Le toulousain Agreenculture lève 6 M€ et trace la voie de l’agriculture autonome
Innovation. Avec cette opération, la start-up fondée en 2016 s’apprête à changer de dimension. Spécialiste des kits d’autonomie et de sécurisation pour machines agricoles, l’entreprise installée à Montaudran entend désormais accélérer son développement industriel et commercial pour accompagner la robotisation du machinisme agricole à grande échelle.
Nouvelle étape de croissance pour Agreenculture. Spécialisée dans l’autonomie et la sécurisation des tracteurs et machines agricoles, la start-up toulousaine vient de boucler une levée de fonds de 6 M€ en série A. Le tour de table réunit Supernova Invest, fonds spécialisé dans la deeptech, le néerlandais Future Food Fund et Unilis, filiale d’Unigrains, complété par une facilité de crédit accordée par le Crédit Agricole Toulouse 31. Une opération structurante pour l’entreprise installée quartier Montaudran, qui ambitionne désormais de changer d’envergure.
Fondée en 2016 par Christophe Aubé, Clément Baron et Emmanuel Goua de Baix, Agreenculture s’est positionnée sur un segment stratégique du machinisme agricole : fournir aux constructeurs de machines des solutions technologiques leur permettant de commercialiser rapidement des équipements autonomes, certifiés et sécurisés. « Nous vendons des kits d’autonomie pour des machines qui sont construites par des industriels et qui sont vendues ensuite aux agriculteurs via leurs réseaux », résume Christophe Aubé, son PDG.
Renforcer le commercial, standardiser et industrialiser
Cette levée de fonds marque un cap important pour l’entreprise, après un premier tour d’amorçage de 260 K€ réalisé auprès de business angels à ses débuts. Forte de 57 salariés, majoritairement des ingénieurs, elle revendique un chiffre d’affaires de 3,2 M€ en 2024, et d’un peu moins de 4 M€ en 2025.
« Le premier objectif de cette opération d’augmentation de capital est de renforcer notre force commerciale afin d’acquérir plus de clients et ainsi booster notre chiffre d’affaires. Le deuxième est de faciliter l’intégration de nos solutions sur les machines de nos clients, notamment via la standardisation de nos systèmes. Enfin, le troisième est d’accélérer l’industrialisation de nos produits pour garantir des solutions fiables et robustes », détaille le dirigeant avant de revenir en détail sur l’enjeu clé que représente la standardisation des logiciels afin d’élargir le champ des applications :
Il y a plein d’acteurs qui n’ont pas l’habitude de ce type de technologie et que l’on veut absolument pouvoir embarquer dans la robotisation, y compris dans des activités para-agricoles. »
Un kit d’autonomie prêt à l’emploi
Au cœur de l’offre d’Agreenculture se trouve l’« AGC Autonomy Kit », un système de robotisation plug-and-play. Installé principalement sur le toit des véhicules, le dispositif (un simple cadre) embarque antennes GNSS (global navigation satellite system), calculateurs de sécurité, capteurs et systèmes de vision intégrant de l’intelligence artificielle. Il permet aux machines de se déplacer seules, de suivre un itinéraire précis et d’exécuter une mission en totale autonomie. Une aubaine dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre à laquelle est confronté le secteur.
La sécurité constitue un pilier central de la solution, avec le « safencing », une barrière virtuelle sécurisée qui empêche toute sortie de périmètre. Conforme à la réglementation européenne pour la navigation autonome hors des routes, le système repose sur une technologie de positionnement sécurisé S-RTK. À ce jour, environ une centaine de machines agricoles, y compris des tracteurs, sont équipées des solutions développées par la start-up.
Une réponse aux mutations du machinisme agricole
Cette technologie s’inscrit dans une transformation plus large du secteur agricole, désormais structuré autour de la digitalisation, de l’automatisation et de la durabilité. Une évolution à laquelle Christophe Aubé est personnellement attaché. Ingénieur aéronautique diplômé de l’Enac, passé par le groupe Safran et issu d’une famille d’agriculteurs, il revendique une double culture. « J’ai souhaité apporter mes connaissances liées à l’aéronautique dans le secteur agricole. Mon objectif est de proposer des technologies qui apportent de la rentabilité et de la durabilité aux agriculteurs », affirme-t-il.
Face aux craintes de déshumanisation du métier, le dirigeant assume une vision inverse :
Le cœur du métier d’agriculteur, ce n’est pas d’être dans ou sur sa machine, c’est de choisir les opérations à accomplir, et de savoir si elles sont correctement réalisées. La robotique ne déshumanise donc pas le métier d’agriculteur. Au contraire, elle replace l’homme au centre de la production végétale en lui redonnant du temps pour la stratégie, le contrôle des opérations et la gestion », défend-il.
Une vraie opportunité pour une agriculture durable
L’autonomie des machines apparaît aussi comme un levier majeur pour accompagner le développement de pratiques agricoles plus durables, notamment en agriculture biologique, plus chronophage. L’entreprise est d’ailleurs lauréate du plan « investir dans une alimentation saine, durable et traçable » de France 2030.
« On demande à nos agriculteurs de produire de manière toujours plus respectueuse de l’environnement. C’est indispensable, mais cela prend beaucoup plus de temps. La robotique est une chance pour notre agriculture et pour une société qui veut une alimentation durable », insiste Christophe Aubé.
Déjà adoptées par des acteurs de premier plan comme le groupe français Pellenc, le japonais Kubota ou encore Kuhn, filiale du groupe industriel suisse Bucher Industries, les solutions d’Agreenculture couvrent aujourd’hui la viticulture, les grandes cultures et le maraîchage. À l’avenir, le Toulousain entend notamment soutenir la filière viticole, particulièrement fragilisée, tout en poursuivant son déploiement en Europe.
Plus que le volume de ventes, l’entreprise privilégie l’usage réel des machines sur le terrain. « Ce qui compte pour nous, ce sont les heures d’utilisation des machines autonomes et leur capacité à fonctionner réellement dans les exploitations », conclut le dirigeant. Une philosophie industrielle et agronomique que la levée de 6 M€ doit désormais permettre de déployer à grande échelle.