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La start-up Menaps engagée aux côtés des pompiers de l’Aude dans la lutte contre le feu

Technologie. La PME toulousaine planche sur un projet de drone intelligent pour détecter très en amont les incendies.

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Photo d'un feu de forêt
C’est près de Lézignan que sera testé l’application développée par Menaps pour détecter les feux de forêt. (Crédit : DR)

Sous l’effet de la canicule et de la sécheresse, les incendies font depuis quelques jours, à nouveau la une des quotidiens et des journaux télévisés, un peu partout en Europe. Après une année 2022 catastrophique, au cours de laquelle 785 000 ha de forêts sont partis en fumée, un record en Europe, l’été 2023 n’augure rien de bon. D’où le sentiment d’urgence qui anime Hamdi Chaker.

Il est le cofondateur de Menaps, une société de conseil en transformation digitale basée à Toulouse (lire notre édition du 16 janvier 2023). Ses équipes travaillent depuis un an et demi aux côtés des pompiers de l’Aude sur la conception d’un drone intelligent. Son objectif : détecter le plus tôt possible les feux de forêt pour permettre aux services de lutte contre les incendies d’intervenir très rapidement avant que le feu ne se propage.

Hamdi Chaker a été sollicité il y a deux ans par les auteurs d’un rapport sur l’impact de l’IA sur le métier de sapeurpompier. Docteur en informatique, spécialisé dans les Datas et l’IA, le dirigeant de Menaps a formulé quelques recommandations et préconisé notamment l’usage de drones pour détecter les feux de forêt. C’est à la suite de la publication de ce rapport qu’il a été contacté par le lieutenantcolonel de sapeurs-pompiers Christian Belondrade, du SDIS de l’Aude.

« Il m’avait expliqué, qu’avec le changement climatique, les outils classiques sont parfois dépassés : les modèles mathématiques de la propagation des feux utilisés depuis des années ne fonctionnent plus. Il m’a alors demandé si l’usage d’un drone intelligent pouvait être rapidement la réponse à leurs besoins, à savoir détecter très vite un feu de forêt ou surveiller des zones à risque 24 heures sur 24 ? Je lui ai répondu que l’IA pouvait être une solution, mais que nous avions besoin des acteurs de métier, des sapeurs-pompiers eux-mêmes, pour co-construire cette solution. C’est notre façon de travailler. De la même manière que ce projet mobilise nos experts là où ils se trouvent. Ainsi, une partie de l’équipe de Menaps située à Toulouse travaille sur le terrain avec les sapeurs-pompiers de l’Aude depuis 18 mois mais aussi une partie de celles de Paris, de Tunisie et du Maroc. »

Pour apprendre à l’IA à reconnaître les feux de forêt dès leur naissance, l’entreprise a utilisé des vidéos et images collectées par les pompiers eux-mêmes à l’occasion de d’entraînements. « Cette collaboration avec le SDIS 11 nous permet d’avoir une énorme avance par rapport à la concurrence, y compris à l’échelle internationale car des coopérations entre services de secours et sociétés de haute technologie sont très rares », confirme Hamdi Chaker.

Missions de surveillance

Le drone intelligent permettra de détecter très tôt les feux mais pas seulement. « Si l’on conjugue les données d’imagerie fournies par le drone aux autres informations collectées, telles que la température, l’ensoleillement, l’humidité, etc., on pourra prédire la survenance des départs de feu. » De la discussion avec les professionnels, un autre cas d’usage a émergé : la surveillance de la reprise du feu, y compris sous la surface, dans les zones où un sinistre a déjà eu lieu. Elle nécessite aujourd’hui la mobilisation de nombreux personnels qui pourraient être déployés ailleurs.

Dans ce cas de figure également, l’utilisation de flottes de drones intelligents et autonomes pourrait être d’un grand secours. Les tests en environnements réels de cette nouvelle application développée par Menaps commencent cette semaine aux alentours de Lézignan jusqu’au 10 septembre. « L’ambition est de surveiller une zone limitée, 700 ha en 30 secondes chacun, l’objectif étant d’ajuster notre dispositif et de préciser quelles spécifications devront comporter ces drones pour mener ces missions : l’autonomie, la résistance aux vents, l’autorecharge. »

La société toulousaine, qui discute aujourd’hui avec plusieurs fabricants français et européens de drones, planche d’ailleurs sur un module de recharge universel qui permettra de ne pas dépendre d’une seule marque. Hamdi Chaker espère débuter la phase d’industrialisation de sa solution logicielle d’ici à la fin de l’année. L’étape d’après, ajoute-t-il, est de « faire en sorte que les drones se synchronisent entre eux de façon autonome, pour optimiser la surveillance et faire en sorte, lorsqu’un événement a été détecté par l’un d’eux, que les autres effectuent une vérification et confirment sa position GPS. Nous imaginons ainsi des flottes de drones installées dans les zones à risque qui travaillent en toute autonomie. »

Des développements nouveaux qui nécessitent des moyens importants, sachant que Menaps a financé ces premiers travaux de R & D sur fonds propres. « Nous sommes en train de créer une start-up, dénommée Fire Eagle, et projetons de lever des fonds – de l’ordre de plusieurs millions d’euros – pour accélérer cette phase d’industrialisation. Nous sommes en effet de plus en plus sollicités par des services de secours un peu partout dans le monde pour la détection des feux de forêt mais également par d’autres acteurs pour différents cas d’usage, tels que le sauvetage en mer, la lutte contre le trafic de stupéfiants, la surveillance de pipelines pétroliers, etc. » Autant de développements possibles pour la solution développée par Menaps : « On peut faire apprendre à l’IA ce que l’on veut », conclut Hamdi Chaker.