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Recyclage de la fibre de carbone : un nouveau procédé moins polluant et moins coûteux breveté par le CNRS

Innovation. Une nouvelle solution de recyclage de la fibre de carbone a été mise au point et brevetée par des chercheurs toulousains du CNRS et l’entreprise Expleo, prestataire de services global en ingénierie, technologie et conseil. Cette méthode innovante à faible impact environnemental permettrait la réutilisation de fibres de carbone issues de pièces d’avions et de voitures.

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Photo d'Émile Perez et Philippe Ponteins
Émile Perez, Directeur de recherche au CNRS et Doctorant du projet de recyclage de la fibre de carbone et Philippe Ponteins, Responsable innovation chez Expleo. © Softmat

La fibre de carbone est utilisée dans de nombreuses industries, notamment dans le secteur du BPT, de l’éolien, du luxe, de l’automobile et de l’aéronautique. Elle est reconnue pour sa légèreté et ses performances mécaniques inégalables. Selon Polyvia, syndicat professionnel de la filière plasturgie et composites, la demande de fibre de carbone a triplé entre 2010 et 2020 malgré un prix qui avoisine les 100 € le mètre carré et devrait dépasser 190 kilotonnes d’ici 2050 dans le monde. Mais alors que bon nombre d’États et d’entreprises ont fait des questions environnementales un enjeu prioritaire, le recyclage de ce composant pose problème.

En effet, sa production est polluante et énergivore. Et pour cause, la fibre de carbone est obtenue en filant un prépolymère précurseur, généralement du polyacrylonitrile (ou PAN), une matière plastique non durcie qui est transformée en un fil très fin. Le PAN est fabriqué à partir de pétrole, une énergie fossile naturelle dont les réserves sont limitées. Les experts estiment que la fibre de carbone pourrait ainsi générer, d’ici 2025, 20 kilotonnes de déchets par an.

Un recyclage en moins de 24 heures et à 60°

Mais la donne pourrait bientôt changer grâce aux travaux de recherche menés par des chercheurs toulousains du CNRS en collaboration avec l’entreprise Expleo, spécialisée en ingénierie des systèmes complexes dans l’aéronautique, la défense, l’automobile, le ferroviaire ou l’énergie. Ils ont mis au point et breveté une nouvelle solution de recyclage plus performante. Pourquoi ? Car elle rend possible la récupération des fibres de carbone contenues dans un matériau composite en moins de 24 heures et à une température de moins de 60 degrés, quand les solutions existantes utilisent des températures entre 200 et 3 000°.

Par ailleurs, le processus de récupération est dit « doux », c’est-à-dire sans utiliser d’élément chimique toxique, pour garder une longueur de fibre suffisante en vue de sa réutilisation. « Étant donné que l’on abîme très peu les fibres, on peut envisager de les réutiliser après plusieurs recyclages », explique même Émile Perez, directeur de recherche CNRS au sein du laboratoire Softmat de l’Université Toulouse III-Paul Sabatier et doctorant du projet de recyclage. Le procédé développé est donc plus écologique et moins coûteux en énergie. Il ouvre aussi la voie à une structuration d’une nouvelle filière de recyclage pour des secteurs industriels utilisant les composites carbone.

Vers l’industrialisation du processus ?

Le projet a déjà été sélectionné lors de l’appel à manifestation d’intérêt en économie circulaire en 2023 « Avion commerciaux en fin de vie » lancé par Aerospace Valley, Airbus et Tarmac Aerosave, preuve de l’intérêt des acteurs du secteur de l’aéronautique. La même année, la solution a été lauréate du prix Airbus « recyclage composite ». Après validation en laboratoire, la prochaine étape pour le CNRS et l’entreprise Expleo est d’industrialiser leur procédé innovant. Objectif ? Rendre la solution opérationnelle sur des dimensions et des quantités plus grandes notamment pour le recyclage de pièces d’avions ou de pales d’éoliennes.

Outre son impact sur les secteurs économiques, technologiques et écologiques, « ce projet a contribué à l’évolution des thématiques de recherche de notre laboratoire en participant à la transition vers le domaine du recyclage chimique », indique Émile Perez avant de conclure : « Après cette première réussite, il est possible d’envisager la mise au point de procédés similaires pour d’autres matériaux, dont le recyclage est aujourd’hui difficile ou trop impactant sur l’environnement. »