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Reprise de Sigfox : UnaBiz plaide pour l’interopérabilité

IoT. Fondé par un ancien salarié de Sigfox, UnaBiz a repris la marque, la technologie, les brevets ainsi qu’une partie des salariés de l’entreprise toulousaine liquidée il y a un an. Depuis, la société, basée à Singapour, a injecté 40 M$ et prépare une nouvelle levée de fonds.

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La conception de solutions de connectivité
UnaBiz a repris les activités de Sigfox, à la barre du tribunal de commerce de Toulouse en avril 2022. L’entreprise, qui emploie aujourd’hui 224 salariés dans le monde, a son siège social à Singapour. Elle est spécialisée dans la conception de solutions de connectivité et les services de plateformes de données. Elle s’appuie sur différentes technologies dont Sigfox 0G et LoRa. (cRÉDIT : DR)

« On ne laissera pas Sigfox disparaître ». C’était l’engagement pris il y a un an et demi par Henri Bong, le codirigeant d’UnaBiz, une société basée à Singapour, opérateur de réseau et intégrateur de solutions de connectivité IoT (internet des objets). Après avoir levé 300 M€ au total, en janvier 2022, la société toulousaine Sigfox, créateur du réseau bas débit longue distance (LPWA) éponyme dédié à l’IoT, cofondée en 2009 par Christophe Fourtet et Ludovic Le Moan, était placée en redressement judiciaire.

En avril de la même année, l’offre de reprise formulée par UnaBiz, un temps repoussée par Bercy, était finalement retenue, permettant à la société asiatique de reprendre la marque, la technologie et les 223 brevets déposés à l’international par le pionnier toulousain de l’IoT. Henri Bong a été pendant deux ans directeur des ventes de Sigfox avant de devenir lui-même, en 2016, opérateur exclusif de Sigfox à Singapour et de créer UnaBiz.

L’entreprise s’est très vite diversifiée ajoutant à son activité d’opérateur de réseau de connectivité IoT le développement et la fabrication, à Taïwan, d’objets connectés (compteurs, capteurs, traceurs, etc.).

L’entreprise réalise 90% de son chiffre d’affaires dans quatre verticales métiers : le metering (mesure) avec les compteurs de gaz et d’eau ; l’asset tracking (géolocalisation) avec des clients comme Coyote ou DHL, le facility management (bâtiment intelligent grâce aux capteurs de qualité d’air, CO2, température, etc.), secteur en pleine accélération depuis le Covid, et la sécurité avec cinq millions de logements connectés pour le compte de Verisure. Fin 2021, UnaBiz réalisait 18 M$ et employait 70 salariés.

Travail d’intégration

Un an après la reprise de Sigfox par UnaBiz, où en est-on ? C’est ce que sont venus expliquer le 5 juillet à Labège, Patrick Cason, directeur général pour l’Europe du sud d’UnaBiz, et Henri Bong, avant un rendez-vous avec Bpifrance. En un an, la pépite singapourienne qui se présente comme le « leader mondial des solutions IoT de masse », présente également aux Pays-Bas, en Espagne et au Japon, a dû effectuer « un important travail d’intégration pour fusionner les équipes, les systèmes d’information, remettre du cash sur la partie R & D », détaille Patrick Cason.

En France, 124 salariés de Sigfox ont été repris sur un total de 180 encore en poste au moment de sa liquidation. Le réseau public Sigfox 0G est aujourd’hui déployé dans 77 pays et permet de connecter 11,4 millions d’objets dans le monde. C’est 16 % de plus qu’au moment du rachat par UnaBiz ce qui montre, assure Henri Bong, que « malgré tous les problèmes traversés, la société n’a perdu aucun client », soit 1 500 clients BtoB. S’il reste muet sur le chiffre d’affaires global d’UnaBiz depuis la reprise, il précise que « les revenus récurrents ont progressé de 20% l’an dernier ».

