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Mathieu Roudié, le nouveau président de la FBTP31, balaie les enjeux d’un secteur qui recrute

Interview. C’est le nouvel homme fort de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de Haute-Garonne. À l’occasion de l’assemblée générale ordinaire qui s’est déroulée le 20 juin 2024, Mathieu Roudié a été élu président à l’unanimité pour un mandat de trois ans. Il succède dans cette fonction à Émile Noyer qui a dirigé l’organisation pendant six ans.

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Photo de Mathieu Roudié
Attractivité, crise du logement, environnement... dans le domaine du BTP, les défis sont multiples. En Haute-Garonne, les PME-TPE ont un nouvel allié de taille en la personne de Mathieu Roudié. L’ancien vice-président de la CPME 31 a pris en juin 2024 la présidence de la Fédération du bâtiment et des travaux publics (FBTP31) pour un mandat de trois ans. (©La Gazette du Midi)

Diplômé de l’École de management de Grenoble, Mathieu Roudié dirige le groupe Roudié Miner, issu de la fusion en 2020 des entreprises Roudié et Miner. Spécialiste des métiers du second œuvre pour la construction et la rénovation, l’entreprise familiale compte 180 salariés, quatre agences à Toulouse, Montauban, Agen et Bordeaux, et réalise 38 M€ de chiffre d’affaires consolidés. À l’occasion de son élection à la présidence de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de Haute-Garonne (FBTP31), le chef d’entreprise a précisé les principaux axes de son mandat, à savoir : « Améliorer l’attractivité de nos métiers, lutter contre les mauvaises pratiques, accompagner des entreprises locales dans leur développement et l’innovation, ou encore poursuivre les démarches RSE. »

Avant d’aborder les questions de fond, pouvez-vous nous présenter en quelques chiffes la fédération que vous présidez ?
Mathieu Roudié, président FBTP31 : « La Fédération du bâtiment et des travaux publics de Haute-Garonne rassemble 1 000 entreprises adhérentes, contre 400 en 2018. Une dynamique plus que positive qui correspond à un besoin des entreprises de défendre leurs intérêts, se former et s’informer dans un contexte économique difficile. Comme on dit, l’union fait la force. Cette croissance des effectifs s’est essentiellement faite parmi les artisans. Aujourd’hui, les entreprises artisanales de moins de 10 salariés représentent 72 % de nos adhérents. Ce millier de TPE-PME emploie 18 500 salariés, c’est près d’un salarié sur deux dans le département. Elles totalisent 70 % du CA du secteur du BTP en Haute-Garonne, soit 3,9 Mds€. L’activité bâtiment représente 2,7 Mds€ de CA, contre 1,2 Md€ pour les travaux publics. »

Comme d’autres secteurs d’activité, le BTP connaît une crise des vocations. Comment la Fédération compte-t-elle renforcer l’attractivité du secteur et valoriser son image, notamment auprès de la jeune génération ?
Mathieu Roudié, président FBTP31 : « C’est un fait, le secteur du BTP connaît des difficultés de recrutement. À France Travail, il y a de façon endémique environ 5 000 postes à pourvoir en Haute-Garonne. La Fédération a réalisé il y a déjà quelques années une étude pour identifier les raisons de cette crise des vocations et définir des leviers d’actions pour attirer les jeunes comme les personnes en reconversion professionnelle. Accompagné par un cabinet de communication, nous avons depuis intensifié notre stratégie de communication pour moderniser l’image des métiers du BTP. Que cela soit au travers d’évènements ou de manifestations populaires comme le tournoi de Water Rugby ou encore via le dispositif « chantier d’excellence ». Ouverts comme des lieux de découverte aux jeunes et à leur formateurs, ces chantiers exemplaires en matière d’environnement, de qualité, de sécurité, de responsabilité sociale sont de véritables vitrines de la profession. Outre ces actions de terrain, nous sommes aussi actifs sur les canaux et supports digitaux. Nous avons notamment fait appel à des créateurs de contenu sur YouTube et Instagram pour en faire des ambassadeurs auprès de la jeunesse. À noter que nous travaillons étroitement avec les services de la préfecture via le programme Hope. Financé par l’État, ce partenariat public/privé vise à apporter une réponse aux problématiques de recrutement, tout en contribuant à l’insertion professionnelle des primo-arrivants en situation régulière. »

Jonathan Sutra, secrétaire général FBTP31 : « Pour renforcer l’attractivité du secteur, la Fédération 31 a aussi lancé en 2020 le dispositif “Time To Build” destiné à informer les jeunes sur les formations, les opportunités d’emploi et de carrière dans le BTP au sein même des établissements scolaires. L’an prochain, nous allons lancer un démonstrateur du métier du BTP au format escape game où les jeunes et les personnes en reconversion pourront découvrir de façon ludique une douzaine de métiers en 1 h 30. »

On le sait, la Fédération négocie les salaires au niveau régional avec les syndicats. Pour faire face aux difficultés de recrutement et à l’inflation, une revalorisation des salaires est-elle aussi sur la table ?
Jonathan Sutra
 : « Le niveau de rémunération dans le BTP est l’un des plus élevés tous secteurs d’activité confondus, donc ce n’est pas vraiment le sujet. Le BTP souffre principalement d’un déficit d’image dû en partie à une mauvaise connaissance du secteur car très vaste, avec plus de 30 métiers pour 100 spécialités. Voilà pourquoi, c’est primordial pour nous de démonter les préjugés et clichés qui nous collent à la peau, notamment en matière de conditions de travail. Les choses ont heureusement évolué dans le bon sens. »

