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Lauréate France 2030, la deeptech toulousaine Norimat booste sa production industrielle

Industrie. Fondée en 2016, l’entreprise Norimat fabrique des matériaux possédant de hautes performances grâce au procédé de frittage SPS (Spark Plasma Sintering) pour les secteurs du luxe, de l’aéronautique, du spatial ou encore de la défense. Grâce à une nouvelle levée de fonds bouclée fin 2024 et le soutien de l’État dans le cadre du plan France 2030, le Toulousain vient d’investir 10 M€ dans sa première usine et deux lignes de production.

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Yannick Beynet, directeur technique et Romain Epherre, président de Norimat devant un des fours qui permet de fabriquer des matériaux à très haute densité, sans porosité. (©Norimat)

Spark Plasma Sintering (fast/SPS). Ce terme ne vous dit peut-être rien et pourtant il cache une technologie disruptive aujourd’hui en plein développement. Apparue dans les années 90 au Japon, elle permet via l’application d’un courant de très forte intensité sur un temps très bref de produire des matériaux (métaux, céramiques, polymères) de très haute performance par densification de poudres. Autre avantage et pas des moindres, cette solution permet de réduire drastiquement les délais de fabrication.

En France, parmi les rares entreprises à maîtriser ce procédé de frittage SPS, il y a Sintermat, en Côte-d’Or, et Norimat installée à Toulouse. Mais contrairement à son concurrent, la deeptech toulousaine, fondée en 2016 après 15 ans de recherche et développement, est capable aujourd’hui de concevoir des pièces 3D pour des industriels.

Alors que le champ d’application de ce procédé innovant est quasi illimité, le président de Norimat Romain Epherre et son équipe d’une vingtaine de salariés (docteurs en modélisation et numérique, docteurs et ingénieurs en matériaux, ingénieurs commerciaux…) ont ciblé les secteurs « sur lesquels nous allons avoir le plus de valeur ajoutée », précise l’intéressé qui a co-fondé l’entreprise avec Yannick Beynet, aujourd’hui directeur général et technique.

Son atout : une avance technologique

« Nous avons par exemple développé des céramiques colorées qui servent à la fabrication de pièces d’habillage de montres et de bijoux. Pour l’aérospatial, nous fabriquons des pièces que l’on retrouve dans les zones les plus sollicitées en température, le plus souvent des environnements moteurs (engins de propulsion, boucliers thermiques, etc.) et dans les zones proches de la partie combustible pour le secteur de l’énergie », détaille Romain Epherre qui a travaillé pendant trois ans dans l’équipe de Claude Estournès, directeur de recherche CNRS au Cirimat, le Centre interuniversitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux.

Soutenu depuis ses débuts par la Région et Bpifrance, le Toulousain propose également la valorisation de matériaux naturels ou de déchets industriels pour en faire des pièces à forte valeur ajoutée. « La technologie de frittage FAST/SPS offre une nouvelle voie de recyclage, permettant à de nouvelles catégories de déchets d’avoir une seconde vie. Elle permet donc de répondre aux enjeux et défis environnementaux auxquels nous faisons face. » Leurs clients ? De grandes maisons d’horlogerie, de joaillerie et de maroquinerie de luxe, des industriels et de grands donneurs d’ordre de l’aéronautique, pour lesquels elle assure le suivi de projet de A à Z, de la création à la production en série de pièces : R&D, impression, digitalisation…

« Notre marché n’est pas encore à maturité en termes de concurrence mais aussi en termes de connaissance de la technologie qui est certes ancienne mais peu utilisée. Notre marge de manœuvre est donc énorme, ce qui est très réjouissant surtout que la demande est déjà là. Sur les six derniers mois, nous avons multiplié le nombre de nos rendez-vous commerciaux par 700 », indique Fabio Comere, le directeur marketing et commercial de la pépite toulousaine. Grâce à ses sept brevets, à son savoir-faire unique ainsi qu’à deux levées de fonds en 2019 de 2,5 M€ et une autre clôturée fin 2024 – dont le montant reste pour l’heure confidentiel – l’ancienne spin-off du CNRS a réussi son passage du laboratoire à la production industrielle.

De 20 aujourd’hui à 40 salariés d’ici 2027

Pour preuve, elle est en train de finaliser l’internalisation de sa production. Hébergée depuis 2017 dans les locaux du CEA Tech Occitanie, à Labège – où elle conserve toujours une machine – la deeptech vient en effet d’investir près de 10 M€ dans une première usine située à Sesquières et deux lignes de production pour accompagner la montée en capacité. Un projet d’envergure pour lequel elle a reçu le soutien financier de l’État (2 M€) dans le cadre de l’appel à projets "première usine" du plan France 2030. [1]

« La première ligne, opérationnelle depuis le deuxième semestre 2024, est destinée aux pièces pour le luxe. La seconde, dont l’ouverture est prévue en 2026, est dédiée à la production de pièces en 3D pour les secteurs de l’aérospatial et de la défense. Ces matériaux sont aujourd’hui très demandés mais toujours aussi difficiles à produire », précise Romain Epherre. Pour accompagner cette montée en puissance, répondre aux besoins croissants de ses clients et adresser de nouveaux marchés, le PDG de Norimat annonce vouloir doubler ses effectifs et ce, « sur des profils variés : techniciens, opérateurs, fonctions supports (qualité, administratifs, etc.), commerciaux… ».

[1Lancé en 2022 dans le cadre de France 2030, ce dispositif, piloté par la Direction générale des entreprises (DGE) avec le Secrétariat général pour l’investissement et opéré pour le compte de l’État par Bpifrance, est destiné aux start-up et aux PME innovantes à vocation industrielle. Au total, le dispositif a déjà soutenu 78 projets à hauteur de 336 M€ représentant un montant total d’investissement productif de près de 4 Mds€. Parmi les 377 ouvertures d’usines (dont extensions) en 2023, 10 étaient lauréates « Première Usine ».