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Matériel médical : MedicAlliance prend position sur le remboursement des fauteuils roulants

Santé. Poids lourd du secteur, le Toulousain MedicAlliance s’invite dans le débat sur le remboursement à 100 % des fauteuils roulants promis il y a un an par Emmanuel Macron. En pointe sur les questions de professionnalisation et de représentativité des distributeurs de matériel médical, il affiche aussi ses ambitions : couvrir d’ici 2030 80 % des besoins du soin à domicile.

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Photo de Thomas Leonarc Ducluzeau
Thomas Leonarc Ducluzeau a racheté MedicAlliance en 2017 (©MedicAlliance).

En avril 2023, à l’occasion de la 6e conférence nationale du handicap, le président de la République annonçait le remboursement intégral des fauteuils roulants manuels ou électriques. Une promesse très attendue par les personnes en situation de handicap et leurs familles qui lors de l’achat d’un fauteuil roulant supporte un reste à charge souvent très élevé, couvert en partie seulement par les mutuelles. Un an plus tard, la mesure n’est toujours pas effective.

Une situation aggravée pour les personnes en situation de handicap

Pire, le projet de réforme encore en discussion pourrait provoquer le résultat inverse à celui recherché. Il fixe en effet de nouveaux prix limites de vente (2 600 € max pour un fauteuil manuel et 18 000 € max pour une version électrique), des montants très en-deçà du coût réel de ces équipements. Conséquence, cette nouvelle disposition « va entraîner une sortie de la liste des Prestations et Produits Remboursables par l’Assurance Maladie (LPPR) de la majorité des fauteuils roulants utilisés », prévient l’APF France Handicap qui a adressé une lettre au chef de l’État le 16 janvier 2024.

Autrement dit, « certains fauteuils roulants pourtant essentiels à l’autonomie des personnes ne seraient plus du tout pris en charge », dénonce, de son côté, le député de la Dordogne Sébastien Peytavie, qui, en janvier, a lancé une pétition en ligne pour rappeler le président de la République à sa promesse qui a recueilli à ce jour près de 66 000 signatures.

Outre les associations de défense des personnes en situation de handicap, d’autres acteurs sont montés au créneau. C’est le cas de l’Union des prestataires de santé à domicile indépendants (Upsadi). Dans un communiqué daté du 25 janvier 2024, elle aussi alerte. Selon ses estimations, un très grand nombre de personnes en situation de handicap disposant aujourd’hui d’un fauteuil adapté à leur propre situation sans reste à charge ne pourraient plus y accéder dans le cadre de la nouvelle réglementation.

Une menace pour l’ensemble du secteur

Si le projet de réforme est maintenu en l’état, le syndicat professionnel craint d’autres conséquences. « La menace sur l’ensemble du secteur du fauteuil roulant est réelle », assure Didier Daoulas, son président. Car au-delà des centaines d’entreprises et des milliers d’emplois non délocalisables menacés, selon le dirigeant, « c’est l’offre de fauteuils roulants qui diminuera, accentuant les effets des déserts médicaux, complexifiant encore davantage le parcours d’acquisition des personnes en situation de handicap ou âgées et réduisant dramatiquement leur autonomie et leur intégration dans la société. »

En Occitanie aussi, les professionnels se mobilisent. C’est le cas de MedicAlliance qui dénonce pour sa part « des effets d’annonce mensongers ». Basée à Toulouse, l’entreprise spécialiste du matériel médical rassemble aujourd’hui 420 magasins adhérents dans toute la France et les Dom-Tom, et représente près de 100 M€ d’achats annuels.

« À la différence d’une centrale d’achat qui achète pour revendre, nous sommes une centrale de référencement de matériel médical. Cela signifie que nous négocions auprès de 150 fournisseurs des tarifs pour tout un réseau de magasins adhérents, tous indépendants. Nous sommes rémunérés par les fournisseurs sur des objectifs de vente. Nous ne coûtons rien aux adhérents », précise Thomas Leonarc Ducluzeau, président de MedicAlliance. Venu du secteur pharmaceutique, le quadragénaire a repris l’entreprise en 2017.

25 000 fauteuils roulants vendus par an

Photo d'un fauteuil roulant
Selon Sébastien Peytavie, député de Dordogne, à l’initiative d’une pétition pour demander au président de la République de respecter sa promesse d’un remboursement à 100 % des fauteuils roulants, il ne s’agit pas d’une question « de luxe, mais de dignité et d’autonomie des personnes ».