C’est un secret de polichinelle, bon nombre de chefs d’entreprises du BTP vont partir à la retraite dans les années à venir. Comment la Fédération aborde-t-elle cette problématique de la transmission ?
Mathieu Roudié, président FBTP31
 : « Effectivement, la pyramide des âges est préoccupante, un tiers de nos chefs d’entreprises ayant plus de 50 ans. Et alors qu’il y a encore quelques années, ils étaient très nombreux à jouer les prolongations, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Beaucoup décident d’arrêter pour démarrer une nouvelle vie, et ce dès 55, 56 ans. Nous avons actuellement en Haute-Garonne une cinquantaine de sociétés officiellement à céder. C’est sans compter le marché caché. Sachant que chez nous, il faut compter en moyenne 24 mois afin de finaliser une cession. Pour faire face à cette situation, nous avons lancé il y a maintenant plusieurs années en Occitanie un dispositif inédit qui s’appelle “TransmiBat” qui vise à accompagner et à sécuriser la transmission des entreprises du BTP installées sur le territoire. Comment ? En faisant se rencontrer les personnes qui souhaitent céder leur entreprise et de futurs repreneurs. Autre levier, la communication. Nous essayons de sensibiliser nos adhérents à cette réalité. L’idée étant de leur faire prendre conscience que c’est un sujet qu’il convient de traiter bien en amont et non pas au dernier moment. L’anticipation est vraiment le maître mot de la transmission. »

Jonathan Sutra, secrétaire général FBTP31 : « Aujourd’hui, la moitié des transmissions se font en interne, soit au profit des membres de la famille du dirigeant ou des salariés. Pour l’autre moitié, c’est souvent de la croissance externe d’entreprise du BTP ou l’arrivée de personnes hors secteur. Depuis la fin du Covid, nous avons vu l’arrivée massive de profils venant de l’industrie. Des personnes qui souvent expriment un besoin intrinsèque de retrouver un sens à ce qu’ils font. De faire quelque chose de concret et utile. »

Dans quelle mesure la crise du logement, notamment sur le marché de l’immobilier neuf, impacte-t-elle les entreprises du BTP en Haute-Garonne ? Avez-vous des marges de manœuvre pour inverser la tendance ?
Mathieu Roudié, président FBTP31
 : « Aujourd’hui, le marché de l’immobilier neuf représente environ 44 % de l’activité : 30 % de logements d’habitation et 14 % de tertiaire (locaux commerciaux, bureaux, entrepôts, établissements scolaires…). Les 56 % restant portent sur de l’entretien-rénovation, dont 19 % de rénovation énergétique. Donc pour répondre à votre question, oui la crise du logement neuf impacte fortement les entreprises du BTP, notamment les “pure players” du logement. Avant le Covid et les lames de fond que l’on se prend dans la tête depuis quatre ans – aussi appelés polycrises – ces PME produisaient en Haute-Garonne environ 12 000 logements par an. En 2022, elles en ont produit 6 500 avant de tomber à 5 500 en 2023. Et les prévisions pour 2024 ne sont pas bonnes. Sur la maison individuelle, nous sommes arrivés en quelques années à - 50%. C’est un bain de sang. C’est Armageddon ! Entre la hausse des taux d’intérêts et des prix des matériaux, les mesures environnementales… construire une maison individuelle coûte aujourd’hui 30 % plus chère qu’il y a encore trois ans. Pour aider les entreprises en difficulté, la fédération joue son rôle de transmetteur de l’information, de facilitateur et d’accompagnateur. Nous essayons de les orienter vers des relais de croissance, c’est-à-dire de répondre à des appels d’offres sur le marché du tertiaire et/ou de la rénovation, des secteurs en croissance (+22 % et +5 %). Par ailleurs, nous avons et continueront d’inviter au sein même de la fédération les grands donneurs d’ordres pour qu’ils puissent présenter leurs projets. Nous l’avons fait avec Toulouse Métropole et Tisséo concernant la ligne C du métro et nous comptons bien poursuivre avec les acteurs de la santé, des transports… de manière à informer en amont nos adhérents sur ce qui se passe sur le territoire. »

Les activités du BTP génèrent d’importants volumes de déchets pour lesquels la question de la gestion se pose. Cette problématique est-elle aujourd’hui vraiment prise en compte par les acteurs du secteur, notamment par rapport au problème persistant des dépôts sauvages ?
Mathieu Roudié, président FBTP31
 : Nous avons réduit notre impact environnemental de 30 % depuis les années 90. Cela démontre bien que nous sommes mobilisés sur les enjeux liés à la transition énergétique et sur la nécessité de réduire le bilan carbone de nos entreprises. Ceci étant, il reste bien sûr encore beaucoup à faire. Si 75 % des déchets du BTP sont recyclés, seul 1 % est réemployé. L’objectif aujourd’hui est de passer à 5 %. Concernant les déchets qui ne peuvent pas être réemployés, le gouvernement a mis en place le principe du « pollueur-payeur ». Quatre éco-organismes ont été mandatés pour collecter cette taxe auprès des metteurs en marché. En échange, ces derniers doivent proposer des services aux entreprises : collecte et enlèvement gratuit des déchets, multiplication des points de collecte sur le territoire, etc. Problème, ces éco-organismes sont encore en phase de maillage du territoire. On se retrouve donc dans une situation problématique avec des entreprises qui continuent de payer l’enlèvement de leurs déchets en plus de l’éco-taxe. Lorsque la gratuité sera effective, nous aurons collectivement fait un grand pas. »