Le toulousain Aura Aero, grand gagnant du 55e salon du Bourget
Aviation. Le constructeur a engrangé 100 nouvelles commandes pour ERA, son avion de transport régional hybride électrique de 19 places, dépassant ainsi la barre des 650 précommandes valorisées à 10,5 Mds$. Le toulousain, qui a dévoilé son programme de drone, a également signé plusieurs partenariats technologiques et accords de distribution notamment dans le secteur militaire.

Le 55e salon international de l’aéronautique et de l’espace de Paris-Le Bourget a fermé ses portes dimanche 22 juin 2025 après une semaine d’intense activité commerciale. Parmi les acteurs régionaux qui ont su tirer leur épingle du jeu, figurent le géant Airbus mais aussi des entreprises industrielles moins connues du grand public. Parmi elles, Aura Aero qui après avoir été une des révélations de l’édition précédente, confirme son statut d’acteur incontournable du transport aérien régional décarboné.
Créé en 2018 par Jérémy Caussade et basé à l’aéroport de Toulouse-Francazal, le constructeur a en effet réussi à se faire une place sur un marché qui nécessite de lourds investissements. L’entreprise, qui emploie aujourd’hui plus de 250 personnes, a développé deux programmes. L’Integral, un avion biplace destiné à la formation (civile et militaire) et à la voltige, fort d’un carnet de commandes de plus de 200 appareils. Les premières livraisons viennent d’avoir lieu. 12 sont prévues cette année et 25 l’an prochain. L’autre programme phare d’Aura Aero est l’ERA, un avion régional hybride électrique de 19 places (ou jusqu’à 1,9 tonne de fret) dont la commercialisation est attendue pour la fin de la décennie.
Volet commandes
Alors que le constructeur a décidé de ne plus prendre de lettres d’intention pour son Intégral « sauf cas particuliers », à l’issue du salon du Bourget, il a annoncé avoir franchi la barre des 650 précommandes pour l’ERA, pour un montant de 10,5 Mds$. Dans le détail, ce sont en effet cinq nouveaux clients qui viennent de passer commande d’une centaine d’appareils afin de faire entrer l’avion de transport régional dans leur flotte d’ici 2030. Il s’agit de Marathon Airlines, compagnie ACMI [1] grecque (20 fermes et 20 options), Solyu, loueur d’avions bas-carbone sud-coréen (20 fermes et 20 options), Jump Air, compagnie lituanienne spécialisée dans l’ACMI et le charter (10 fermes et 10 options), SafariLink, compagnie régionale kényane (quatre fermes et deux options) et un client européen confidentiel (trois fermes et trois options).
Pour son PDG, ces nouvelles commandes viennent confirmer la pertinence de son modèle :
La confiance que nous témoignent nos clients démontre l’existence d’un réel marché pour ce type d’appareil, et le soutien des institutions, tant françaises qu’européennes, ne fait que renforcer ce sentiment. Nous avons lancé, début 2025, la production des pièces pour le premier prototype, qui devrait prendre son envol d’ici 2027. ERA est un avion créé pour connecter les populations, dans les régions du monde où l’aviation est une réelle réponse au désenclavement, tout en se mettant au service de la décarbonation du transport aérien. »
Volet militaire

Compte tenu du contexte géopolitique international, sans surprise le salon du Bourget a pris une teinte très militaire. Pour preuve, le constructeur toulousain a officialisé le lancement de son programme Enbata conçu pour répondre aux besoins urgents et stratégiques d’un drone MALE européen (Moyenne Altitude Longue Endurance).
Un marché très porteur, puisque aussi bien au Haut Karabakh, au Soudain ou en Ukraine, les drones jouent aujourd’hui un rôle majeur dans les conflits armés. Pour preuve la dernière attaque d’ampleur lancée par l’armé ukrainienne sur le sol russe au moyen de drones cachés dans des conteneurs et qui visait à détruire des bombardiers. Alors que les principaux producteurs de ces engins sans équipage pilotés automatiquement sont aujourd’hui la Turquie et la Chine, les armées du monde entier investissent massivement pour être souverains en la matière. D’ailleurs le ministère des Armées et la Direction générale de l’Armement soutient le développement d’un prototype d’Enbata.