Le réseau de magasins adhérents à la centrale vend ainsi chaque année près de 25 000 fauteuils roulants dont les prix peuvent atteindre 10 000€ pour un fauteuil manuel et jusqu’à 50 000 € pour un fauteuil électrique spécialisé, l’Assurance Maladie remboursant aujourd’hui 600 € pour le premier et 5 200 € sur le second.

S’il se dit favorable au remboursement à 100%, le dirigeant s’inquiète pour l’avenir de la filière. « On parle souvent des professionnels de santé, des aides à domicile… mais il ne faut pas oublier le maillon intermédiaire des distributeurs de matériel médical et de tous ces magasins, qui maillent les territoires, et qui sont parfois les seuls interlocuteurs de proximité pour aider les familles à faire les bons choix pour leurs proches, observe Thomas Leonarc Ducluzeau. Ces familles nous font part aujourd’hui de leur désespérance face à une réforme qui se voulait novatrice mais qui, derrière les effets d’annonce, ne tient pas ses promesses et rendrait même le parcours de prescription pour le patient encore plus lourd, ce qui rallongerait d’autant plus les délais de livraison d’un fauteuil ».

Pour faire entendre la voix des magasins de matériel médical spécialistes du maintien à domicile, le dirigeant n’exclut pas la création d’un nouveau syndicat professionnel. « Nous voulons être associés aux discussions en cours, assure-t-il. Il faut savoir que les magasins de matériel médical sont ceux qui vendent le plus de fauteuils roulants pour une bonne raison, à savoir qu’il faut en assurer le SAV. Or, sur ce dossier, l’État a convié d’autres professionnels aux discussions mais pas nous. »

Professionnalisation des acteurs

Thomas Leonarc Ducluzeau espère que la certification prochaine des magasins de matériel médical va leur permettre de peser plus dans le débat. Et d’ajouter :

Les magasins de matériel médical ont un important rôle social qui n’était pas reconnu par l’État jusque-là. Or, nous nous battons depuis 10 ans pour obtenir une certification. Ce sera bientôt chose faite. Le projet de loi est en cours. Le gouvernement est en train de valider le cahier des charges. Dorénavant, les magasins de matériel médical, s’ils veulent bénéficier du système de remboursement de la CPAM, devront être certifiés. Cela va professionnaliser le réseau, à la fois sur le plan des process et des obligations, et c’est très bien. »

Présent au salon Autonomic qui termine ce 21 mars au MEETT, l’entreprise, qui a enregistré l’an dernier un chiffre d’affaires de 3,2 M€ et emploie une dizaine de salariés, fait partie du groupe Home Care Alliance Group. « Il réunit quatre entités très complémentaires spécialisées dans le soin à domicile », détaille son président Thomas Leonarc Ducluzeau. Le groupe comprend, outre MedicAlliance, Subra Médical, une société toulousaine de négoce de matériel médical, rachetée il y a trois ans, LD Medicare, basée à Pamiers, spécialisée dans la stérilisation pour l’hospitalisation à domicile (HAD) et les établissements de soins, ainsi qu’une entité installée au Maroc, DM Medicare, qui fabrique différents produits développés au sein du groupe.

Couvrir 80 % des besoins du soin à domicile

MedicAlliance, qui a son propre bureau d’études, a déposé plusieurs brevets pour des pansements dédiés aux patients dialysés, des tubulures pour l’urologie ou encore une crème cicatrisante à base de lait d’ânesse fabriquée en Ariège. Elle planche aussi sur une application pour simplifier la vie des aidants au quotidien. Ainsi poursuit le PDG :

Notre ambition est de breveter un produit chaque année. Or, un rapport de l’État indique qu’en 2030, nous aurons 30 % de personnes supplémentaires sous soins à domicile. C’est énorme. Notre objectif d’ici là est d’être prêt à couvrir 80 % des besoins du soin à domicile. »

Pour poursuivre ses efforts de R&D, l’entreprise, qui est soutenue par IXO Private Equity, une société de capital investissement toulousaine qui détient 49 % de son capital, cherche de nouveaux partenaires. Des soutiens qui lui permettraient également de réaliser de nouvelles opérations de croissance externe dans les années à venir. « Nous voulons continuer à nous spécialiser dans les soins à domicile et pour cela racheter une ou deux entités complémentaires. Si un dirigeant du CAC40 peut nous y aider, cela pourrait aller très vite. On ne s’interdit rien », conclut Thomas Leonarc Ducluzeau qui a prévu des rendez-vous avec plusieurs d’entre eux dans les semaines à venir.