Entreprises

Reprise d’une PME après un parcours de cadre : attention au choc des cultures !

Transition. Quitter un grand groupe pour reprendre une PME suppose un changement complet d’univers. Parfois déstabilisant, ce bouleversement est souvent sous-estimé par les repreneurs. Pascal Ferron, président de Walter France, réseau de cabinets d’expertise comptable, de conseil et d’audit, explique concrètement à quoi le repreneur doit s’attendre.

Lecture 7 min
Passer d’une grande entreprise à une petite structure se révèle souvent être un choc de culture. (©Pixabay)

Selon le ministère de l’Économie, un quart des dirigeants d’entreprises ont plus de 60 ans et 11 % ont plus de 66 ans. On estime ainsi à près de 700 000 le nombre d’entreprises qui seront à céder dans les 10 prochaines années. Ce sont autant de belles opportunités pour des cadres dirigeants épris d’indépendance.

Cependant nombre d’entre eux qui ont fait carrière dans un grand groupe s’imaginent – à tort – qu’ils vont pouvoir transposer assez facilement, ou de manière similaire, leurs méthodes de direction à la gestion de la PME qu’ils vont reprendre. Totale illusion ! Le monde de la PME est très différent, voire même aux antipodes, notamment quant à la prise de risques et à la manière de manager.

En prise directe avec la réalité

C’est une évidence : la PME est petite, parfois trop petite. Vous étiez habitué aux processus qui s’enchaînent, aux décisions qui se diluent, aux organigrammes matriciels et complexes en mode « Rubik’s cube », déjà remis en cause alors qu’ils viennent à peine d’être diffusés ? Dans votre PME, vous êtes en prise directe avec tous vos salariés. Plus de filtre, plus d’intermédiaires.

L’organigramme ressemble à un râteau, avec des dents plus ou moins longues, parfois un peu biscornu, mais qui signifie que tout le monde se réfère ou aime se référer plus ou moins directement au patron. Vous allez passer d’un monde rigide et structuré à un univers où priment la souplesse, la réactivité, l’agilité et la proximité. Le résultat de mauvaises décisions revient à la vitesse de l’éclair comme un boomerang, avec impact direct et immédiat sur le résultat.

Le dirigeant de PME vit dans l’action : les réunions se font entre deux portes, les cahiers des charges tiennent sur un post-it et les décisions ont des effets immédiats sur les résultats, sans aucun parapluie à ouvrir, ni aucun vrai/faux bouc émissaire à blâmer pour vous dédouaner de vos décisions. Moins de politique, plus d’efficacité, mais aussi une exigence de polyvalence extrême, qui exige une excellente gestion du temps et… de son énergie !

Une indispensable polyvalence

Pascal Ferron, président du réseau de cabinets d’expertise comptable, de conseil et d’audit Walter France. (©Walter France)

Pour gérer une petite structure, le dirigeant de PME doit être polyvalent : bon manager, bon commercial, bon technicien. À la fois dans la réflexion stratégique et sur le terrain, les mains dans le cambouis. Pas pour tout faire lui-même, mais a minima pour comprendre et suivre le travail de ses équipes.

Fini le temps où, dans un grand groupe, ingénieurs et commerciaux se méprisaient mutuellement en reportant la faute de la non réussite l’un sur l’autre ou pouvaient se reposer sur des avis d’experts. Dans une PME, chacun est indispensable. Vous serez au four et au moulin, et simultanément compétent en tout, mais pas expert.

Pas de doublons dans une PME : c’est à vous de pallier les trous dans la raquette. Quand un salarié est absent, c’est le dirigeant qui prend le relais : il finalise un projet au bureau d’études, allume les lumières le matin, répond au téléphone après les heures de bureau, voire il conduit le chariot élévateur quand le cariste est malade et qu’il faut livrer à temps, ou se lève la nuit pour une fausse alarme que le chat des voisins a déclenchée.

Il vous faudra également être un gestionnaire rigoureux, un marketeur créatif, un manager structuré, un leader enthousiaste… Autant de qualités qu’il n’est pas toujours possible de réunir seul. D’où la nécessité de s’entourer de compétences complémentaires, sans exploser le budget bien évidemment. Car, sans cela, l’aventure s’arrêtera vite.

De l’action aux résultats

Dans une PME, vous êtes seul. Et la solitude, parfois, cela pèse lourd ! Certes vous avez des conseils, des managers avec lesquels vous pouvez échanger, mais les décisions, c’est vous qui les prenez, et vite. Vous n’avez pas de filet de sécurité. En revanche, vous avez plein de contreparties très positives !

Terminé les réunions interminables dont il ne sort pas grand-chose, terminé les discussions et les négociations à n’en plus finir pour convaincre vos collègues ou votre hiérarchie du bien-fondé de vos actes ou de vos projets. Place au règne de l’informel, avec des décisions prises d’un seul coup par intuition, un seul appel téléphonique qui règle toute une série de problèmes, etc.

Il vous appartient de savoir alterner constamment réflexion stratégique et décisions opérationnelles. Celles-ci, souvent perçues comme mineures, sont en fait importantes car c’est leur accumulation qui détermine le résultat final, ou pas.

Vous être maître du jeu. C’est grisant pour certains. Vous prenez des décisions rapidement, vous avez toute latitude pour qu’elles soient mises en œuvre sans délai. Et surtout, vous pourrez constater immédiatement leurs impacts, qu’ils soient positifs ou parfois plus discutables. Mais, dans ce cas, vous saurez rectifier le tir sans délai.

Quand on a bien compris les tenants et les aboutissants et surtout effectué sa révolution intellectuelle, diriger une petite structure a de multiples avantages. Surtout quand on a soif d’indépendance et d’agilité. Le repreneur pourra optimiser sa pleine efficacité, être en prise directe avec son équipe et constater les impacts immédiats de ses décisions.