Le Domaine aux Morilles : l’art de travailler le champignon
Agriculture. Béatrice et Frédéric Ducasse, installés à Bourg-de-Visa, sont bien plus que des producteurs de champignons. Ils ont choisi de faire pousser la morille, une culture qui nécessite beaucoup d’attention et un haut niveau de technicité.
Frédéric Ducasse veille sur ses petits trésors, il faut dire que la morille a quelque chose de mystérieux : « elle doit garder ses secrets », s’amuse le professionnel. N’est pas producteur de morilles qui veut, vous dira le myciculteur, avec malice. Il faut se faire référencer auprès du label France Morilles, garant de la qualité 100 % française afin d’obtenir une licence. Mais pourquoi la morille ? « Avec mon épouse, nous avons décidé de nous lancer dans le champignon parce que je suis un homme de la terre, je voulais y revenir », sourit Frédéric Ducasse. En explorant les bois aux alentours, ce grand marcheur est tombé nez à nez sur des morilles.
« Quand on voit comment les chefs subliment mes champignons, ça me fait quelque chose »
« On peut parler de véritable coup de chance, la morille est plutôt rare dans le secteur. L’idée est née ainsi, j’ai eu envie d’en cultiver ». De fil en aiguille, l’homme se rapproche de France Morilles, ratisse les bois et découvre différentes variétés de morilles et les envoie à l’Inrae à Bordeaux. L’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement a travaillé sur les souches en les adaptant au terroir local. En février 2020, Béatrice et Frédéric Ducasse lancent leur exploitation et mettent en terre leurs premières semences. Le myciculteur a suivi des formations pendant trois ans pour (entre autres) apprendre à connaître et analyser la terre. La morille s’épanouit en effet dans un sol argileux. La culture se fait sous serre, sur 1200 mètres carrés.
Un champignon exigeant et délicat
Le producteur a installé des filets d’ombrage pour les jeunes pousses, contrôle l’humidité ambiante, innove grâce à un système d’aération de la serre, enrichit sa terre en phosphore avec de l’écorce de hêtre, ajoute des brûlis : « C’est une étape très importante pour maintenir les micro-organismes dans le sol, ça amène du suc aux morilles. » Coût de l’investissement 70.000 € auxquels il faut ajouter des équipements électroniques pour contrôler l’humidité et un système de sécurité pour protéger les précieux champignons. Tous les jours, Frédéric relève la température à 10 cm du sol : un véritable travail d’agronome.
La morille est un champignon exigeant et délicat, son rendement faible : environ 200 g au mètre carré. La morille fraîche se vend en moyenne 100 € le kilo et 900 € en version déshydratée. « Il faut en moyenne un kilo de morilles pour obtenir 100 g de champignons secs », ajoute Frédéric Ducasse. Les clients, de fins gourmets, des chefs de renom comme Michel Sarran, ont déjà repéré et partagé la bonne adresse. Il faut dire que Béatrice Ducasse a les arguments commerciaux pour convaincre. Un courtier cannois a sélectionné le Domaine aux Morilles pour approvisionner de grands restaurants à Hong Kong. « Quand on voit comment les chefs subliment mes champignons, ça me fait quelque chose », ajoute le producteur.
Des projets...
Frédéric Ducasse ne man que pas d’idées pour développer son exploitation. Pour occuper le terrain en dehors de la période des morilles et rentabiliser l’investissement lié aux serres, il envisage de se lancer dans la culture du shiitaké ou des pleurotes, les chefs en sont très friands. Le myciculteur, qui procède depuis quelques mois à l’analyse des sols, compte aussi planter des chênes truffiers. « C’est un investissement sur le long terme, il faut attendre huit ans pour récolter les premières truffes », pointe-t-il. Frédéric Ducasse veut développer son circuit de distribution : déposer ses champignons à l’épicerie voisine pour faire de la vente directe et mettre en place des synergies avec d’autres producteurs locaux qui travaillent eux aussi sur des marchés de niche.
Sur la première année, il a vendu 100 kg de morilles, c’est un bon début. Frédéric Ducasse dont l’objectif est d’atteindre les 80.000€ de chiffre d’affaires, affiche un bel optimisme et voit grand. « J’ai la place pour agrandir : je possède 11 hectares de terrain. Pour l’instant, je me suis autofinancé, j’étais en phase d’exploration. Pour me développer, je vais devoir investir et faire le tour des banques. » L’appel est lancé.