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Macron à Toulouse : la FRSEA et les Jeunes Agriculteurs obtiennent des garanties

Agriculture. En visite dans la Ville rose le 12 novembre 2025, le président de la République s’est entretenu avec des représentants régionaux de la FRSEA et des Jeunes Agriculteurs. À l’issue de ces échanges, les syndicats se sont montrés optimistes, saluant des avancées sur plusieurs sujets brûlants dont le Mercosur. Pour autant, la vigilance reste de mise.

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Au centre, Jean-Marie Dirat, président de la FRSEA Occitanie, et Jean-Baptiste Gibert secrétaire général des Jeunes Agriculteurs, se sont adressés aux manifestants présents à Montaudran le mercredi 12 novembre. (©Jean-Baptiste Gibert)

Le 12 novembre dernier, ils étaient près de 250 agriculteurs réunis avec leurs tracteurs à Toulouse pour accueillir le président de la République. De passage en Haute-Garonne pour inaugurer le nouveau complexe du Commandement de l’Espace à Montaudran, Emmanuel Macron et la ministre de l’Agriculture Annie Genevard ont rencontré une délégation composée de représentants locaux de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles (FRSEA) et des Jeunes Agriculteurs (JA).

Sécurisation de l’accès à l’eau, concurrence déloyale, taxation des engrais importés hors UE, lenteurs administratives sont quelques-uns des enjeux qui ont été abordés lors de cette entrevue. À l’issue de ces entretiens, Jean-Marie Dirat président de la FRSEA et Jean-Baptiste Gibert, secrétaire général des JA se sont dit satisfaits des garanties concédées par le chef de l’État. Pour autant, les deux intéressés restent mobilisés dans l’attente de mesures concrètes pour le territoire occitan, première région agricole de France avec ses plus de 60 000 exploitations.

Faciliter la création de projets de retenue d’eau

Les syndicalistes ont en effet obtenu des avancées. À commencer par la reconnaissance de l’Occitanie comme « territoire d’exception ». Cette garantie doit notamment permettre d’accélérer le traitement des demandes concernant les créations de retenue d’eau pour l’irrigation. Comment ? « En donnant la main aux préfets de région qui auront le pouvoir de débloquer les verrous administratifs », explique Jean-Baptiste Gibert à la tête d’une exploitation familiale à Sainte-Juliette dans le Tarn-et-Garonne.

Un enjeu ô combien important. Jusqu’ici, « pour créer de tels systèmes de stockage, il fallait entre trois et six ans. Dans les Pyrénées-Orientales, les délais courraient même à 11 ans », détaille Jean-Marie Dirat, également éleveur de volailles dans le 82.

Autre réassurance celle concernant la détaxation des engrais azotés importés. Comme l’acier, le ciment, l’aluminium ou l’hydrogène, ces intrants fabriqués hors UE pour échapper à la réglementation environnementale européenne plus stricte sont lourdement taxés à leur entrée sur le territoire. Ce qui pénalise les agriculteurs. Le président de la FRSEA a salué la position d’Emmanuel Macron qui leur a annoncé chercher « des soutiens d’autres États-membres pour pouvoir sortir les engrais du dispositif de taxation MACF, pour Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ».

Souveraineté alimentaire

Cette entrevue a aussi été l’occasion pour les représentants syndicaux d’évoquer le pacte de souveraineté alimentaire en cours d’élaboration en région. Le document, qui vise à assurer à l’horizon 2030 une plus grande indépendance du territoire face aux enjeux climatiques et aux conflits internationaux, réunit aujourd’hui autour de la table la Région, la Draaf Occitanie, le Conseil de l’agriculture française et la chambre d’agriculture.

Si les grandes lignes de ce pacte restent pour l’heure confidentielles, les deux intéressés précisent qu’à ce stade, « nous réfléchissons à des solutions à moyen et long terme qui s’adaptent aux différentes filières, au contexte et aux spécificités de nos territoires ». Ils souhaitent désormais une plus grande implication dans le dossier d’Annie Genevard, une ministre de tutelle qui a leur confiance.

Nommée au poste de ministre de l’Agriculture sous le gouvernement de Michel Barnier en septembre 2024 et reconduite dans ses fonctions, elle a déjà engagé des actions approuvées par la profession. Dont en décembre 2024, la mise en place d’un prêt conjoncturel de soutien à la trésorerie plafonnée à 50 000 € par exploitation, dédié aux agriculteurs ayant perdu 20 % de leur chiffre d’affaires. Seul bémol soulevé par le président de la FRSEA : « ces mesures sont pensées nationalement, mais leur mise en application localement est parfois laborieuse. Soit l’argent des aides n’arrive pas, soit il arrive au mauvais endroit ».

Non au Mercosur

Les échanges ont enfin porté sur le Mercosur, les syndicalistes demandant à Emmanuel Macron de clarifier ses propos sur cet accord de libre-échange, prononcés le 6 novembre dernier à l’occasion de la COP30 à Belém au Brésil. Il s’était dit « plutôt positif sur la possibilité de l’accepter ». En rupture totale avec la position historique de la France sur le sujet. De quoi mettre le feu aux poudres dans les rangs des agriculteurs qui s’inquiètent d’un risque accru de concurrence déloyale.

Le président a tenu à les rassurer : la France, pour l’heure, ne signera pas ce traité commercial en l’état. Accord, qui rappelons-le, prévoit d’intensifier les échanges de biens et de services entre les pays membres des blocs économiques d’Amérique du Sud et d’Europe, créant ainsi la plus grande zone de libre échange au monde selon la Commission Européenne, avec 800 millions de consommateurs concernés. Côté agricole, il vise notamment à faciliter l’importation de viande bovine et de sucre en provenance d’Argentine, du Brésil, d’Uruguay, du Paraguay et de Bolivie sur le sol européen.

Le président nous a expliqué que des négociations étaient en cours avec le Brésil et les autres pays signataires, notamment pour faire adopter des clauses dites miroirs et de sauvegarde, ainsi que sur le renforcement des contrôles aux frontières des produits exportés. »

Les clauses miroirs consisteraient à imposer aux agriculteurs des pays d’Amérique du Sud de respecter les mêmes normes de production sur le plan sanitaire, social et/ou environnemental, que leurs homologues européens, afin d’éviter une concurrence déloyale.

Maintenir la pression

Les clauses de sauvegarde, elles, permettraient « aux États membres de l’UE de déroger temporairement aux règles budgétaires du pacte dans des circonstances exceptionnelles », selon le le glossaire des institutions européennes. Ce même jeudi 12 novembre, dans l’enceinte du Sénat à Paris, le ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad a répondu à une question du sénateur centriste Franck Menonville sur le sujet.

Le ministre a expliqué que ces clauses devraient consister en « un mécanisme de surveillance […] et de réaction rapide pour pouvoir bloquer les importations, si on voit que nos filières sont déstabilisées ». Un bouton d’arrêt d’urgence, qui pourrait prendre la forme d’une diminution des quotas d’importation, ou une augmentation des tarifs des produits importés.

Au lendemain de cette rencontre au sommet, la FRSEA et les JA affirment dans un communiqué de presse commun publié le 13 novembre 2025, vouloir suivre de près la mise en œuvre de ces engagements. Le cas échéant préviennent-ils : « Nous n’hésiterons pas à reprendre la mobilisation avec encore plus de détermination. »