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Stade Toulousain : entre conquête de trophées et modèle économique à réinventer

Sport. Malgré un chiffre d’affaires de 47 M€ en 2023 et une recapitalisation de 5 M€ pour renforcer ses fonds propres, le Stade Toulousain reste encore aujourd’hui trop tributaire des bons résultats sportifs de son équipe première. Bien décidé à changer de modèle économique, le club porte deux projets structurants d’envergure : l’augmentation de la capacité d’accueil du stade Ernest-Wallon et la transformation de l’activité au quotidien.

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Photo de Didier Lacroix
Le 11 septembre 2024, le Stade Toulousain a tenu sa conférence de presse de rentrée dans son écrin d’Ernest Wallon. L’occasion pour son président, Didier Lacroix de balayer les priorités du club pour la saison. (©La Gazette du Midi)

Le coup d’envoi de la nouvelle saison de Top 14 a été donnée le 7 septembre dernier. Et l’édition 2024-2025 commence comme s’était terminée la précédente pour le Stade Toulousain : sur les chapeaux de roue ! Avec déjà trois victoires en autant de rencontres, dont une de prestige contre les ogres rochelais lors de la deuxième journée.

« La saison dernière a été exceptionnelle à tous les points de vue. D’abord sur le plan des résultats sportifs bien sûr avec des titres en espoir et un magnifique doublé Coupe d’Europe-Bouclier de Brennus, mais aussi sur le plan économique, s’est félicité son président Didier Lacroix, à l’occasion de la traditionnelle conférence de presse de rentrée. Nous avons battu des records d’audience, le Stade Toulousain ayant représenté 30 % de l’audience globale du Top 14, soit près 36 millions de téléspectateurs ! Nous avons joué à guichet fermé à tous les matchs, vendu plus de 20 000 maillots et généré pour plus de 8 M€ à la boutique. »

Stade à 25 000 places et promotion du sport-santé

Cet échange avec les journalistes a surtout été l’occasion pour le principal intéressé de faire un point sur deux projets structurants : l’augmentation de la capacité de 15 à 20 % du stade Ernest-Wallon pour atteindre les 25 000 places, contre 19 000 actuellement, et celui d’une offre plus large en lien avec le quartier sur le sport-santé. Des projets d’envergure dont la réalisation est attendue à horizon 2027-2031 et qui coïncident avec l’arrivée de la ligne C du métro.

« Sous vos pieds en ce moment, le tunnel de jonction entre la station de maintenance et la station Sept Deniers – Stade Toulousain est en train de se creuser. Les deux tunneliers devraient se rejoindre sous nos terrains d’entraînement au mois de novembre. Nous entrons clairement dans une phase concrète. Une bonne nouvelle, tant cette troisième ligne est importante pour nous », a rappelé le président du club rouge et noir.

Et de développer : « C’est notre solution de demain dans l’optique d’agrandir notre stade, sur un site, ou plutôt un îlot, ceinturé par deux rocades, le canal du Midi et la Garonne. Même si on va devoir encore attendre trois, quatre ans, nous en préparons les effets. Autrement dit, il faudra que le stade soit prêt. Voilà pourquoi cette saison est décisive dans la prise de décision publique, tant vis-à-vis de nos trois institutions que chez nous, en interne avec notamment l’association Les amis du Stade Toulousain, propriétaire du stade Ernest-Wallon. Devra-t-on déménager ou réaliser ce chantier par phase ? Ces questions vont devoir être tranchées, et je l’espère de façon ambitieuse car je le répète, il est impératif que le Stade Toulousain se pose les bonnes questions : quel écrin sportif ? Quel modèle économique ? Et quelles ressources ? »

Un projet global de 80 M€ ?

Les « institutions » en question se sont bien sûr la Région, le Département et Toulouse Métropole. Si cette dernière - par la voix de son président Jean-Luc Moudenc - s’est d’ores et déjà positionnée en évoquant une subvention de 20 M€, celle-ci doit encore être votée. Si Didier Lacroix assure de « la bonne volonté affichée » des trois collectivités dans ce dossier, ces dernières font face à des contraintes budgétaires. « De façon assurée, nous avons des accords de principe. Reste à savoir si tout le monde est sur la même base d’investissement, à savoir environ 20 M€, pour pouvoir nous orienter vers un projet plutôt qu’un autre. Nous mêmes, nous réfléchissons à un complément d’investissement au travers des structures du club », indique celui a succédé à Jean-René Bouscatel en 2017.

Et alors que tout le monde se demande quel sera l’héritage sportif et social des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le président du Stade Toulousain a bien une petite idée sur la question. À la sortie d’une Coupe du monde de rugby et de JO, véritable succès populaire, la question est pour lui de savoir « comment le club peut surfer là-dessus avec le soutien des pouvoirs publics » afin de proposer une nouvelle offre dédiée à la pratique du sport au quotidien.

« Comment nous, Stade Toulousain, pouvons être demain le leader d’un projet de quartier repensé autour d’un nouveau stade mais également d’un concept sur le sport-santé : prévention, nutrition, soins, pratique du sport, etc. Avec pourquoi pas la construction au pied du stade ou à quelques encâblures d’un vestiaire où les gens arrivent en métro et peuvent se changer, et partir courir sur les bords de Garonne. Puis le coup d’après, ils peuvent jouer au paddle, au basket, faire de l’escalade… Le projet de demain, c’est ça. Ce n’est pas juste de mettre quelques places supplémentaires qui sont nécessaires à l’économie du club. C’est peut-être prétentieux, mais comme vous le savez, nous le sommes de temps en temps au Stade Toulousain ! »

La CRC Occitanie alerte sur les fragilités du modèle économique

Derrière cette ambition somme toute sincère de faire du Stade Toulousain un ambassadeur du sport-santé, les projets portés par le club répondent aussi et peut-être avant tout à une nécessité d’ordre économique. En effet, malgré une augmentation de capital significative de l’ordre de 5 M€ réalisée en juillet dernier, la Chambre régionale des comptes (CRC) Occitanie pointait dans un récent rapport les fragilités du modèle économique du club : « La situation financière du club apparaît structurellement dépendante de l’aléa sportif et des recettes de la billetterie et des abonnements, produits dérivés et partenariats qui en résultent, même si sur la période contrôlée, une progression significative du chiffre d’affaires peut être constatée (NDLR : 47 M€ de CA en 2023), liée aux très bons résultats sportifs de l’équipe première. »

Cette dépendance aux bons résultats – inhérente à tous les clubs du top 14 -, le directoire du Stade Toulousain en a conscience et ce, depuis longtemps « d’où notre volonté de penser un autre modèle avec un écrin sportif à la hauteur d’une ville comme Toulouse et aussi une diversification de notre offre tout au long de l’année entre tourisme, événementiel et pratique sportive », conclut Didier Lacroix.