Micropep planche sur un fongicide à base de peptides pour protéger les cultures et s’allie à Corteva
Innovation. La société de biotechnologie toulousaine, qui développe des produits à base de micropeptides destinés à l’agriculture, vient de signer un partenariat de recherche avec le géant américain qui figure parmi les leaders de l’agrochimie. Objectif : élargir son portefeuille d’ingrédients actifs et accélérer leur mise sur le marché.

Depuis les années 90, la consommation de pesticides, à savoir les produits chimiques employés contre les mauvaises herbes, les champignons ou encore les insectes qui menacent les cultures, a explosé selon une étude réalisée en 2023 par la Fondation Heinrich Böll, Friends of the Earth Europe, Bund, le Pesticide Action Network Europe et La Fabrique écologique. Selon ces travaux, cités par le site Novetic, depuis 1995, leur consommation a progressé de 80 %, représentant un marché de 130,7 Mds$ à l’échelle mondiale, capté à 70 % par quatre grands groupes que sont Syngenta, Bayer, Corteva et BASF.
Alors que la pression réglementaire s’accentue contre l’utilisation de ces produits chimiques en raison de leurs effets sur l’environnement et la santé humaine, la recherche d’alternatives plus vertueuses constitue un enjeu colossal. Pour répondre à ce défi, l’une des solutions réside dans les produits de biocontrôle qui, pour protéger les cultures, s’appuient sur les mécanismes et les interactions existant dans la nature. C’est ce champ de recherche qu’explore Micropep, une start-up toulousaine, fondée en 2016 par Thomas Laurent, son actuel PDG.
Issue du Laboratoire de recherche en sciences végétales du CNRS et de la Société de transfert de technologie Toulouse Tech Transfer, Micropep a mis au point une technologie unique, non OGM, qui permet d’identifier et de moduler l’expression de certains gènes des plantes grâce à l’utilisation de micropeptides. Concrètement, ces petites protéines permettent d’influer sur les capacités naturelles des plantes, constituant ainsi une alternative aux intrants pétrochimiques.
Près de 60 M$ levés depuis 2016
Une technologie qui suscite beaucoup d’intérêt. En témoigne le succès remporté par ses trois tours de table, grâce auxquels la société a levé depuis sa création près de 60 M$. Pour faciliter sa recherche de capitaux, la jeune pousse toulousaine, a ouvert en 2023 des bureaux à Raleigh, en Caroline du Nord (USA). Une stratégie gagnante puisque qu’elle a reçu l’appui financier d’un important fonds américain, Fall Line Capital. Cette implantation outre-Atlantique lui permet aussi de se rapprocher de ses clients nord et sud-américains. Une dizaine de personnes y travaille déjà sur un effectif total de plus de 50 salariés.
Ces moyens financiers importants lui ont permis de développer une plateforme, baptisée Krisalix qui combine intelligence artificielle et bio-essais pour accélérer l’identification de ces micropeptides. Société intégrée, Micropep est ainsi présente sur l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la découverte des péptides jusqu’au dépôt des dossiers réglementaires avant leur mise sur le marché via des distributeurs ou des partenaires.
Un premier produit bientôt sur le marché

Le toulousain, qui pour l’heure n’a généré aucun chiffre d’affaires, va justement d’ici le début de l’année prochaine déposer plusieurs dossiers réglementaires au Paraguay, au Brésil, aux États-Unis et en Europe en vue de la commercialiser son premier produit.
Il s’agit d’un biofongicide qui, appliqué en complément d’autres produits de biocontrôle ou produits phytosanitaires conventionnels, est destiné à lutter contre la rouille asiatique du soja, un des principaux pathogènes de cette plante dont la culture est très répandue en Amérique Latine. Cet antifongique à large spectre cible également les infections à phytophthora dans la pomme de terre et le mildiou dans la vigne.
Cette première mise sur le marché est un cap important pour la start-up qui démontre ainsi la pertinence de son modèle et de sa technologie. De quoi rassurer ses investisseurs parmi lesquels Corteva, entré au capital de Micropep en septembre 2024. La pépite toulousaine vient d’ailleurs de signer un partenariat stratégique avec le géant américain des produits phytosanitaires, issu de la fusion de Dow et DuPont.
Une étape cruciale

Dans le cadre de cet accord de recherche pluriannuel, la jeune pousse met une partie de sa librairie de micropeptides à disposition de l’industriel pour lui permettre de développer de nouveaux produits de protection des cultures. Ce partenariat permet en retour à Micropep de bénéficier des vastes connaissances de Corteva en matière de formulations et de technologies adjacentes.
Il s’agit donc d’« une étape cruciale » pour Micropep, selon Mikael Courbot, son directeur de la technologie. « Nous sommes une petite équipe, et même si nous avons accompli déjà beaucoup de choses, avoir Corteva à nos côtés, cela va nous permettre d’accélérer nos projets », se réjouit le docteur en biologie. Et d’ajouter :
En associant le moteur d’innovation de Micropep à l’expertise mondiale de Corteva, nous sommes convaincus que nous renforcerons notre capacité de recherche, avec des retombées positives pour les agriculteurs, l’environnement et l’avenir de l’agriculture. »
Le CTO de Micropep n’exclut d’ailleurs pas de signer d’autres partenariats de ce type. « Le but est bien évidemment d’arriver à intéresser d’autres majors ou de moins grands acteurs du secteur pour travailler avec nous sur d’autres modes d’action ainsi que sur de nouvelles indications », confirme Mikael Courbot. Micropep, qui travaille déjà en parallèle sur des herbicides, veut dans un avenir proche également se positionner sur le segment des insecticides.