Thales Alenia Space engrange les contrats mais poursuit son plan de réduction des effectifs
Spatial. Alors qu’il reçoit de nombreuses commandes, Thales Alenia Space fait face à un effondrement du marché des satellites de télécommunications géostationnaires. Pour maintenir sa compétitivité, l’entreprise a lancé l’an dernier un plan d’adaptation. Sur le site de Toulouse, qui concentre près de 30 % des effectifs mondiaux, soit 2 400 salariés, 650 d’entre eux sont concernés.

Les contrats s’enchaînent depuis le début de l’année pour Thales Alenia Space. Détenu à 67 % par le français Thales et à 33 % par l’italien Leonardo, le fabricant de satellites, qui emploie plus de 2 400 personnes à Toulouse, a en effet multiplié les annonces, soit une quinzaine depuis janvier. La co-entreprise s’est notamment vue confier l’intégration du satellite SBGTIR (Surface Biology & Geology - Thermal Infrared) dans le cadre d’une mission d’observation de la Terre menée conjointement par l’agence spatiale italienne (ASI) et la NASA.
Elle a également été choisie pour développer la charge utile du troisième satellite de la mission CO2M de Copernicus, le programme d’observation de la Terre de l’Union européenne (un contrat de 88 M€) ou encore la fabrication du satellite EnVision chargé de percer les mystères de la planète Vénus. Space Norway, opérateur de satellites norvégien, lui a également confié la construction d’un nouveau satellite de télécommunications, THOR. Quelques jours plus tard, c’est le japonais SKY Perfect JSAT Corporation qui l’a chargé de la fabrication du satellite de télécommunications géostationnaire JSAT-32.
Pluie de commandes
Le dernier en date de ces contrats a été signé avec l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA) le 2 avril 2025. D’un montant de 51 M€, il vise à prolonger la durée de vie du système européen de navigation par satellite EGNOS. Pour rappel, celui-ci a pour vocation d’améliorer la précision, la fiabilité et l’intégrité des signaux de positionnement des systèmes de navigation par satellite tels que le GPS ou Galileo, aujourd’hui utilisés notamment dans les secteurs du transport aérien, maritime et terrestre soumis où les exigences de sécurité sont très fortes, ainsi que dans l’agriculture et la cartographie.
Trois de ces contrats généreront de l’activité pour le site de Toulouse : le contrat pour prolonger le service opérationnel d’EGNOS et les deux contrats pour la réalisation de deux satellites de télécommunications géostationnaires (THOR 8 et JSAT-32). Dans les deux cas, les équipes toulousaines fabriqueront la charge utile.
Un marché spatial en profonde mutation
Cette bonne dynamique commerciale ne devrait malheureusement pas détourner Thales Alenia Space de ses objectifs de réduction d’effectif. L’entreprise franco-italienne, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 2,23 Mds€ en 2024 – un chiffre stable par rapport à 2023 – et emploie plus de 8 100 personnes dans le monde, a en effet lancé l’an dernier un plan d’adaptation visant à ajuster la taille de la société à l’évolution du marché spatial. Lequel connaît de profondes mutations. « Cette nécessité d’adaptation est clé compte tenu du contexte concurrentiel actuel », affirme la direction de Thales Alenia Space.
De fait, depuis quelques années, on assiste à un effondrement du marché des satellites géostationnaires de télécommunications. Sur le segment des télécommunications commerciales, leur nombre est passé de 20 à 10 par an au cours des quatre dernières années. Et ce rétrécissement du marché se poursuit : en 2024, seuls neuf satellites de ce type ont été commandés aux fabricants de satellites dont quatre satellites commerciaux et cinq satellites gouvernementaux.
De son côté, l’année passée, Thales Alenia Space a remporté sept contrats de plus de 100 M€ (pour chacun d’entre eux) dont un seul satellite de télécommunications géostationnaire. Les autres commandes reviennent pour la majorité au domaine de l’observation, de l’exploration et de la navigation par satellites. « Si les prises de commandes en observation, exploration, navigation ont été bonnes, elles n’ont pas permis, à elles seules, de compenser les difficultés liées à la profitabilité de l’entreprise et à la forte réduction des prises de commande sur un marché des télécoms géostationnaires civils structurellement bas », reconnaît la direction de Thales Alenia Space.
Conserver les compétences au sein du groupe
Le plan d’adaptation prévoit le redéploiement de 1 300 postes dont 980 en France : 650 à Toulouse et 330 à Cannes. Dans l’Hexagone, au-delà des départs à la retraite, la direction de l’entreprise assure « que les salariés impactés ont bénéficié de la solidarité des autres entités du Groupe Thales via des mobilités géographiques et des mobilités internes notamment au Centre de compétences d’ingénierie et conserveront leur emploi ». Le leader mondial des hautes technologies dans la défense, l’aérospatial, la cybersécurité et le digital, qui a enregistré de son côté en 2024 un chiffre d’affaires de 20,6 Mds€ (en hausse de 11,7 %), recrute massivement. Thales a en effet annoncé le 3 avril dernier un plan d’embauches de 8 000 personnes en 2025 dont 3 000 en France.
Tout en continuant à mettre l’accent sur l’innovation, ce plan d’adaptation, engagé à plus de 60 %, a également été conçu plus globalement pour apporter toute la flexibilité nécessaire pour répondre à la demande future de satellites et de constellations de télécommunications. « Cette approche permettra à Thales Alenia Space d’accroître sa rentabilité à moyen terme tout en améliorant sa compétitivité au niveau mondial. L’entreprise maintiendra par ailleurs ses activités en R&D afin de rester un acteur de premier plan dans tous les domaines d’activités, les télécommunications incluses », conclut la direction qui se dit « confiante quant à son avenir ».