Précoce et abondant, le chasselas de Moissac en ordre de bataille pour séduire les consommateurs
Viticulture. Alors que la récolte du raisin chasselas de Moissac a commencé 10 jours plus tôt cette année et que les volumes commercialisés restent faibles, la profession a sollicité fin septembre une entrevue avec le préfet de Tarn-et-Garonne. Objectif de cette réunion entre l’ensemble des acteurs de la filière, dont la grande distribution ? Trouver dès maintenant des solutions pour écouler la production et ainsi éviter la crise.

C’est l’un des produits stars des tables cet automne. AOP depuis 1996, le chasselas de Moissac regroupe un territoire vaste de 347 hectares répartis sur 76 communes du Quercy, entre le sud du département du Lot et le nord du Tarn-et-Garonne. Ils sont aujourd’hui 165 producteurs à cueillir à la main chaque grappe de ce raisin d’exception afin de garantir une qualité irréprochable.
Un savoir-faire séculaire, et ce à toutes les étapes, qui nécessite beaucoup de main-d’œuvre : 900 à 1 200 heures de travail par an pour un hectare de vigne ! Plébiscité par les palais les plus exigeants pour sa complexité aromatique, grâce à son goût de miel et ses notes florales, le chasselas de Moissac est pourtant boudé par une partie des consommateurs. Malgré un grand cru 2025 récolté avec précocité, les producteurs s’alarment en effet d’un démarrage commercial « timide ». Fin septembre, 80 % de la récolte était encore en attente d’être distribuée.
Dans l’attente d’un sursaut de consommation
Face à la difficulté d’écouler leurs stocks et ce, malgré des prix relativement bas par rapport au coût réel de production, les professionnels du secteur ont obtenu le 29 septembre dernier une entrevue avec Vincent Roberti, le préfet de Tarn-et-Garonne. Étaient également présents : Claude Gautier, président du syndicat de défense du chasselas de Moissac, Julien Custody, vice-président de l’association interprofessionnelle des raisins du Sud-Ouest (AIRSO), Jean-Philippe Viguier, président de la chambre d’agriculture du 82, Éric Fabre, président de l’association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel), des metteurs en marchés et des représentants des enseignes de distribution.
« L’objectif de cette réunion était vraiment de discuter avec l’ensemble des parties prenantes de ces difficultés de commercialisation, explique Stéphane Lucas, responsable technique au sein du Syndicat de défense du chasselas de Moissac AOP, insistant sur le caractère pro-actif de cette rencontre. Non, la filière n’est pas en crise, « mais il est toujours bon d’être vigilants et d’anticiper ». D’autant plus après des récoltes 2023 et 2024 en demi-teinte, marquées par une baisse des volumes de production.
Alors que 80 % de la production est écoulée par la grande distribution (les 20 % restants par la vente directe ou via de petits détaillants), leurs représentants se sont engagés à l’issue de cette entrevue « à étudier des suites rapides afin de mettre en avant le chasselas de Moissac dans leurs magasins dans les semaines à venir », a indiqué la Préfecture, assurant qu’un bilan d’étape sera réalisé prochainement.
Concurrence déloyale, pénurie de main d’œuvre...

Malgré les contraintes actuelles, les chasselatières et chasselatiers entendent bien continuer à se battre pour la reconnaissance et la valorisation de leur produit, premier fruit frais à obtenir une appellation d’origine contrôlée (1971) et à être inscrit à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel (2017). Un combat ô combien important aux vues des nombreux défis auxquels font face les acteurs de la filière. À commencer par une concurrence accrue et jugée « déloyale » avec les raisins importés d’Italie ou d’Espagne qui menacent aujourd’hui la pérennité des entreprises locales.
« On les retrouve malheureusement sur les étals de la grande distribution, souvent en tête de gondole y compris dans les magazines et les publicités, à des prix inférieurs à nos coûts de production », déplore Stéphane Lucas qui somme les pouvoirs publics d’agir plus efficacement contre ces pratiques. « A priori, on a des politiques qui sont là pour défendre nos intérêts. Je dis bien a priori, donc maintenant il faut qu’ils nous le montrent ! »
Autre sujet majeur, le manque chronique de main-d’œuvre. À l’image du secteur agricole dans son ensemble, « nous avons des difficultés récurrentes à trouver des travailleurs ayant les compétences et la "culture du produit", malgré la bonne volonté de la main-d’œuvre étrangère », souligne le technicien du syndicat avant de pointer du doigt l’impact sur la filière des restrictions successives d’utilisation des produits phytosanitaires.
Un produit artisanal à (re)découvrir
Dans son viseur notamment la décision prise en juillet dernier par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) de ne pas renouveler « à la surprise générale » l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de 20 fongicides à base de cuivre. Un nouveau coup dur, notamment pour la viticulture biologique. « Les décisions de non-renouvellement d’agréments comme celles-ci mettent la filière face à des impasses techniques, pour le bio comme pour le conventionnel. Il faut des alternatives efficaces avant de supprimer tel ou tel produit », insiste Stéphane Lucas, dénonçant dans le même temps l’importation en France de produits traités.
Pour autant, grâce au dialogue avec les pouvoirs publics ou encore à des initiatives comme la création de l’association interprofessionnelle des raisins du Sud-Ouest (voir encadré), la filière se veut optimiste. Alors que la récolte 2025 se poursuit, elle prévoit de dépasser en volume les 1 832 tonnes produites en 2024 et atteindre 2 500 tonnes. Plus largement, elle espère séduire de nouveaux consommateurs attirés par des produits plus authentiques, artisanaux, à l’image du retour en grâce des fruits et légumes d’antan ou encore de l’engouement pour le vintage.