Entreprises

Mécénat culturel : Aïda élargit son offre

Financement. L’association des entreprises mécènes de l’Orchestre et de l’Opéra du Capitole fête ses 35 ans le 16 juin à Aéroscopia. Dans un climat économique plus tendu et face à une concurrence accrue, elle cherche à recruter de nouveaux soutiens.

Lecture 9 min
Photo de l'Orchestre du Capitole
Du fait de sa longévité, Aïda est une structure quasi unique en France dans le domaine du mécénat culturel. Elle réunit depuis 35 ans les entreprises mécènes de la Maison Capitole. (Crédit : AÏDA)

En 1988, Michel Plasson, le maestro toulousain, et Claude Goumy, à l’époque directeur de Matra Espace, ne se doutaient sans doute pas que, 35 ans après avoir créé l’association des entreprises mécènes de l’Orchestre du Capitole, Aïda serait toujours présente au côté de la phalange toulousaine et depuis cinq ans également de l’Opéra du Capitole.

Présente et très active, comme en témoigne l’élargissement des formules de soutien qu’elle propose désormais aux entreprises de la région. Mécènes qui sont toujours plus nombreux : s’ils étaient sept au départ, ils sont aujourd’hui plus d’une centaine toutes formules confondues, de la TPE aux grands groupes dont Airbus, soutien de la première heure, le Cnes, Safran, la Banque de France, la Caisse des Dépôts, Actia ou encore de grandes banques locales.

Le Cercle d’entreprises d’Aïda – la formule historique – qui regroupe aujourd’hui 80 entreprises adhérentes, soutient le rayonnement de l’Orchestre du Capitole. Il permet de collecter de l’ordre de 350 K€ chaque année dont près de 250 K€ permettent de financer notamment les tournées à l’étranger, l’enrichissement de sa discographie et la diffusion audiovisuelle. Les entreprises membres du cercle bénéficient en échange d’avantages : des places pour six concerts exclusifs qui peuvent bénéficier aux collaborateurs, aux clients et fournisseurs.

Depuis le Covid, d’autres formes de mécénat ont cependant émergé. « Le secteur du mécénat évolue, explique Vincent Lauga, délégué général de l’association, avec l’apparition de nouvelles causes, de nouvelles pratiques en entreprise, de nouvelles structurations des stratégies de mécénat au sein des entreprises, l’émergence de services RSE, sponsorship ou éthique qui jouent un rôle important dans la prise de décision de l’acte de mécénat. En conséquence, l’association a ouvert son spectre en direction de nouvelles formes de ressources ».

Du mécénat solidaire...

La première de ces nouvelles formules est le mécenat par projet en lien avec des thématiques très actuelles que sont la jeunesse, le handicap et le vivre ensemble.

« Dans ce cadre, l’association soutient des projets portés par l’Orchestre et l’Opéra ou a elle-même un programme, ce que nous appelons le mécénat solidaire, en faveur de la jeunesse, des projets qui visent à ouvrir la musique vivante, l’art lyrique et la danse au plus grand nombre. » Projets éducatifs, projets de diffusion, projets hors les murs, projets autour du handicap sont donc désormais soutenus par Aïda qui recherchent de nouveaux mécènes pour les financer.

L’association soutient par exemple le Bus Figaro, une production originale de l’Opéra du Capitole inspirée du Barbier de Séville de Rossini, qui vient de faire une tournée d’un mois dans les écoles de la région. Aïda soutient également le projet de musicothérapie « Tous les matins d’orchestre ».

Initié il y a deux ans par l’Orchestre du Capitole, il vise à mettre en place des sessions musicales auprès de personnes en situation de handicap afin de les sensibiliser à la musique classique. Au cours de la première année, 180 personnes ont pu bénéficier de ce programme.

...à l’événementiel

L’association propose une troisième formule de mécénat, liée cette fois à l’événementiel.

« Pour répondre à la demande de nos entreprises mécènes, nous avons décidé de créer des offres sur mesure, très prestigieuses, pour leurs opérations de relations publiques. C’est le cas de nos Soirées étoilées. Il s’agit d’un pack qui associe un accès privilégié à une représentation d’opéra et du ballet au Théâtre du Capitole et un événement privé chez notre partenaire Stéphane Tournié, aux Jardins de l’Opéra. Nous proposons cette même formule pour l’Orchestre, à la Halle aux Grains, où, à l’issue de la représentation, nous offrons un temps d’échange avec le chef d’orchestre, un soliste, etc. Ce mécénat plus commercial est en fort développement lui aussi. »

Ces nouvelles formes de mécénat, qui offrent plus de souplesse et de réactivité, permettent à Aïda de collecter près de 200 K€ supplémentaires chaque année.

Une concurrence accrue

Présidée depuis 2018 par Pierre d’Agrain, associé chez Exco, Aïda veut profiter de la soirée d’anniversaire qu’elle organise le 16 juin à Aeroscopia, pour remercier ses mécènes et en séduire de nouveaux. « Depuis notre création, nous sommes fortement identifiés par les “concerts Aïda”. Notre objectif aujourd’hui est certes de consolider le Cercle des entreprises et de trouver de nouveaux adhérents mais aussi de faire connaître nos nouvelles offres afin de pouvoir poursuivre nos missions, et notamment permettre au plus grand nombre d’avoir accès à la richesse de ce que proposent l’Orchestre et l’Opéra », confirme Vincent Lauga.

Attirer de nouveaux soutiens est un enjeu fort pour l’association car, si les résultats de l’association sont bons, les différentes crises qui se succèdent depuis la pandémie ne sont pas sans effet sur l’activité de mécénat.

« On constate que des secteurs sont en tension, par exemple la promotion immobilière, qui était historiquement très présente parmi nos mécènes. Il y a donc bien un effet conjoncturel. Ce fut le cas pour le secteur aéronautique durant le Covid. Nous l’avons alors moins sollicité, mais depuis cette année, il est de nouveau très présent. Il nous faut donc faire de la veille.

L’autre évolution concerne la formalisation de la prise de décision au sein des entreprises. Il y a en effet de plus en plus de normes anti-corruption ou éthiques et donc de plus en plus d’étapes avant de valider un engagement de mécénat.

Ajouté à cela le fait que nous avons la chance, à Toulouse, de bénéficier d’une vie culturelle très riche. Il y a donc nécessairement de plus en plus de concurrence, sans parler des nouvelles causes qui émergent : l’environnement, la recherche et la santé, l’inclusion.

Ces sujets ont de plus en plus recours au mécénat, avec des besoins conséquents. Il

Photo de Vincent Lauga
Vincent Lauga (Crédit : AÏDA)

nous faut être d’autant plus créatifs et engagés pour tenir nos objectifs. Les budgets mécénat des entreprises ne sont en effet pas extensifs. Ce sont les défis que nous avons à relever désormais », confirme Vincent Lauga.

Et le délégué général de conclure : « Si Aida se porte bien, c’est aussi parce qu’elle a un modèle puissant, avec deux collaborateurs sur le terrain tous les jours, et qu’elle s’appuie sur deux institutions, l’Orchestre et l’Opéra du Capitole, parmi les plus prestigieuses de la région. Il n’en reste pas moins qu’il faut demeurer prudent, rien n’est jamais acquis. Les 35 ans ont un double enjeu : fidéliser et continuer de prospecter. Nous fidélisons en effet 75 % de notre portefeuille d’une année à l’autre, ce qui signifie que nous devons aller chercher un quart de nouveaux mécènes chaque année. On ne s’endort pas sur nos lauriers ! »