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Le safran, l’or du Quercy

Agriculture. Soucieuse de redonner vie à la culture du safran, Denise Soulier, installée aux confins du Tarn et du Tarn-et-Garonne, a choisi de valoriser ce petit crocus. La cheffe d’exploitation a bien conscience de faire pousser un petit trésor dans sa safranière. Passionnée, elle milite pour redonner des couleurs au safran made in France.

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Denise Soulier cultive le safran aux limites du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Il faut 200 fleurs pour obtenir un gramme de safran. DOMAI

Ce qui est rare est cher : en moyenne, 36 000€ le kilo de safran, la production française est pour l’instant confidentielle. Le safran que nous consommons provient le plus souvent d’Iran ou d’Espagne. Denise Soulier entend bien faire bouger les lignes. Plantation, désherbage, récolte des fleurs, émondage, séchage et emballage, tout est fait à la main. Il ne faudrait pas blesser le pistil de safran et ses précieux filaments. On comprend mieux le prix de cette épice connue pour être la plus chère au monde. Entre Denise Soulier et le safran, c’est une longue histoire qui continue à s’écrire.

« J’étais professeur des écoles lorsque j’ai commencé à cultiver le safran, c’était en quelque sorte mon second métier. À la retraite, je me suis consacrée à 100 % à la culture du safran. » Denise Soulier a toujours aimé avoir les mains dans la terre, elle est née dans une famille d’agriculteurs installée dans le Lot. La seconde (bonne) raison qui a conduit Denise Soulier à se lancer dans la culture du safran est historique. « Du XIVe au XVIIIe siècle, le safran a fait la richesse de l’Albigeois jusqu’à Caussade et Montauban. On pourrait dire que le safran est à Albi ce que le pastel est à Toulouse », sourit la retraitée.

Le safran partait également vers Lyon où il était utilisé comme pigment naturel pour teindre la soie. La culture a été totalement abandonnée pendant la révolution. Denise Soulier est incollable sur l’histoire du safran. En 1998, elle a commencé à s’intéresser à cette jolie fleur bleue, poussant les recherches en compagnie d’historiens de Caussade. Puis, elle a rejoint les Safraniers du Quercy, une association basée à Cajarc, dans le Lot. En 2006, elle a lancé son activité, en autonomie.

Cultiver du safran, un modèle économique ?

Aucun exploitant ne peut vivre de la production de sa parcelle de safran. « La mienne correspond à une surface moyenne de trois ares, je récolte 20 000 fleurs soit 100 g de safran par an », explique Denise Soulier. 100 g seulement ? « C’est déjà énorme, se réjouit-elle, avec 100g, on peut parfumer 10 000 assiettes. » Un restaurateur achètera 2 g de safran en moyenne par an et un transformateur en achètera 10 g.

La cultivatrice travaille avec des restaurateurs de Montauban, des pâtissiers et également des transformateurs qui ajoutent une microdose de safran dans leurs produits. Difficile de recruter des saisonniers : « Le crocus fleurit en octobre, les fleurs montent chaque nuit. On doit cueillir au petit matin avant que les fleurs ne soient ouvertes », détaille-t-elle. La main-d’oeuvre est donc familiale : « On cueille 800 fleurs en moyenne à l’heure et on ne peut pas émonder plus de 400 fleurs à l’heure » ajoute-t-elle. Il faut 200 fleurs pour obtenir un gramme de safran.

Vers une meilleure connaissance du safran

Denise Soulier s’est beaucoup investie pour vulgariser le safran et sa culture. Elle fait d’ailleurs visiter sa safranière au moment de la floraison. « Je ne fais pas payer la visite, les gens passent ensuite à la boutique, c’est un bon compromis. » Elle fabrique des produits dérivés à base de safran tels que la confiture. Mais, Denise Soulier ne s’arrête pas là, elle transmet sa passion et son savoir auprès des offices de tourisme lors de conférences. Elle a lancé une formation au CPIE (centre permanent d’initiative à l’environnement) de Caylus.

« Il y a de plus en plus de demandes. On voit arriver des propriétaires de chambres d’hôtes qui veulent se lancer dans la culture du safran pour augmenter leurs revenus, par exemple. » Elle aimerait faire évoluer cette formation pour que les jeunes puissent s’installer. Le rêve de Denise Soulier ? Que la France puisse produire un safran d’excellente qualité. Elle espère prochainement une reconnaissance grâce à un label.