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Le Toulousain Infinite Orbits lève 12 M€ pour prolonger la durée de vie des satellites

New Space. En pleine croissance, la deeptech toulousaine a deux projets phares : Orbit Guard et Endurance. Elle vient de lever 12 M€ pour accélérer le développement de ce dernier, qui pourrait révolutionner l’économie spatiale en prolongeant la vie des satellites.

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Représentation du satellite d'Infinite Orbits
Le financement sera utilisé pour accélérer le développement de la technologie de Rendez-vous et d’Opérations de Proximité (RPO) d’Infinite Orbits et pour effectuer des validations en laboratoire et dans l’espace avant le premier lancement. (©Infinite Orbits)

Le toulousain Infinite Orbits, spécialiste des services en orbite, s’apprête à bousculer le marché du New Space. Créée en 2017, la pépite vient en effet de frapper un grand coup en bouclant un premier tour de table de 12 M€ auprès de Newfund Capital, avec le fonds EIC, IRDI Capital Investissement et Space Founders France, le fonds d’investissement du Cnes. Objectif de cette opération ? Accélérer le développement d’Endurance, le premier satellite européen de prolongation de la vie pour les actifs spatiaux, dont la première mission est prévue à horizon 2026.

Utilisation durable des ressources spatiales

« Notre projet Endurance doit permettre aux opérateurs de satellites d’optimiser leur stratégie de gestion de flotte tout en augmentant le retour sur investissement en prolongeant la durée de vie de leurs satellites déjà en orbite », détaille Adel Haddoud, PDG d’Infinite Orbits, passé par Supaéro, McKinsey et le cimentier Lafarge.

Pour ce faire, la start-up planche ces dernières années sur une technologie de rupture, nommée RPO pour : Rendez-vous et Opérations de Proximité. « Notre R&D s’axe sur une technologie de navigation autonome et sécurisée pour se rapprocher des satellites géostationnaires de nos clients. Notre nouveau satellite Endurance jouera la fonction d’un remorqueur. »

Un rôle essentiel alors que les satellites en orbite géostationnaire, notamment de télécommunications - dont le coût peut atteindre les 400 M$ pièce - ont une durée de vie d’une quinzaine d’années du fait de leur capacité limitée d’emport de carburant. Le chef d’entreprise d’expliquer : « Les satellites partent dans l’espace avec une capacité d’énergie qu’ils utilisent pour se maintenir en orbite. Cependant, un satellite dérive naturellement et consomme sa propre énergie pour rectifier son mouvement. Arrivé à court de carburant, il est obligé de se placer sur une orbite dite cimetière, alors que sa charge utile est encore fonctionnelle. Or, les remplacer coute très cher. De fait, notre technologie a pour ambition de les maintenir en activité cinq ans de plus. »

Concrètement, ce nouvel engin spatial est conçu pour se rapprocher d’un satellite de manière sécurisée et autonome, se docker à lui et gérer sa fonction de navigation. À l’avenir, il pourrait aussi gérer son ravitaillement. De nombreuses applications sont encore en réflexion. Ainsi, la technologie RPO ouvre la voie à une utilisation durable des ressources spatiales.

Une première étape franchie

Afin de lancer sa technologie, la start-up s’est rapprochée depuis 2019 de l’ESA et du Cnes, et a bénéficié en parallèle du soutien du Conseil européen de l’innovation (EIC), de Bpifrance et de la Région Occitanie.

En mai dernier, la start-up a ainsi lancé son premier nanosatellite, Orbit Guard, qui permet de mener des missions de surveillance et de réparation des satellites en orbite. Envoyé dans l’espace à bord du lanceur Falcon Heavy de la société SpaceX, fondée par le milliardaire Elon Musk, l’entreprise ambitionne d’en lancer trois autres d’ici 2025.

« Nous sommes la première start-up au monde à avoir conçu un nanosatellite commercial en orbite géostationnaire. Pour ce faire nous avons formé une alliance avec l’opérateur de satellite américain Intelsat (NDLR, racheté depuis pour 2,8 Mds$ par le groupe luxembourgeois SES) en vue de développer des services pour sa flotte. » Ce partenariat s’ajoute à ceux passés avec le Cnes ou encore les opérateurs espagnol et azerbaïdjanais Hispasat et Azercosmos.

« Il y a près de 400 satellites géostationnaires en orbite, donc il y a de quoi faire. Une grande partie de ces engins aura besoin d’une extension de vie, ce qui nous permettra d’intensifier notre activité », précise l’intéressé. Désormais en pleine croissance, Infinite Orbits table sur 60 M€ de chiffre d’affaires d’ici 2027.

L’ambition de devenir un des leaders du marché mondial

Dans le New Space, près de cinq acteurs interviennent déjà sur ce marché de niche, dont le géant américain, Northrop Grumman qui a un train d’avance sur cette technologie avec l’opérateur Intelsat. « Nous pouvons cependant nous différencier par une approche plus accessible, ce qui nous permettra d’atteindre un segment de marché plus large », affirme Adel Haddoud. Son ambition ? Se positionner en tant que deuxième acteur mondial. « Nous espérons commercialiser quatre à cinq satellite par an », annonce-t-il.

Fort de 45 salariés, Infinite Orbits entend atteindre une cinquantaine de collaborateurs d’ici la fin de l’année. Après avoir généré un chiffre d’affaires de près de 3 M€ en 2023, la deeptech vise désormais les 10 M€.