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Nanolike se renforce sur le marché des silos connectés grâce à Holcim

IoT. Le cimentier Holcim vient d’entrer au capital de la start-up toulousaine. Au passage, la jeune pousse, spécialiste des nano-capteurs connectés, engrange un marché de plusieurs milliers de capteurs.

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Photo de la solution SiloConnect de Nanolike
La solution SiloConnect de Nanolike devrait être déployer très largement par le cimentier Holcim (©Nanolike).

La start-up toulousaine Nanolike s’apprête à faire un spectaculaire bond en avant. L’entreprise spécialiste des nano-capteurs connectés qui a réalisé 1,5 M€ de chiffre d’affaires l’an dernier (en croissance de 50 % par rapport à l’année précédente), mise en effet sur un volume d’activité de 10 M€ d’ici à 2026. Une perspective de croissance record qu’elle doit notamment à un contrat remporté récemment auprès d’un des leaders mondiaux sur le marché de la construction, le groupe Holcim, aujourd’hui propriétaire du cimentier Lafarge. Afin de consolider un peu plus le partenariat industriel entre les deux acteurs, Holcim vient d’ailleurs d’entrer au capital de la start-up toulousaine.

Entrée au capital

Photo de SiloConnect
SiloConnect permet aux industriels d’optimiser la gestion de leurs stocks (©Nanolike).

Le groupe, qui « a pris une participation minoritaire de l’ordre de 20 % du capital », précise Jean-Jacques Bois, président et cofondateur de Nanolike, prévoit en effet d’utiliser très largement sa solution SiloConnect. Le marché porte sur la fourniture de plusieurs milliers de capteurs qui seront déployés par Holcim partout dans le monde au cours des trois prochaines années, et notamment « au Canada, aux États-Unis et en Europe ».

Cette solution va permettre au géant suisse d’optimiser sa chaîne d’approvisionnement. Les capteurs connectés installés sur les silos à ciment sont capables en effet de mesurer leur niveau de remplissage, permettant ainsi de rationaliser les livraisons de ciment, mais aussi d’automatiser le processus de commande grâce un système d’alerte automatique lorsque ce niveau est faible. Grâce à cette technologie, le cimentier espère réaliser de substantielles économies et améliorer son impact environnemental.

Optimiser la chaîne d’approvisionnement

Ce partenariat avec Holcim constitue un tournant majeur dans le développement de la start-up, confirme Jean-Jacques Bois :

Pour nous, c’est un marché sécurisé de plusieurs millions d’euros, mais c’est aussi la certitude de pouvoir faire évoluer la solution en partenariat avec le leader du marché. »

Un sérieux avantage pour le cofondateur de Nanolike qui poursuit : « Avoir à ses côtés un des gros acteurs du secteur qui vous accompagne et vous fait des retours du terrain, cela permet de développer un produit vraiment adapté au marché  ».

Photo de Jean-Jacques Bois
Jean-Jacques Bois, président et cofondateur de Nanolike (©Nanolike).

C’est, du reste, ce qui a permis à la PME de concevoir la solution SiloConnect, destinée à l’origine au monde agricole. Elle a travaillé, à l’époque, avec Cooperl, une importante coopérative bretonne.

Créée en 2012 à Toulouse par Jean-Jacques Bois et Samuel Behar, deux ingénieurs de l’Insa Toulouse, Nanolike a été fondée avec un objectif : développer des technologies de jauge de contrainte, des capteurs de déformation, à base de nanoparticules. Une technologie issue du Laboratoire de physique et chimie des nano-objets (LPCNO). « Nous avons poussé cette idée pendant plusieurs années grâce à plusieurs levées de fonds et un accompagnement public assez important. Malheureusement, cette technologie n’a jamais réellement trouvé son marché », reconnaît Jean-Jacques Bois.

