Pangea Aerospace lève 23 M€ et veut doubler de taille d’ici deux ans
Spatial. Basée à Barcelone et Toulouse, la jeune pousse est spécialisée dans les systèmes de propulsion de fusée. Plus économique et plus écologique, la technologie qu’elle a développée doit permettre à l’industrie spatiale européenne de gagner en compétitivité alors que l’accès à l’espace devient un enjeu stratégique majeur.

Depuis le lancement de Spoutik en 1957, le nombre de satellites en orbite au dessus de nos têtes n’a cessé de grimper pour atteindre 7 500 en 2023 (chiffre du Cnes). Depuis deux ans, le nombre de lancements de nouveaux satellites a encore accéléré puisque selon le site lembarque.com, la barre des 10 000 satellites en orbite a été franchi en juin 2024 dont plus de 6 000 pour la seule méga-constellation Starlink de SpaceX, la société du milliardaire états-unien Elon Musk.
Dans les prochains mois, ce sont entre 2 500 et 3 000 nouveaux satellites qui devraient ainsi être lancés, dans le cadre des plans de déploiement de ces gigantesques systèmes satellitaires et pour répondre aux nouveaux besoins dans le domaine des télécommunications et de l’observation de la Terre.
Un secteur stratégique essentiel
Alors que ces lancements sont effectués pour moitié par des opérateurs nord-américains et à hauteur de 30 % par la Chine, le Vieux Continent cherche, lui aussi, à se faire une place dans ce secteur stratégique essentiel à la fois aux télécommunications, à la mobilité et à la défense. Les autorités européennes se sont ainsi engagées à développer et renforcer leurs propres capacités, afin d’atteindre le plus rapidement l’indépendance stratégique. Un objectif que le contexte géopolitique actuel ne fait que renforcer.
Accroître les capacités de l’Europe dans le domaine spatial passe avant tout par le développement de systèmes de propulsion plus efficaces et rentables sachant en effet que la propulsion représente globalement 30% du coût total de développement d’une fusée. C’est ce qui a conduit en septembre 2024 l’agence spatiale européenne (ESA) à confier à la start-up franco-espagnole Pangea Aerospace, spécialisée dans le développement de systèmes de propulsion spatiale, la mission cruciale de préparer une solution pour les futurs lanceurs lourds européens.
France 2030 et l’ESA
Pour la jeune pousse, née à Barcelone en 2018 et installée également à Toulouse depuis 2022, la tâche consistera dans les mois à venir « non seulement à identifier les besoins et futurs du marché pour que les futurs lanceurs européens soient dotés du moteur à très forte poussée, mais également à identifier et sélectionner les technologies qui y répondront le mieux », précise Marie-Laure Gouzy, directrice France de Pangea Aerospace.
Ce moteur de plus de deux mégatonnes de poussée nommé Kronos devra en effet répondre aux exigences des systèmes de lancement avancés, notamment pour les vols spatiaux habités, l’exploration au-delà de l’orbite terrestre basse (LEO) et les marchés des méga-constellations. L’objectif pour la jeune pousse, qui emploie 59 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 3,5 M€, est donc de créer un bloc de propulsion adaptable à différents lanceurs. L’idée étant, en réduisant les coûts de lancement et en augmentant leur cadence, de gagner en compétitivité.
Pour mener le projet que lui a confié l’ESA, Pangea Aerospace a pris la tête d’un consortium qui comprend plusieurs partenaires stratégiques européens tels que Safra, Sabca, Apco Technologies, Spacedreams, Empa, Politecnico di Milano et Latitude. À noter, que la start-up franco-espagnole est également lauréate, depuis décembre 2023, de l’appel à projet « Développement de mini et micro-lanceurs » de France 2030 pour son projet de fourniture d’un système de propulsion réutilisable pour un étage supérieur de lanceur.
Innovation de rupture
Ces systèmes de propulsion exploitent la technologie aerospike que « Pangea Aerospace est la seule entreprise française et européenne à maîtriser », poursuit Marie-Laure Gouzy. L’entreprise, qui a levé plus de 8 M€ depuis sa création, a en effet réalisé une avancée majeure en validant techniquement pour la première fois au monde un moteur aerospike réutilisable et utilisant des carburants verts. Ce type de propulsion, conçu pour être réutilisé plus de 10 fois, permet de réduire drastiquement l’impact environnemental des lanceurs.
Pour conforter son développement, Pangea Aerospace vient de boucler un nouveau tour de table de 23 M€. Mené par le madrilène Hyperion Fund, spécialisé dans les technologies aérospatiales, la cybersécurité, l’IA et la défense, il a reçu le soutien de ses investisseurs actuels, CDTI Innvierte et le fonds italien Primo Space. L’ancien PDG d’Ariane Group, André-Hubert Roussel, a également rejoint l’aventure.
Doubler de taille en deux ans
L’entreprise, qui emploie une vingtaine de personnes à Toulouse, prévoit de doubler ses effectifs dans les deux ans à venir ainsi que son chiffre d’affaires dès 2025. De fait, elle évalue à 120 M€ « les opportunités commerciales identifiées pour les prochaines années », précise Adria Argemi, directeur général et cofondateur de la start-up. En avril 2023, elle avait ainsi annoncé la signature d’un premier contrat portant sur la vente de son moteur aerospike (baptisé Arcos) à Tehiru, société américaine de lancement. Cette collaboration pourrait générer jusqu’à 50 M€ de revenus dans les prochaines années.
Forte de ces premiers succès, et grâce aux nouveaux moyens financiers dont elle dispose, Pangea Aerospace veut accélérer son expansion sur le marché européen, à la fois en à élargissant sa base de clients privés et en s’intégrant aux programmes de l’ESA et d’autres agences spatiales. Plus précisément, l’arrivée d’Hyperion Fund permettra à Pangea Aerospace « de renforcer ses capacités de fabrication, d’intégration et de tests, tout en accélérant dans le développement de technologies stratégiques essentielles à la souveraineté nationale et européenne, à un moment clé dans le contexte mondial », conlcut la jeune pousse dans un communiqué daté du 18 mars.