Scop3 surfe sur la vague du réemploi
Économie. Frédéric Salles et Sophie Scantamburlo-Contreras sont les fondateurs de Scop3, une start-up basée à Montpellier qui développe une plateforme de mise en relation entre entreprises qui souhaitent donner à des associations ou vendre à d’autres acteurs économiques les équipements, encore en état de marche, mais dont elles n’ont plus besoin.
Donner une seconde vie aux ordinateurs, aux téléphones et autres chaises de bureau encore en état de marche qui dorment dans les salles des archives de nombreuses entreprises, c’est le pari que se sont lancé Frédéric Salles et Sophie Scantamburlo-Contreras, les fondateurs de Scop3. Une idée née d’un constat fait par le fondateur de Matooma. Après avoir revendu la start-up qu’il avait créée sept ans plus tôt, Frédéric Salles s’est en effet engagé comme bénévole au sein association, mais détaille Sophie Scantamburlo-Contreras, son amie de longue date, ex-directrice financière dans plusieurs entreprises de la région de Montpellier, et aujourd’hui associée, « il a très vite compris que les associations avaient des besoins en termes d’équipements qu’elles ne pouvaient pas satisfaire faute de budget. Nous avons discuté de cette problématique, Frédéric souhaitant savoir si des dispositifs existaient qui permettent aux entreprises de faire des dons aux associations et d’être, en retour, rémunérées par des déductions fiscales. »
« C’était le cas. À partir de cette réflexion, nous avons commencé à réfléchir à ce que font les entreprises lorsqu’elles ont des équipements qu’elles n’utilisent plus mais qui sont encore en état de fonctionnement. Nous avons fait le parallèle avec nos propres expériences. Or, lorsqu’une entreprise change une imprimante ou une partie de son mobilier, elle ne sait généralement pas quoi en faire. Ces équipements finissent souvent au fond d’un couloir et au bout de quelques années lorsqu’on a besoin de faire de la place, ils finissent à la déchetterie, faute d’autre moyen pour s’en séparer. »
C’est pour répondre à ce besoin, que Frédéric Salles et Sophie Scantamburlo-Contreras viennent de lancer Scop3, une plateforme qui facilite la mise en relation entre entreprises et associations. « Mais très vite nous nous sommes rendu compte que de plus en plus d’entreprises, soit par philosophie, soit parce qu’elles ont un budget limité, étaient également intéressées par le fait de pouvoir s’équiper en seconde main. Notre souhait a été alors de digitaliser complètement la mise en relation afin de couvrir l’ensemble des acteurs économiques : entreprises, associations et collectivités. »
Réduction d’impôt
La plateforme, en service depuis quelques semaines, a déjà reçu le soutien d’importants acteurs locaux tels que le groupe Septeo, leader français des logiciels métiers, et les associations Gammes et Nouas, également basées à Montpellier. « On retrouve à la fois sur la plateforme des entreprises qui ont besoin de se séparer d’équipements et des entreprises qui souhaitent s’équiper ou des associations qui voudraient bénéficier de dons, détaille Sophie Scantamburlo-Contreras. Septeo a ainsi fait des dons à des associations et d’autres entreprises ont vendu des équipements, tel l’aménageur Sofradam, qui profite de notre plateforme pour se séparer d’équipements neufs ou en très bon état, qu’elle a en stock dans ses entrepôts. Or on sait aujourd’hui que le stockage et le foncier sont des coûts importants pour les entreprises. »
Rendre cette mise en relation à la fois simple et rapide, c’est ce à quoi se sont attachés les deux cofondateurs : « nous gérons la publication des annonces, la mise en relation, la prise de rendez-vous et la rédaction du Cerfa fiscal pour l’entreprise qui a effectué un don auprès d’une association d’intérêt général », détaille-telle. Un tel don offre une réduction d’impôt à hauteur de 60% du montant du don.