Ce drone multi-missions et modulaire dont le premier vol est prévu d’ici fin 2026, est développé en partenariat avec des industriels déjà positionnés sur le marché militaire comme Safran, Thales ou encore Aresia. « Le contexte mondial nous pousse à avancer vite, avec des besoins de défense réels, et nous avons, en France, tous les outils et technologies pour pouvoir y répondre », précise Jérémy Caussade avant de revenir en détail sur les caractéristiques et capacités d’Enbata :
Il pourra aussi bien effectuer du renseignement stratégique longue portée (ISR), de la reconnaissance armée, de la guerre électronique, de la surveillance maritime, du relais de communication que des opérations de lutte anti-drones. D’une masse maximale de deux tonnes, il pourra porter jusqu’à une tonne de charge utile et disposera d’une autonomie pouvant aller jusqu’à 55 heures. »
À noter qu’Aura Aero entend obtenir une double certification à la fois civile militaire pour son drone en vue de réaliser des missions « d’usages publics » : surveillance de feux de forêt, recherche et sauvetage, surveillance aérienne…
Autre enjeu majeur pour les forces armées : la formation des pilotes, un sujet sur lequel se positionne également Aura Aero avec son programme Integral qui comprend trois modèles : Integral R (formation et voltige, train classique, moteur Lycoming 210 ch) ; Integral S (formation et voltige, train tricycle, moteur Lycoming 180 ch) et Integral E (tout-électrique).
Durant le salon, le constructeur toulousain a également signé un partenariat stratégique avec Babcock France, filiale du groupe Babcock International (26 000 salariés, 4,4 Mds£ de CA en 2024), spécialisé dans la défense et dont le siège social est à Londres. Le Britannique, qui assure différentes missions pour les forces armées françaises (mise à disposition et maintenance d’équipements, formation de personnels et exécution de missions critiques), opère également aux Royaume-Uni, en Australasie, au Canada et en Afrique du Sud. Un joli coup réalisé par le constructeur toulousain alors que le géant Babcock vient de signer en début d’année un contrat de 17 ans avec l’armée de l’air et de l’espace française et la Marine nationale. Un marché évalué à 795 M€.
« Moderne, durable et polyvalente, Intégral est une famille d’avions qui convient parfaitement à la sélection et à la formation des pilotes militaires ainsi qu’à leurs opérations quotidiennes, développe Jérémy Caussade. En introduisant l’Integral E tout-électrique dans leur flotte, les forces armées peuvent réduire de moitié les coûts d’exploitation de la plupart des missions, tout en amorçant leur transition vers la décarbonation. »
Volet distribution
Après avoir signé en avril 2025 des contrats de distribution avec trois nouveaux acteurs européens pour ses deux familles d’avions : European Aircraft Sales (Danemark), JB Investments Ltd (Pologne) et B&C SRL (Italie), Aura Aero poursuit son maillage commercial avec la signature d’un nouvel accord avec Megatron Aerospace Private Limited (MAPL) pour la vente de son avion biplace à capacité voltige. Basé à New Delhi, ce dernier est l’une des principales entreprises aérospatiales indiennes.
Depuis sa création en 2018, « MAPL a vendu plus de 100 appareils à travers le pays, jouant un rôle essentiel dans l’introduction d’une large gamme d’avions sur le marché indien, qu’il s’agisse d’’avions de formation ou de bimoteurs à la pointe de la technologie », précise Aura Aero dans un communiqué.
[1] ACMI pour aéronef, équipage, maintenance et assurance : contrat de location incluant équipage, services de maintenance et assurance.