Photo de Henri Bong et Patrick Cason
Henri Bong, cofondateur et codirigeant d’UnaBiz et Patrick Cason, directeur général Europe du sud, étaient à Toulouse le 5 juillet. (Crédit : Gazette du Midi)

La nouvelle équipe s’est surtout employée à réduire les pertes de l’entreprise, passées « de 60 et 80 M$ par an avant la reprise », précise Henri Bong, « à près de 20 M$ en 2022 et à près de 15 M$ en 2023 ». Pour ce faire, l’entreprise a revu ses structures de coût, « notamment sur les services de cloud où nous avons renégocié avec nos partenaires stratégiques. C’est aussi le cas pour la location des points hauts (sur lesquels sont installées les antennes radio, NDLR). Tous les fournisseurs ont fait des efforts considérables pour maintenir le réseau », précise Henri Bong. Le dirigeant a également entrepris de renégocier les contrats qui liaient Sigfox aux différents opérateurs de réseaux dans le monde en vue de leur offrir plus de souplesse.

« Les opérateurs étaient contraints de déployer leur réseau d’antennes - soit en deux à trois ans couvrir 85 % de leur territoire - sans avoir de clients, ce qui était vraiment difficile. Désormais, la priorité est de trouver des clients, puis de déployer le réseau, d’abord dans les grandes villes. » L’autre point litigieux concernait « le partage du revenu, à savoir 40% pour Sigfox et 60% pour l’opérateur alors qu’il avait tout déployé. Désormais, les opérateurs ont un coût fixe ce qui leur permet de gérer plus facilement leur marge. Notre objectif est de rendre les opérateurs à travers le monde plus rentables et plus facilement profitables. »

Approche orientée client

UnaBiz a également revu le positionnement de la marque Sigfox. « Sigfox avait comme vision d’imposer sa technologie et d’inonder le marché, détaille Patrick Cason.

Nous avons chez UnaBiz une approche plus orientée clients : “ vous avez des problématiques, il existe plusieurs solutions de connectivité à votre disposition”. Sigfox 0G en est une, mais il y en a d’autres : les réseaux cellulaires, les réseaux de type LoRa, les réseaux Wifi, Bluetooth, etc. Il faut la conjonction de tous ces réseaux pour amener la solution au client. »

Convergence des technologies

Henri Bong affirme en effet vouloir mettre un terme à la guerre qui sévit depuis l’avènement de l’IoT, et nuit à son essor, entre les protocoles Sigfox, LTE-M, NB-IoT et LoRa. Face à cet écosystème fragmenté, il milite en faveur de la convergence des technologies.

UnaBiz a ainsi récemment signé des partenariats avec les principaux opérateurs du LoRa, Actility, Senet, The Things Network, Loriot et d’autres annonces sont à venir. « Il faut travailler ensemble pour construire ce marché qui n’est pas encore mature, assure-t-il. Il n’y a que comme cela que l’on va redonner de la confiance à nos clients qui n’ont pas envie d’être enfermés dans une technologie. Cela va leur apporter la liberté et le choix. L’avenir, c’est la multi-technologie et les capteurs bimodes qui utiliseront à la fois le réseau Sigfox et le réseau LoRa. »

Durabilité

Depuis la reprise, Henri Bong indique avoir injecté 40 M$ dans l’entreprise notamment pour maintenir l’avance technologique du réseau Sigfox, réputé pour être peu consommateur d’énergie. « C’est l’axe prioritaire de notre R & D, détaille Henri Bong, parce que, pour nous, l’avenir de l’IoT, c’est la “recyclabilité et la disposabilité”. En effet, lorsque nous aurons des centaines de millions de capteurs connectés au réseau, nous devrons être très attentifs aux aspects de durabilité. Dès lors, peut-on encore diminuer la consommation d’énergie lorsqu’on envoie un message, de telle façon qu’on n’aura plus besoin de lithium ? Ou bien utiliser par exemple des batteries au sucre voire la récupération d’énergie à partir de la chaleur ou de la lumière ? »

L’ambition du dirigeant d’UnaBiz est claire : « Nous voulons réinvestir dans la technologie, soumettre à nouveau des brevets, réinvestir dans le marketing et la communication, reconstruire une image de marque. Sigfox n’est pas mort ! », martèle-t-il. Après avoir réalisé trois levées de fonds de 10 M$ en 2018, de 25 M$ en 2021 et de 50 M$ à la fin de l’année 2022, Henri Bong prépare une nouvelle levée de fonds d’un montant au moins équivalent. Il vise le retour à l’équilibre de Sigfox « à la fin de l’année prochaine ».