En 2017, l’entreprise opère un premier pivot après avoir reçu des marques d’intérêt de la part d’entreprises du secteur agricole. « Leur question était la suivante : pouvait-on utiliser cette technologie de jauge de contrainte pour, grâce à des capteurs de déformation installés à l’extérieur du silo, mesurer son niveau de remplissage ? », détaille-t-il.

Le poids génère en effet des efforts mécaniques sur la structure métallique du silo. « Elle se déforme de quelques micromètres, une déformation invisible à l’œil nu mais que notre technologie permet de mesurer, ajoute Jean-Jacques Bois. Nous avons mené des travaux sur le sujet avant de nous rendre compte qu’on n’avait pas besoin de nanotechnologie pour cela. La microélectronique permettait d’obtenir le même résultat  ».

Un marché à très fort potentiel

L’année suivante, la société Nanolike est reprise par Gilbert Gagnaire. Le fondateur de la start-up toulousaine EasyMile injecte 1 M€ dans la structure pour développer ce marché à très fort potentiel. Désormais, l’objectif pour l’équipe est de développer « une solution complète de monitoring de silos » qui peut s’intégrer au système informatique du client.

Nous vendons le capteur connecté qui envoie les données dans le cloud, et derrière cela, nous avons développé des algorithmes fondés sur l’intelligence artificielle qui transforment la déformation du silo en niveau de remplissage, une plateforme web et une application mobile ».

Les premiers clients de Nanolike ont été des fabricants d’aliments pour animaux d’élevage, qui installent la technologie chez les agriculteurs. Or, ceux-ci ont souvent le nez dans le guidon. « Le vendredi après-midi, ils vérifient le contenu de leur silo et se rendent compte qu’ils n’ont pas assez d’aliments pour passer le week-end. Ils appellent alors la coopérative pour une livraison en urgence. Notre solution SiloConnect permet de résoudre cette problématique. Grâce aux capteurs installés sur les silos, la coopérative a en effet une vision globale du niveau de remplissage des silos de ses clients et reçoit des alertes lorsque l’un d’eux diminue et qu’aucune commande n’a été passée… L’enjeu est de fluidifier ce processus tout en permettant à la coopérative d’optimiser ses tournées de livraison  ».

C’est l’obtention en 2020 d’une bourse de 2 M€ de l’EIC (European Innovation Council), qui donne l’occasion aux dirigeants de Nanolike de rencontrer des représentants du cimentier Holcim, confronté à des enjeux similaires. « Nous avons dû adapter notre technologie à cette nouvelle problématique et six mois plus tard nous avons reçu une première commande d’une cinquantaine de capteurs destinés à la filiale grecque du cimentier. D’autres en Allemagne, en Australie, nous ont ensuite également témoigné de l’intérêt… Jusqu’à ce qu’en fin d’année 2022, Holcim nous confirme son souhait de déployer notre technologie à l’échelle du groupe »

Une filiale au Canada

En parallèle, la PME, qui n’a pas d’engagement d’exclusivité vis-à-vis d’Holcim, mène un autre projet de recherche, financé en partie par la Région, pour développer une solution adaptée aux silos à ciment mobiles. « Les enjeux sont les mêmes avec en plus une problématique de géolocalisation et de continuité de la chaîne d’approvisionnement afin de ne pas arrêter le chantier.  » Un produit plus complexe qui nécessite de nouveaux développements. «  C’est typiquement le genre d’application auquel nous n’aurions pas songé si nous n’avions pas été en contact avec le groupe. Les avoir comme partenaires permet très rapidement de valider ou pas la pertinence d’un marché », se réjouit le président de Nanolike.
L’entreprise compte aujourd’hui 18 collaborateurs, dont douze travaillent à Toulouse et six au sein de la filiale québécoise créée l’an dernier. En 2022, Nanolike a réalisé plus de la moitié de son chiffre d’affaires au Canada, « un très gros marché, pour nous », conclut Jean-Jacques Bois.