technologie qui existe déjà sur le marché, à savoir un drone qui embarque un capteur LiDAR. Ce dernier envoie des impulsions lumineuses sur le sol, permettant ainsi de récupérer les hauteurs de neige. Une fois que le drone a scanné le manteau neigeux, nous récupérons ces données et les traitons de façon automatisée en seulement quelques minutes. C’est là que réside notre forte valeur ajoutée : aujourd’hui ces traitements prennent des mois. Nous, nous fournissons au client en quelques minutes un résultat cartographique 3D de l’ensemble des hauteurs de neige sur l’intégralité de la station. »

Le modèle économique retenu par la start-up est la vente d’abonnements pour l’usage de la plateforme. « Soit nos clients s’équipent de drones équipés de LiDAR et disposent d’un télépilote qui effectue les scans. Dans ce cas, ils s’abonnent à notre plate-forme pour avoir accès à toutes les données générées par le scan. Soit ils ne souhaitent pas s’équiper. Dans ce cas, nous faisons appel à des prestataires pour réaliser les relevés, puis nous fournissons le résultat des relevés. Cela peut être une solution pour les stations qui ont moins de moyens mais souhaitent connaître l’évolution de leur manteau neigeux quatre à cinq fois dans la saison. »

La station de Serre Chevalier avec qui Elda Technology a signé depuis plus d’un an un partenariat de co-développement, quant à elle, « se sert de notre outil pour optimiser la production de neige au quotidien. »

Une mine d’informations pour les stations

Les données fournies, précises à 5 cm près, représentent une mine d’informations très utile pour les stations. Car outre l’optimisation de la production de neige de culture, la plateforme développée par Elda Technology constitue également « un outil d’aide à la décision sur le plan de la sécurité, ajoute Julie Aubert. Elle permet en effet de sécuriser les zones dangereuses, celles notamment qui présentent de forts risques d’avalanche, de décider un déclenchement artificiel d’avalanche ».

Autre application possible : « notre outil peut aider indirectement les stations à déterminer les endroits les plus opportuns pour installer des enneigeurs, voire des remontées mécaniques. D’autant que la plateforme peut également être utilisée l’été, pour suivre les travaux de terrassement que mènent beaucoup de stations durant cette saison. Il peut également permettre d’évaluer le volume d’eau nécessaire pour avoir une hauteur de neige efficace tout au long de la saison. »

Face au dérèglement climatique, Julie Aubert le reconnaît : « notre plateforme ne fera pas tout, mais elle participera à la pérennisation des activités de sports d’hiver. C’est en effet en optimisant tout ce qu’il est possible, là en l’occurrence la ressource en eau, que l’on pourra maintenir l’activité ou a contrario démontrer aux exploitants que pour telle piste, la quantité de neige à produire et donc les consommations d’eau sont telles qu’il est plus pertinent de la fermer et de se concentrer sur d’autres pistes plus écologiques au final ». La solution est testée actuellement par la station des Hautes-Alpes et très bientôt également par celle du Grand Bornand, en Haute-Savoie. « Cela va nous permettre de finaliser le développement technique, d’ajuster et d’ajouter de nouvelles fonctionnalités pour pouvoir débuter la commercialisation de notre plateforme fin 2024. » La start-up toulousaine travaille également avec la station de Piau Engaly dans les Hautes-Pyrénées, sur des relevés ponctuels. « Nous avons reçu par ailleurs de nombreuses lettres d’intention, c’est donc très encourageant », s’enthousiasme Julie Aubert.

Une start-up plusieurs fois récompensée

Lauréate du challenge Young de Business O Féminin, de la Bourse jeunes pousses Isae-Supaéro, du prix Pépite Occitanie, du prix Pitch Your Project EUSALP, finaliste du Next Startupper Challenge de Vivatech et du trophée Pyreneo porté par la Compagnie des Pyrénées avec qui elle entretient d’étroites relations, l’entreprise vise désormais, après la Bourse French Tech Tremplin dont elle était lauréate l’an dernier, la bourse French Tech Emergence de Bpifrance.

Hébergée au sein de l’incubateur de l’Isae-Supaéro, elle est par ailleurs soutenue par l’accélérateur Incoplex à Toulouse qui accompagne les entrepreneurs à fort impact social et environnemental. Elle est également accompagnée depuis plus d’un an par le réseau Lanceur d’étoiles initié entre autres par l’école d’ingénieurs aéronautique, l’Enac, l’Université de Toulouse,Toulouse Tech Transfer et Nubbo. « Nous nous sommes entourés de très nombreux experts qui nous ont conseillés sur de nombreux points. Nous n’en serions pas là si nous ne les avions pas eus à nos côtés », reconnaît la jeune femme. 

Depuis décembre, la pépite a rejoint le réseau Entreprendre Occitanie Garonne, pour suivre le parcours d’accompagnement Start Innov. Elle espère aussi bénéficier de prêts d’honneur. « Le réseau va nous aider sur la partie commerciale, la refonte de notre modèle économique et sur la structuration de la société de manière générale », détaille la jeune ingénieure. Grâce à ces divers coups de pouce financiers, les cofondateurs projettent d’étoffer l’équipe avec le recrutement de stagiaires en développement full stack et en intelligence artificielle notamment.

L’une de nos prochaines étapes est de développer un nouvel outil dédié à la prédiction de la fonte des neiges en collaboration avec des chercheurs de l’Isae-Supaéro et la station de Serre Chevalier, l’idée étant d’ajouter cette nouvelle fonctionnalité à notre plateforme. »

Un autre de ses objectifs est d’aller très rapidement sur les marchés internationaux. En février prochain, la start-up présentera ses solutions lors du forum Ocova, aux Orres (Hautes-Alpes), un événement qui réunit depuis 20 ans les acteurs de l’innovation dans les technologies avancées du numérique et de la communication au service du développement territorial. Elle espère bien y rencontrer les responsables de Verbier, une station du Valais suisse. « Elle pourrait être un premier point d’entrée pour atteindre les stations helvétiques. »

La pépite vise à la fin 2024 un effectif d’une quinzaine de personnes pour un chiffre d’affaires de 154 K€. Une levée de fonds qu’elle espère réaliser à la fin de cette année devrait permettre à la start-up de poursuivre ses recrutements et ses projets de R&D en vue d’atteindre 818 K€ de CA fin 2025.