Informatique, mobilier, matériel professionnel
Si le matériel informatique (ordinateurs, écrans, imprimantes, photocopieurs) et le mobilier (chaises, tables, caissons) constituent pour l’heure l’essentiel de l’offre sur la plateforme, « nous pensons très rapidement élargir notre catalogue, assure Sophie Scantamburlo-Contreras, au mobilier issu de l’hôtellerie et de la restauration notamment. Nous sommes en effet en relation avec de grands groupes hôteliers, des palaces parisiens, qui souhaitent eux aussi se séparer des équipements qu’ils n’utilisent plus et ne plus avoir à les stocker. »
Née à Montpellier, l’initiative a vocation à s’étendre à l’ensemble de l’Hexagone et à l’international. « Ce problème touche l’ensemble des acteurs économiques, confirme la cofondatrice. La plateforme est donc ouverte sur tout le territoire français même si nous avons naturellement noué les premiers contacts au sein de notre propre réseau. Nous avons déjà été approchés par des entreprises toulousaines, nîmoises, parisiennes ainsi que par des cabinets d’architectes qui se lancent également dans le réemploi des équipements, etc. Nous sommes ouverts à tous les acteurs qui ont décidé de s’engager dans une politique RSE d’achats responsables. » Le modèle économique de la pépite montpelliéraine repose sur la perception d’un abonnement à la plateforme pour tous les vendeurs.
Deux formules proposées
Deux formules sont proposées, l’une mensuelle, sans engagement, l’autre annuelle qui offre l’accès à différents services : « la facturation des équipements, l’émission des Cerfa, la prise de rendez-vous, la mise en relation avec des transporteurs partenaires, et on espère ajouter début 2022 le calcul des tonnes de CO2 évitées grâce à l’achat de seconde main ainsi que les tonnes de déchets évitées. Nous souhaitons nous positionner comme un outil pratique dans la politique RSE des entreprises. »
« En 2022, nous allons avoir une stratégie digitale offensive pour nous faire connaître et trouver les bons acteurs économiques »
Scop3 se rémunère également grâce à une commission de 15% sur le montant de la transaction réalisée. « Sachant, rappelle Sophie Scantamburlo-Contreras, que les entreprises qui stockent ces équipements pendant plusieurs années pour ensuite les jeter, supportent le coût du stockage et le coût du transport jusqu’à la déchetterie. Nous leur proposons pour 19,50€ de créer du revenu, soit en vendant, soit en donnant à des associations ».
Pour l’heure, la plateforme n’est pas ouverte aux particuliers. « Nous avons fait le choix du BtoB, parce que les particuliers sont déjà très bien servis par des plateformes telles que le Bon coin ou Vinted. Cependant, nous envisageons à très court terme d’offrir une fonctionnalité supplémentaire aux entreprises en leur permettant d’ouvrir la vente de leurs équipements à leurs collaborateurs. C’est déjà ce qu’elles font dans la réalité mais c’est souvent compliqué et lourd à gérer. Elles pourront manager ces ventes depuis notre plateforme grâce à un accès privatif. »
Et les collectivités ?
Depuis le 1er janvier 2021, elles ont l’obligation de s’équiper avec des biens issus du réemploi à hauteur de 20 % minimum (loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec). « Cela devient une problématique pour les entreprises privées qui désirent répondre à ces appels d’offres puisqu’elles ont l’obligation désormais d’aller sourcer des équipements de seconde main. Nous allons leur permettre de répondre à cette demande », ajoute Sophie Scantamburlo-Contreras.
De belles perspectives
La cofondatrice de Scop3 le reconnaît volontiers : « Nous sommes partis sur un business plan qui vaut ce qu’il vaut puisqu’on amorce un nouvel usage. Le plus compliqué sera d’y faire adhérer les entreprises. Nous nous sommes cependant donné des objectifs : 200 K€ de chiffre d’affaires pour 2022 (abonnements et commissions), 1,5 M€ en 2023 et plus de 5 M€ en 2024, soit 20 000 abonnés, ce qui compte tenu de la profondeur du marché, représente un pourcentage infime, puisque selon l’Insee, il existe 4,5 millions d’entreprises en France dotées d’un numéro Siren. En 2022, nous allons avoir une stratégie digitale offensive pour nous faire connaître et trouver les bons acteurs économiques qui vont pouvoir démontrer tous les biens faits du réemploi en entreprise », conclut Sophie Scantamburlo-Contreras.