Sauvée in extremis, Naïo Technologies rebondit et vise les 11 M€ de chiffre d’affaires en 2030
Agritech. En proie à de graves difficultés, le fabricant toulousain de robots agricoles va bénéficier d’un plan d’investissement de 6,4 M€ de la part de la Région Occitanie et de ses partenaires historiques Bpifrance et Mirova. De nouveaux moyens qui doivent lui permettre de viser les 100 machines produites par an d’ici 2028.
Après sa mise en redressement judiciaire en juin 2025, on avait craint le pire. Fort heureusement, grâce au plan de reprise bâti par un pool d’investisseurs réunissant une société de gestion d’actifs, l’État et la Région Occitanie, Naïo Technologies va pouvoir poursuivre ses activités et écrire une nouvelle page de son histoire.
Basée à Escalquens, en Haute-Garonne, cette pépite des Agtech est un des pionniers de la robotique agricole. La PME conçoit, développe et commercialise des robots autonomes, 100 % électriques pour assister les agriculteurs dans leurs tâches quotidiennes. Ils permettent ainsi d’alléger la charge de travail - de l’ordre de 800 heures de travail par an - et d’optimiser la rentabilité des exploitations tout en réduisant de 50 à 70 % l’utilisation d’herbicides.
Près de 50 M€ levés
L’aventure avait pourtant bien commencé. Créée en 2011 par deux ingénieurs en robotique, Aymeric Barthes et Gaëtan Séverac, soutenus dès le début par Réseau Entreprendre Occitanie Garonne, la start-up toulousaine avait très rapidement su séduire les investisseurs. Ainsi en 2015, un premier tour de table lui avait permis de collecter 3 M€. Cinq ans plus tard, la société bouclait une nouvelle levée de fonds de 14 M€ via le fonds Etechnologies géré pour le compte de l’État par Bpifrance, dans le cadre du Programme d’investissement d’avenir (PIA).
En 2022, la PME doublait la mise en bouclant une nouvelle collecte de fonds de 32 M€. Mené par Mirova, filiale de Natixis Investissement Managers dédiée à l’investissement durable (groupe BPCE), ce troisième tour de table rassemblait plusieurs investisseurs (Ecotechnologies, Capagro, Demeter, Pymwymic et Codema), auxquels s’étaient joints deux acteurs régionaux : M Capital et l’Agence régionale des investissements stratégiques (ARIS) de la Région Occitanie.
Une gamme de quatre robots
Grâce à ces importants moyens financiers, la jeune pousse - qui a mis sur le marché dès 2013 le premier exemplaire d’Oz, son robot assistant maraîcher - a rapidement étoffé sa gamme. Ainsi, en 2018, est sorti Ted : le premier robot enjambeur viticole autonome. En parallèle, en 2016, Naïo Technologies a créé le FIRA, le plus grand événement de robotique agricole du monde, et ouvert sa filiale aux USA à Salinas (Californie), au cœur des pôles agricoles majeurs d’Amérique du Nord.
En 2022, après avoir participé en janvier au CES de Las Vegas, Naïo Technologies a lancé deux nouveaux produits : Orio, porte-outils polyvalent pour les cultures légumières et la pépinière, et Jo, un chenillard dédié à l’entretien des vignes étroites et à l’arboriculture, répondant ainsi aux besoins de marchés clés. Aujourd’hui 350 de ces machines sont en service sur les cinq continents.
Un marché très concurrentiel
Alors que le marché de la robotique agricole ne cesse de croître – d’ici 2030, il devrait atteindre les 3 Md€ en France et les 98 Md€ à l’échelle mondiale dès 2033 (source : FranceAgriMer et Spherical Insights) –, ces soutiens financiers renouvelés et cette dynamique commerciale n’ont pas empêché l’entreprise haut-garonnaise de connaître des difficultés. De fait, confrontée à une concurrence internationale de plus en plus exacerbée, le 5 juin 2025 la PME a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Toulouse.
Quatre mois plus tard, la pépite toulousaine renaît de ses cendres avec à sa tête un nouveau binôme de dirigeants. Il est composé d’une part d’Antoine Monville, entrepreneur et industriel toulousain expérimenté passé par l’Anvar, Bell Sports, Tenesol Technologies, EDF ENR, Up Trainer et EFI Automotive service, qui occupera la fonction de PDG. Il aura à ses côtés Matthias Carrière, directeur commercial historique de Naïo depuis plus de 12 ans, promu au poste de directeur des opérations, en charge des équipes commerciales, du support clients et du réseau de distributeurs.
Ils bénéficieront en outre d’un renfort de poids avec la nomination de Jean-Marc Nozeran, ancien président de Continental Automotive France, à la présidence du conseil de surveillance de Naïo, lequel mettra toute son expertise industrielle au service du projet.
Ce redémarrage a été rendu possible grâce à l’intervention de la Région Occitanie qui, faute de repreneurs déclarés, est montée au créneau pour bâtir un dossier de reprise qu’elle juge « solide ». Une nouvelle société a donc vu le jour qui bénéficiera du soutien financier des trois partenaires historiques de Naïo, à savoir Mirova, Bpifrance et l’ARIS. Objectif ? Remettre l’entreprise sur de bons rails et consolider son outil industriel.
« Cette reprise est le fruit d’un travail collectif mené avec des partenaires solides et des acteurs locaux engagés. Elle ouvre une nouvelle page pour Naïo Technologies, au service de l’agriculture et de la souveraineté économique de notre région », veut croire Carole Delga, la présidente de la Région, dans un communiqué du 3 novembre dernier.
Retour à l’équilibre en 2028
Ce nouveau plan de financement d’un montant global de 6,4 M€ (dont 200 K€ du Conseil régional via l’ARIS) doit ainsi permettre à l’entreprise « d’accélérer sa production et de renforcer ses positions commerciales en France et à l’international » via la signature de nouveaux partenariats de distribution tout en poursuivant « ses efforts de R&D », précisent dans un communiqué commun daté du 5 novembre les trois acteurs.
« Forts de plus de dix ans d’expérience au contact des agriculteurs, nous savons que la transition agroécologique passe par des outils performants, accessibles et adaptés aux réalités du terrain », confirme Matthias Carrière.
L’entreprise, qui exposera deux de ses robots au salon Sitevi dédié aux secteurs viticole, vinicole, arboricole et oléicole qui se déroule du 25 au 27 novembre à Montpellier, s’est donné pour objectif de revenir à l’équilibre opérationnel d’ici trois ans. À l’horizon 2028, elle vise en effet la production d’une centaine de robots par an et un chiffre d’affaires de 11 M€ en 2030 contre 6,5 M€ en 2022.
21 postes maintenus
Seule grosse ombre au tableau, le projet de relance n’assure malheureusement qu’un maintien partiel des effectifs. L’entreprise, qui a compté jusqu’à 80 salariés il y a trois ans, conserve en effet 21 postes seulement tandis que 10 emplois supplémentaires seront créés d’ici 2030.
À noter que, depuis sa création en 2011, la Région a mobilisé plus d’1,3 M€ pour accompagner Naïo Technologies et soutenir à la fois sa politique export, ses programmes d’innovation et consolider ses fonds propres.